L’échec de l’hypothèse « Jamaïque » suit l’échec d’une campagne électorale qui n’a pas abordé la question européenne, dans l’illusion éternelle de l’Allemagne (et pas seulement), qu’il vaut mieux parler des problèmes internes pour gagner des voix. Celui qui commet cette erreur en paie durement le prix, comme l’a démontré la débâcle électorale des deux principaux partis (CDU/CSU et SPD), qui ont poursuivi les anti-européistes sur leur propre terrain, fait d’insécurité, de recherche de protection, et d’identité nationale. Et l’électorat a préféré, comme toujours, l’original.
Après dix ans de crise économique et sociale de la zone euro, après la crise de la dette souveraine, après le Brexit et le détachement de l’Amérique de Trump du front européen, face à la crise migratoire de l’Afrique du Nord et au chaos politique du Moyen-Orient (qui nourrit le terrorisme), ne pas offrir aux électeurs un « projet pour l’Europe » a été, de la part d’Angela Merkel et de Martin Schulz, un exemple de cécité et d’irresponsabilité politique. Sans un projet européen, il est clair que l’électorat, à la recherche de sécurité, finit par être flatté par celui qui promet les murs nationaux les plus hauts. À l’opposé, Macron a offert un projet pour la France et pour l’Europe, il a dit qu’avec l’Europe, il y a plus de sécurité et de progrès. Et les Français, après des années de faiblesse politique et de frustrations nationales, ont eu une nouvelle perspective : l’Europe comme moyen pour sauver aussi la France.
L’Europe doit pouvoir signifier souveraineté européenne : sur l’immigration, le commerce international, la politique économique, la défense, et la politique étrangère. Souveraineté européenne signifie donner à l’Europe les institutions, les ressources et les instruments pour agir avec efficacité dans ces secteurs. Et donner au Parlement européen le pouvoir d’en contrôler l’action. C’est le moyen pour affirmer la démocratie européenne dans ces secteurs où la démocratie nationale n’est plus capable de donner de réponses efficaces. Laisser ces thématiques être définies au niveau national, pays par pays, signifie rendre impossible la définition d’une ligne européenne commune et laisser prévaloir, dans chacun d’eux, l’intérêt national au lieu de l’intérêt européen. Donc, ne pas résoudre le problème.
Pour cela, la partie est si compliquée en Allemagne, dans le pays qui, au cours des dix dernières années, a cru que chaque problème européen pouvait être discuté d’abord chez soi pour ensuite s’imposer au niveau européen, une fois la ligne définie. Avec les élections de septembre, ce temps est terminé, même pour l’Allemagne : elle n’a pas su indiquer à son propre électorat une ligne européenne claire, et, par conséquent, maintenant, elle ne réussit pas à trouver un accord de gouvernement sur l’immigration, la sécurité et le futur de la zone euro.
Il est temps que ces matières ne soient plus laissées aux gouvernements nationaux, qui ne sont pas capables de les gérer, et qu’elles soient remises à un gouvernement européen légitimé face à son propre Parlement. Il est temps d’une Europe souveraine, il est temps d’un gouvernement fédéral pour l’Europe.
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