L’édifice jadis glorieux de la Serbie se désagrège d’années en années, de mois en mois.
Il y a eu la mort de Slobodan Milosevic, le 11 mars 2006, puis l’indépendance du Monténégro, le 21 mai dernier. Il y a désormais les rumeurs de la mort de Ratko Mladic, l’ancien chef de guerre des Serbes de Bosnie. [1]
Et il y aura prochainement l’autonomie voire l’indépendance du Kosovo, en faveur des Albanais de cette province placée sous tutelle internationale depuis 1999.
La Serbie aurait pourtant pu éviter l’indépendance du Monténégro en livrant Ratko Mladic, au Tribunal pénal international (TPI) avant le référendum. L’argument phare des souverainistes locaux étant que les Monténégrins sont « otages » des politiques serbes. Une fois le chef de guerre arrêté, les souverainistes l’auraient sans doute remporté mais avec un peu moins des 55% de oui exigés par l’UE au lieu d’un peu plus, comme ce fut le cas (55,5%).
L’indépendance du Monténégro paraît cependant un événement positif pour la Serbie qui va désormais arrêter de regarder sans cesse à l’extérieur de ses frontières et se concentrer, bon gré mal gré, à son territoire. Le chantier commence par l’adoption une nouvelle Constitution.
Vers quelles perspectives se tourner ?
Le seul horizon qui semble s’ouvrir à la Serbie, tout comme au « trou noir » balkanique, c’est l’Europe [2].
Mais on ne peut pas dire que l’idée séduise les dirigeants serbes qui ne se sont pas montrés coopérants avec l’UE jusqu’à présent.
Ils n’ont toujours pas démantelé les services secrets et la police serbe qui datent des années Milosevic. Or l’UE les soupçonne de protéger actuellement, en Serbie, Ratko Mladic.
Conséquence : L’arrêt des discussions autour du fameux « Accord d’Association et de Stabilisation » (ASA), ticket d’entrée aux négociations pour l’adhésion à l’UE.
La Serbie est donc face au dilemme : l’Europe ou l’héritage de Milosevic, source de privilèges pour les dirigeants.
Nostalgie yougoslave
Il est clair que le cœur du président serbe Vojislav Kostunica balance encore largement du côté de l’ex Union des Slaves du Sud (Yougoslavie), où la Serbie était le leader. Avec l’union européenne, le pays serait soumis à des règles imposées par des plus grands et plus forts qu’elle. Pas question pour la Serbie d’être le dernier wagon.
Pour Vuk Draskovic, le ministre des affaires étrangères serbe, la solution est un retour à une « monarchie parlementaire constitutionnelle » [3] avec toujours cette même idée de passé, de retour, de nostalgie. N’est-il pas plutôt temps pour le pays d’avaler sa fierté et de se lancer dans la course européenne ?
Sans doute la Serbie espère-t-elle fédérer de nouveau les ’’wagons’’ yougoslaves. Mais ce serait oublier que tous les voisins -Croatie, Macédoine, Bosnie-Herzégovine, Monténégro et même Albanie- s’élancent déjà à un train d’enfer sur la voie européenne...
1. Le 7 juillet 2006 à 22:32, par Ronan Blaise En réponse à : Serbie : l’Europe, bon gré mal gré
Quitte à parler de wagons yougoslaves, autant ne pas se tromper de train européen. Parce que là, ça leur cause tout de même quelques petites migraines et ça leur pose quand même quelques petits problèmes de conscience, à nos amis des Balkans...
Je m’expliques : en janvier-février dernier l’UE a - par la voix du Commissaire (finlandais) Olli Rehn (chargé du dossier de l’élargissement) - proposé la création une ’’zone régionale de libre-échange’’ dans les Balkans occidentaux. Un projet qui concernerait les pays suivants : Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Macédoine, Serbie et Monténégro (alors encore unis).
Or, après une levée de boucliers générale dans les Balkans, la Croatie -bientôt imitée par l’ensemble des pays de la région- y voyant une nouvelle manoeuvre dilatoire pour retarder son entrée dans l’UE, a alors très clairement exprimé ses réticences face à un tel projet par crainte d’un retour dans un giron ex-yougoslave et balkanique dont elle n’a visiblement nullement la nostalgie.
Autant dire que l’idée yougoslave ’’Od Vardara pa do Triglava’’ a aujourd’hui très sérieusement du plomb dans l’aile (nb : du nom d’une bien jolie chanson patriotique et sentimentale des années 1970, célébration d’une Yougoslavie unie ’’du fleuve Vardar -en Macédoine - au Mont Triglav’’, en Slovénie). Et autant dire que les pays de la région ne souhaitent visiblement pas être relégués éternellement dans une ’’seconde division’’ balkanique où beaucoup soupçonnent encore le voisin de nourrir des arrières-pensées hégémoniques inavouables sinon inexprimées.
Un ’’rêve yougoslave’’ qui aurait donc tourné au cauchemar et qui est aujourd’hui remplacé dans certains imaginaires collectifs balkaniques par la perspective d’une adhésion à l’UE. Parce qu’unie dans la diversité ?! A voir...
