Avenir de l’Europe

Sommet européen de Bruxelles : Calamiteux…

, par David Soldini

Sommet européen de Bruxelles : Calamiteux…

Il va falloir reprendre le flambeau de la protestation européenne. Depuis quelques années, les pro-européens ont suivis, parfois enthousiastes, souvent inquiets mais attentifs, les évolutions du dossier constitutionnel. Même après les Non, les européens ont continué à soutenir une démarche démocratique, réaliste et qui permettait enfin de réaliser rapidement l’objectif d’une union politique du continent.

Les vingt sept Etats ont signé le texte issu de ce processus constitutionnel, dix huit ont ratifié la Constitution, le Parlement européen s’est exprimé plusieurs fois avec des majorités écrasantes pour soutenir la démarche constitutionnelle, les enquêtes d’opinion montrent encore aujourd’hui que les opinions publiques européennes sont très majoritairement en faveur d’une Constitution européenne. Il faudrait aujourd’hui, à l’instar du journal Libération et alors que l’objectif constitutionnel a été consciemment écarté, considérer que « l’UE est sauvée ».

Sauvée de quoi, comment, par qui ?

Ce qui apparaissait comme une nécessité impérieuse dans la bouche des commentateurs politiques comme de celles de nombreux responsables est aujourd’hui devenue tellement secondaire que l’abandon de cette ambition s’apparente à un sauvetage de l’Union.

Et bien NON. Ce qui était vrai hier l’est encore aujourd’hui, et davantage encore puisque le temps passe : l’Europe a besoin d’une Constitution.
La méthode conventionnelle avait permis surtout de dépasser l’éternelle négociation entre intérêts nationaux

Or, contrairement à hier, quand cet appel des fédéralistes, pourtant pragmatique, faisait référence à un souhait, aujourd’hui ce slogan renvoie à un texte qui existe bel et bien : le traité constitutionnel. C’est ce texte, cette ambition, que les Chefs d’Etats et de gouvernements ont décidé, seuls, de mettre au placard. Les citoyens européens se doivent de réagir.

La méthode conventionnelle aussi imparfaite soit-elle avait permis aux citoyens d’être mieux représentés dans les négociations européennes, elle avait permis surtout de dépasser l’éternelle négociation entre intérêts nationaux, nécessairement incompatibles entre eux, et qui ne peuvent naturellement se concilier avec l’idée d’un intérêt général européen. Le résultat du sommet n’est que l’exhumation d’une méthode anti-démocratique qui a fait les beaux jours de l’Europe technocratique et qui a éloigné de plus en plus le projet européen des citoyens.

Depuis 1979, avec la première élection du Parlement européen au suffrage universel, l’Union essaye péniblement de redresser la barre. Les obstacles sont nombreux et le nationalisme encore triomphant, mais en l’espace de 25 ans l’Europe a pu se transformer et s’éloigner des fastes dorés mais paralysant de la méthode diplomatique. La citoyenneté européenne a été reconnue, l’Union s’est dotée de symboles, un drapeau, un hymne, une devise, la démocratie et la transparence ont pénétré progressivement les institutions européennes, notamment au niveau des réformes de l’Union elle-même, et la Constitution était sur le point d’entrer en vigueur.

Il a fallu un triste NON, et surtout un petit groupe de partisans fanatiques de l’intergouvernementalisme et du nationalisme d’un autre âge pour que ces beaux résultats soient balayés. Nous revoilà entre bien pensants, diront certains européens prêt à sacrifier leurs idéaux pour quelques maigres avancées techniques et qui considèreront sans doute que Messieurs Kaczinsky, Blair et Klaus sont des européens bien plus fréquentables que ces démocrates fanatiques qui à force de vouloir poursuivre leur rêve risquent la paralysie.

Pourtant, pour les fédéralistes, la ligne du Piave ou celle de Maginot a été franchie. La volonté de rouvrir les négociations sans aucune garantie démocratique, l’absence de perspectives d’évolutions rapides suite à ce compromis au rabais, le refus de persévérer dans des domaines indispensables pour l’avenir de l’Europe et le bien être de ses citoyens, en matière de politique étrangère, affaires intérieures, politiques fiscale, économique et sociale sont des éléments qui ne peuvent naturellement pas avoir pour conséquence une adhésion, quelqu’elle soit, aux travaux des chefs d’Etats et de gouvernements.

La ligne de division est aujourd’hui claire, entre d’une part les gouvernements nationalistes et les unionistes qui se méfient de la démocratie européenne et d’autre part les européens cohérents qui plaident pour une Europe démocratique et efficace. D’une part les gouvernements, de l’autre le peuple européen.

Il est fort à parier qu’un certain nombre de gouvernements qui paraissaient particulièrement attachés au projet constitutionnel réalisent rapidement qu’ils ont cédé plus que de raison. Il est également probable que très rapidement les européens sincères qui semblent aujourd’hui pousser un « ouf » de soulagement réalisent qu’avec un tel accord et une telle méthode l’Europe sera impuissante, incapable d’affronter les défis du XXIème siècle et surtout bloquée. Ils doivent maintenant entrer en résistance, marteler avec insistance la nécessité d’une Constitution, affirmer clairement qu’aucun recul par rapport au texte issu de la Convention ne saurait être accepté et, si nécessaire, tirer toute les conséquences de l’impossibilité d’un compromis en décidant d’aller de l’avant malgré le mécontentement de certains.

Aujourd’hui comme hier, le monde a besoin d’Europe et l’Europe a besoin d’une Constitution. Ne laissons pas les gouvernements nationalistes imposer leur volonté et reprenons le flambeau lâchement abandonné par des gouvernants irresponsables. La construction d’une fédération européenne demeure le combat le plus urgent à mener pour l’ensemble des forces démocratiques européennes.

Illustration : Sommet européen de Bruxelles du 21 et 22 juin 2007, source : site de la Commission.

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Vos commentaires
  • Le 28 juin 2007 à 11:20, par Ronan En réponse à : Sommet européen de Bruxelles : Calamiteux…

    Bravo, David. Félicitations. Je souscris pleinement à tout ce que tu as écris. Il serait effectivement temps que quelqu’un soulève l’étendard de la révolte. Nos chefs d’Etats et de gouvernements se fouttent de nous et l’Européisme béat condamne l’Union à l’impuisance avant de l’envoyer dans le mur (d’ici à 2017 ?!).

    Bref : les compromis boiteux, les traités déjà dénoncés à peine sont-ils signés (vu qu’il semble que ce soit déjà le cas de la part de la Pologne a propos de l’accord du week-end dernier...), les gouvernements qui reviennent sur leurs engagements (et ne viennent aux Conseils européens que pour y arracher des exemptions ou pour faire payer à leurs voisins les morts d’il y a cinquante ans), les pressions souverainistes, la méthode intergouvernementaliste du ’’on se met tous au rythme du moins disant’’ et l’Europe a minima façon ’’PPDC’’, y’en a marre.

  • Le 28 juin 2007 à 15:40, par TyrandO En réponse à : Sommet européen de Bruxelles : Calamiteux…

    Ce n’était pas un « sommet » européen mais un Conseil européen ! Il convient d’être précis pour être crédible. Sinon, sur le fond, je suis largement d’accord.

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