Le traité est entré en vigueur ce 1er Mai 2024, après la ratification par le Parlement néo-zélandais de l’accord de libre-échange. Si le traité permet de renforcer les relations commerciales entre la Nouvelle-Zélande et l’Union européenne (UE), celui-ci s’inscrit également dans un contexte géopolitique tendu. L’Union européenne, quatrième partenaire commercial de Wellington, a également inauguré par cet accord sa nouvelle approche en matière de commerce et développement durable (CDD). Dans cet article, nous nous pencherons sur cet accord, marquant une nouvelle ère commerciale pour l’Union européenne.
Ce que prévoit cet accord de libre échange
Cet accord commercial, bien que classique en la matière, inclut diverses nouveautés et s’inscrit dans un contexte géopolitique marqué par le retour de la guerre et le scénario d’un embrasement général. Pour rappel, un accord de libre échange est un traité international entre au minimum deux États ou organisations internationales. Le but : réduire ou supprimer les entraves commerciales entre les parties afin de faire bénéficier leurs marchés respectifs et ainsi stimuler la croissance économique et l’emploi.
Le récent accord de libre échange ne déroge pas à la règle. En effet, cet accord de libre échange entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande prévoit de supprimer les droits de douane néo-zélandais sur les importations venant de l’Union européenne. Les produits importés d’Europe sont principalement de la viande porcine, des vins et vins mousseux, produits laitiers, du chocolat ainsi que différents biscuits et confiseries. Jusqu’à présent, la Nouvelle-Zélande imposait des droits de douane à hauteur de 5% sur ces produits. Cet accord prévoit donc de les supprimer. De son côté, l’Union européenne lève les droits de douanes sur les importations néo-zélandaises actuelles, principalement la viande ovine, le vin et le kiwi.
Autre mesure classique d’un accord de libre échange, c’est la reconnaissance de 163 indications géographiques européennes protégées, comme certains fromages, et sur la totalité des vins et spiritueux, soit environ 2000 noms. En pratique, cette reconnaissance permet d’interdire la commercialisation d’un produit vendu sous le nom d’une indication géographique s’il ne respecte pas les normes européennes de production de ce dit produit. Cette mesure permet de protéger les producteurs et établit un droit de propriété intellectuelle, facilitant l’éclairage des consommateurs néo-zélandais sur l’authenticité des produits qu’ils achètent.
D’autre part, cet accord permet l’ouverture du marché néo-zélandais aux services dans des secteurs clés comme les télécommunications, le transport maritime, les services de livraison ou services financiers. Les entreprises européennes se verront faciliter l’accès aux marchés publics néo-zélandais. Des deux côtés, les investisseurs se verront également garantir un traitement non-discriminatoire. Les petites et moyennes entreprises n’en sont pas en reste, puisque le texte prévoit également une aide pour augmenter leurs exportations.
En somme, cet accord permet de faciliter le commerce de marchandises, de services et financiers, ce qui permettra d’accroître les échanges entre les deux parties. Selon une analyse d’impact, l’accord de libre échange résulterait en une hausse de 30% des échanges commerciaux entre l’Union européenne et la Nouvelle Zélande, avec une économie de 140 millions d’euros par an de frais de douanes. Plus, les investissements européens sur l’île pourraient augmenter de 80% dans les années à venir.
Vers une nouvelle ère d’accords commerciaux ?
Si les mesures principales restent classiques, cet accord de libre échange est toutefois novateur selon la Commission. Le commissaire européen au commerce Valdis Dombrovskis a mis en avant ce texte comportant « les engagements les plus ambitieux jamais pris en matière de durabilité dans le cadre d’un accord commercial ». En effet, le traité comporte un volet développement durable assorti de sanctions en cas de non-respect de l’accord de Paris sur le climat. La protection des principes fondamentaux du travail sont aussi inscrits, leurs violation expose également à des sanctions. Grande première, le traité s’inscrivant dans la « Green diplomacy » (diplomatie verte) comporte un chapitre sur les systèmes alimentaires durables mais aussi un article sur le commerce et l’égalité des genres. Autre disposition en matière d’environnement, l’accord prévoit une réforme du commerce et des subventions en faveur des combustibles fossiles.
En revanche, malgré les engagements en termes de développement durable, l’accord est critiqué, notamment pour l’utilisation de certaines substances chimiques par les agriculteurs néo-zélandais interdits en Europe. Les organisations agricoles s’inquiètent d’une concurrence déloyale si les marchandises importés en Europe produits avec ces substances s’avèrent moins chers que ceux produits en Europe. Un point qui fait écho aux projets d’accords de libre échange avec le Mercosur ou encore le CETA. Cependant, le traité reste novateur en ce qu’il met en avant une dimension environnementale et sociale du commerce international.
Stratégie Indo-Pacifique
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré en conférence de presse, « la Nouvelle-Zélande est un partenaire-clé pour nous dans la région Indo-Pacifique et cet accord de libre-échange nous rapprochera encore un peu plus […] Ce nouvel accord entre l’Union européenne et la Nouvelle Zélande arrive à un moment géopolitique important. »
Comme le souligne la présidente de la Commission européenne, la signature de cet accord de libre échange avec la Nouvelle-Zélande s’inscrit également dans un contexte géopolitique tendu, marqué par l’invasion russe en Ukraine et l’expansion chinoise, alliée de la Russie, dans la zone indo-pacifique. L’Union européenne déploie sa stratégie indo-pacifique afin d’assurer la stabilité, prospérité et le développement durable de la région, tout en promouvant la démocratie, le respect des droits de l’Homme, l’État de droit et le droit international. Ce nouvel accord de libre échange est aligné avec cette politique et renforce la position de l’Union européenne dans cette région hautement stratégique.
Cette politique s’ajoute à la stratégie « Global Gateway » lancée par la présidente de la Commission européenne visant à proposer une alternative à la stratégie d’investissement chinoise des nouvelles routes de la soie et contenir les ambitions d’influence chinoises. La région indo-pacifique, produisant 60% du PIB mondial, est d’autant plus importante qu’elle est au cœur du commerce et des flux d’investissements mondiaux. Renforcer les liens avec ses partenaires est donc un enjeu crucial pour l’UE, principale puissance commerciale dans le monde.
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