« L’Europe obtient une place au tout début de la Constitution de la Rhénanie du Nord-Westphalie ». C’est ainsi que l’agence de presse allemande dpa a annoncé le vote d’une proposition de loi portée conjointement par la CDU (centre-droit), le SPD (centre-gauche), le FDP (libéral) et les Verts, lors de l’assemblée plénière du Landtag (parlement régional) du Bundesland le plus peuplé d’Allemagne (environ 18 millions d’habitants, soit plus que les Pays-Bas voisins).
L’article 1 de la Constitution régionale (Landesverfassung), énonce désormais que « la Rhénanie du Nord-Westphalie est un État membre de la République fédérale d’Allemagne, et par conséquent de l’Union européenne ». Un alinéa est également ajouté au premier paragraphe, énonçant entre autres que : « La Rhénanie du Nord-Westphalie contribue à la réalisation et au développement d’une Europe unie et attachée aux principes fondamentaux en termes de démocratie, d’État de droit, de politique sociale et de fédéralisme, tel le principe de subsidiarité […] Le Land travaille avec d’autres régions européennes et soutient la coopération transfrontalière ».
En Allemagne, les 16 Bundesländer ont en effet leur propre Constitution et adhèrent donc à la République fédérale d’Allemagne, un système très différent du modèle français encore teinté de jacobinisme, malgré une décentralisation progressive.
Une région transfrontalière à qui il manquait une référence à l’Europe
La Rhénanie du Nord-Westphalie est une région au cœur de l’Europe occidentale et un carrefour de communication. Le Land possède en outre une frontière internationale avec deux pays (la Belgique et les Pays-Bas), et plusieurs villes (comme Cologne, Düsseldorf, Duisburg ou encore Dortmund) sont directement reliées à Paris grâce au Thalys.
Pourtant, le Land est l’un des derniers à avoir ancré la notion d’intégration européenne dans sa Constitution. A titre de comparaison, la Sarre, une région très dépendante des flux transfrontaliers de France et du Luxembourg, a été le premier Land à introduire la notion d’Europe dès 1992, alors que la ratification du traité de Maastricht battait son plein. Avant le vote au Landtag de Düsseldorf (la capitale régionale de Rhénanie du Nord-Palatinat), 13 Länder avait ajouté une telle référence dans leurs textes fondamentaux.
Cette « anomalie » était d’autant plus étonnante que la région possède un ministre des affaires européennes, et que son président, Armin Laschet, est également plénipotentiaire fédéral chargé des relations culturelles franco-allemandes.
La société civile récompensée
Le vote de cette loi est donc une victoire pour tous les pro-Européens, en particulier les associations comme les Junge Europäische Föderalisten et la Europa Union, qui avait initié dès janvier dernier une campagne en faveur de la reconnaissance de l’UE dans la constitution régionale, intitulée « #EUindieVerfassung » (#L’UEdanslaConstitution). Ces associations n’y voyaient en outre pas uniquement une simple mesure symbolique.
Dans un article paru en mars dans notre édition germanophone Treffpunkteuropa, Louisa von Essen, la coordinatrice de la campagne #EUindieVerfassung, écrivait ceci : « Les Constitutions ne sont en aucun cas de nature uniquement symbolique. Elles posent les fondements juridiques de nos sociétés », tout en mettant en exergue le lien entre droit et identité « nos Constitutions sont l’expression de notre identité ». Dans un pays connu pour son « patriotisme constitutionnel », cet ajout revêt d’une signification concrète, même si de nombreuses initiatives transfrontalières se développent déjà depuis des années.
Exemple pour la France ?
Même si les collectivités territoriales françaises n’ont pas de constitutions régionales, elles possèdent certaines compétences dans la coopération transfrontalière. En particulier, la collectivité européenne d’Alsace, opérationnelle à partir du 1er janvier prochain, ainsi que la Moselle, qui souhaite se transformer en « Eurodépartement » à la faveur du principe de différentiation prévu dans la révision de la Constitution française, comptent bien acquérir plus de pouvoirs concernant les relations transfrontalières.
Le traité d’Aix-la-Chapelle signé en janvier 2019 inclut également un chapitre entier sur les relations transfrontalières, signe que celles-ci, et ainsi l’intégration européenne dans toutes ses acceptions, sont toujours importantes, en théorie, aux yeux des décideurs politiques nationaux et locaux, alors que la pandémie de coronavirus a mis à mal cette coopération dans les régions transfrontalières, surtout entre la France et l’Allemagne.
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