A ce sujet, on relira donc très attentivement un récent papier de la ’’Slobodina Dalmacija’’, le journal de Split (Croatie). Un papier beaucoup plus nuancé que ça et intitulé ’’Oui à un espace économique régional !’’, publié dans le n°797 (du 9 février 2006) de l’hebdomadaire français ’’Courrier International’’.
2. Le 23 septembre 2006 à 00:50, par ? En réponse à : Serbie : l’Europe, bon gré mal gré
Je ne suis absolument pas persuadé que cette analyse soit éxacte au moins sur deux points, le premier concernant la prétendue domination serbe, en éffet, les serbes n’étaient pas les seuls dominant dans l’ex-yougoslavie et quand ils ont tentés de l’être les autres républiques ont fait sécession ne voulant pas d’une hégémonie serbe, le deuxième point concernant la nostalgie me semble inéxact, car les serbes ne sont absolument pas nostalgique de l’ex-yougoslavie mais plutôt de leur grandeur passée apportée par le prestige de la maison royale serbe des karadjordjevic au début du 19ème siècle et je ne pense pas que beaucoup de serbes aimeraient recréé une union quelconque ressemblant a ce que fut la yougoslavie socialo-communiste de tito.
3. Le 23 septembre 2006 à 11:41, par Ronan En réponse à : Serbie : l’Europe, bon gré mal gré
Question(s) compliquée(s)...
-I- Pour ce qui est de la ’’domination’’ des uns sur les autres :
Une question compliquée.
D’abord parce que l’ancienne yougoslavie ’’de Tito’’ - sans libertés publiques vraiment garanties et sans démocratie véritable - était effectivement gouvernée de telle manière que chacun s’y percevait (à tort ou à raison) écrasé par on ne sait finalement plus trop quelle hégémonie : les Croates (et/ou les Kosovars, les Monténégrins, les Slovènes, etc) se sentant écrasés par les Serbes, les Serbes se sentant écrasés par les Croates (et/ou les Kosovars) et tous se sentant finalement écrasés par les Communistes (lesquels se sont révélés être finalement de bien piêtres ’’arbitres’’ lorsque tous ces conflits ont commencés à simultanément resurgir lorsque la parole publique fut libérée...).
Quant à Tito, il était à la fois d’origine croate (de par son père), d’orientation politique communiste et ’’Yougoslave’’ d’aspiration (et - pour arriver au pouvoir - avait supplanté son rival ’’monarchiste’’ et nationaliste serbe Draza Mihajlovic) : quelques ’’très bonnes raisons’’ de se faire détester dans certains milieux ultranationalistes serbes...
-II- Pour ce qui est de l’hégémonie serbe :
Difficile de dire objectivement si elle ne s’était pas déjà ponctuellement manifestée sous l’ancien régime de l’ex-Yougoslavie ’’de Tito’’ (notamment lorsque le ministre de l’intérieur était le serbe Aleksandar Rankovic : exclu du pouvoir par Tito en 1966, pour autoritarisme personnel certes, mais aussi - me semble-t-il - pour excès de nationalisme ’’grand-serbe’’).
Et ne serait-ce, par exemple, que lors de la ’’répression’’ du ’’Printemps croate’’ de 1971, en nov-dec de la même année). Sans doute me direz-vous alors que cette ’’répression’’ fut organisée alors par le gouvernement ’’fédéral’’ et ’’yougoslave’’ (communiste) de Belgrade. Mais d’autres vous rétorqueront que les autorités publiques croates de Zagreb à l’origine de ce ’’revival’’ national(iste ?) ne s’en proclamaient pas moins communistes...
Toujours est-il qu’il est bel et bien vrai que c’est l’attitude nationaliste pro-serbes des autorités serbes (mais aussi yougoslaves...) lors de la crise du Kosovo des années 1988-1989-1990 qui allait conduire les autres ’’nationalistés’’ yougoslaves à prendre leur distance des autorités de Belgrade (quelles soient serbes et/ou yougoslaves) puis à afficher puis affirmer leur volonté d’indépendance.
-III- Nostalgie yougoslave ?
Autre question complexe.
Puisque souvent il m’arrive de lire et d’entendre - à ce sujet - des points de vue extrêmement nostalgiques quant à l’ancienne ’’Yougoslavie’’ (fusse-t-elle titiste et ’’socialo-communiste’’...). C’est là un point de vue nostalgique, affectif et sentimental digne des ’’soirées tristement arrosées entre amis’’ qui fait effectivement l’impasse sur l’abscence de libertés et de démocratie réelles au sein de cette ’’Yougoslavie’’ idéalisée pour ne mettre en exergue que le simple fait que ’’nous étions ensemble’’. Nostalgie voire amertume, donc...
Mais d’autres point de vue existent aussi : à commencer, donc, par le point de vue nationaliste serbe comme quoi la Yougoslavie était une construction idéologique (communiste) artificielle et oppressive ainsi qu’une expérience historique malheureuse et un projet irréaliste (une erreur historique ’’stratégiquement parlant’’, en somme...) dans lesquels se serait perdue et noyée la Serbie (au lieu d’essayer de se construire, seule, son propre destin national...). Amertume et rancoeurs, donc...
Toutes questions historiques (et presque surtout psychologiques...) complexes s’il en est, en somme...
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