Dans la nuit 31 octobre 2015, alors que le groupe de hard-rock roumain « Goodbye To Gravity » se produit sur la scène du Club Colectiv, une boite de nuit de Bucarest, un incendie se déclare – les effets pyrotechniques du show enflamment le plafond acoustique de mousse de l’établissement, le feu se propage rapidement et produit des fumées hautement toxiques. L’évacuation est chaotique et le bilan très lourd : 64 morts (27 ce soir-là, 37 autres succomberont à leurs blessures) et près de 200 blessés.
Ce soir-là, Alin assiste au concert, ce jeune critique musical est un habitué du Colectiv. Grand amateur de musique live, il a assisté à plus de 250 concerts en 2015, dont la plupart dans cette discothèque du centre de Bucarest. Arrivé après le début du concert, il réussira à sortir rapidement du club : « j’ai eu de la chance, certains de mes amis ont été gravement blessés et sont toujours en convalescence, d’autres sont décédés ».
Dès le lendemain de la tragédie, la foule a rendu hommage aux victimes lors d’une marche allant de la place de l’Université à la discothèque. « C’est toujours de la Piața Universității que partent les manifestations, c’est le km 0 de Bucarest ». Très vite, on apprend que le Colectiv n’avait pas obtenu les autorisations nécessaires pour organiser le concert ainsi que le spectacle pyrotechnique à l’origine de l’incendie. Les gérants du club se seraient « arrangés » avec les autorités locales pour que celles-ci ne soient pas trop regardantes sur les conditions de sécurité dans la discothèque. Dans la rue, l’hommage aux victimes se transforme en mouvement de protestation dès la nuit tombée. Encore sous le choc des événements de la veille, Alin ne participe pas à la manifestation. Il ne ressortira que quelques jours plus tard, le 5 novembre : « Je portais un masque de V et un drapeau de la Roumanie. J’étais un peu déboussolé, j’ai pris part au rassemblement mais j’ai marché en silence ».
Un manque d’unité
Les manifestants sont majoritairement des jeunes, ils réclament un changement de politique. Il faut noter que la Roumanie ne cesse de lutter contre la corruption, toujours bien présente, depuis la chute du régime communiste. Le mouvement pousse donc le Premier ministre Victor Ponta, en sursis depuis plusieurs mois en raison de ses déboires avec la justice, à présenter la démission de son gouvernement le 4 novembre. « Les gens ne s’attendaient pas à ce qu’il démissionne aussi rapidement, et pour cette raison le mouvement s’est très vite essoufflé ». Pour Alin, cet essoufflement est surtout dû au manque de cohésion des manifestants : « les gens manifestaient pour tout et n’importe quoi : certains étaient en colère après l’incendie du Colectiv, d’autres à cause du niveau de vie qui reste bas, etc. Il n’y avait pas d’unité ».
« Je ne suis pas du genre ‘activiste’ »
Alin est plus un habitué des festivals que des manifestations : « je ne m’intéresse pas trop à la politique, j’essaye juste de respecter les lois, Je ne sais pas si je participerai à d’autres manifestations dans le futur, cela dépendra de la revendication et de l’unité du mouvement, mais je ne suis pas du genre ‘activiste’ ».
Depuis la démission du gouvernement début novembre, la Roumanie est encore conduite par un gouvernement de transition. « Nous voulions du changement mais en fin de compte les politiciens sont tous les mêmes ». Un sentiment de résignation gagne de plus en plus de jeunes. Mais si une partie de la jeunesse roumaine considère que leur pays ne leur offre pas assez de perspectives d’avenir, Alin n’est pas de cet avis : « il ne faut pas être pessimiste, il y a des opportunités, il faut juste les saisir ».
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