Amitié en construction : Billet d’humeur sur les relations franco-kosovares

, par Fatjona Krasniqi , Laurant Osmani

Amitié en construction : Billet d'humeur sur les relations franco-kosovares
Monument dédié aux soldats français morts au Kosovo dans le cimetière chrétien de Pristina (Crédit photo : Ambassade de France au Kosovo)

Ce billet d’humeur sur l’amitié franco-kosovare en construction répond à celui paru il y a quelques semaines qui qualifiait l’amitié franco-serbe de brisée.

“Assieds-toi faut que je te parle, j’ai passé ma journée dans l’noir”

“La gorge serrée”, voici ce que dit avoir ressenti Aleksandar Vucic, le président serbe, lorsqu’il a été placé en arrière-plan lors de la cérémonie à l’Arc de triomphe au moment du centenaire de l’armistice de 1918 car le président kosovar, Hashim Thaçi, était placé au premier rang. Depuis l’envoi de soldats français au Kosovo au moment de la guerre de 1998, les relations franco-kosovares se sont développées malgré certaines embûches.

Le Kosovo étant reconnu comme autonome depuis les années 1990 (donc très récemment) et le pays étant à 90% d’ethnie albanaise, il nous faut donc nous intéresser aux relations franco-albanaises (qui sont de plus longues dates).

“Le temps passe et passe et passe, et beaucoup de choses ont changé”

En effet, les premières relations franco-albanaises datent de 1429 lorsque des albanais ont prêté main forte à l’héroïne française : Jeanne d’Arc. C’est pourquoi, dans le centre-ville d’Orléans, une rue a été nommée “Rue des Albanais”, en l’honneur de ceux qui, au péril de leur vie, ont permis de lever le siège de la ville.

Les Albanais étant éparpillés dans le monde, des relations indirectes entre les Albanais et la France furent “monnaie courante.” Un de nos premiers exemples vient directement d’Egypte. En effet, Mehmet Ali Pasha, d’origine albanaise et vice-roi d’Egypte, a offert en 1836 l’obélisque de Louxor qui se trouve actuellement au centre de la place de la Concorde à Paris en signe de bonne entente. De plus, au milieu du XVIIIe, se sont succédé plusieurs gouverneurs albanais en Corse (la famille Durrazzo, signifiant Durrës en italien). Après l’indépendance de l’Albanie de l’Empire ottoman le 28 novembre 1912, la France a eu un impact direct sur l’Albanie en établissant, dès 1916, un protectorat militaire sur la région de Korça, convoitée par les Grecs. Pour voir une action de la France impactant directement le Kosovo , il faudra attendre l’envoi des soldats français dans la région en 1998.

“Résiste ! Prouve que tu existes.”

Kosovo ! Kosovo outragé ! Kosovo brisé ! Kosovo martyrisé ! Mais Kosovo libéré ! Après de nombreuses tentatives de résistances pacifistes,1999 fut l’année de la libération, la décolonisation. L’intervention de l’OTAN du 23 mars au 10 juin 1999 à la suite du massacre de Racak, alors que plus de 90 % des Albanais du Kosovo avaient été chassés de leurs foyers changea la donne. La France participe au bombardement de Belgrade et s’engage auprès de l’OTAN, soutenant l’armée de libération du Kosovo (UCK - Ushtria Çlirimtare e Kosovës) dans leur lutte, au nom du peuple albanais, pour la libération du pays contre un gouvernement autoritaire,oppresseur envers les Albanais. Un premier pas vers l’indépendance fut franchi quelques mois plus tard, avec le soutien français et britannique, à la signature de l’autonomie du Kosovo.

Après être resté dans le flou et sous administration internationale, le jour historique arriva : l’indépendance est proclamée le 17 février 2008 (Joe Biden était déjà là). Depuis ce jour, les relations franco-kosovares se sont développées, la France a participé aux projets de reconstruction du Kosovo. Selon le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, les échanges (import/export) ont doublé en 5 ans en passant de 10.1 millions d’euros en 2015, à 24.9 millions en 2019. Des entreprises françaises se sont installées au Kosovo (Interex, Aéroport de Lyon, BNP Paribas, etc...). Un club d’affaires francophone au Kosovo (KOCAF) a été lancé en 2017. La première édition du Forum Francophone d’Investissement s’est tenue à Pristina en 2018. Au niveau de l’éducation, les jeunes kosovares peuvent faire le choix d’apprendre le français en plus de l’anglais et depuis 2017, une École Française Internationale a été ouverte à Pristina.

“Alors petit pays, loin de la guerre on s’envole quand ?”

Aujourd’hui, les Kosovars sont tiraillés par plusieurs influences. Il y a notamment celle des Etats-Unis, vus comme le pays libérateur du Kosovo, puis, la Suisse car elle accueille dans son pays, une très grande partie de la diaspora kosovare. Cependant, la France et l’Union européenne ont encore leur rôle à jouer dans cette région, et notamment au Kosovo. L’optimisme albanais (“hajt se bohet mirë” - "tout se passera bien") se ressent dans la volonté d’adhésion à l’UE.

Les Etats-Unis s’impliquent toujours autant dans la jeune République puisque le nouveau président Joe Biden a adressé, quelques jours après son élection, une lettre au Président serbe, en lui suggérant de reconnaître le Kosovo, condition impérative pour l’adhésion de la Serbie dans l’UE. Il faut donc, et c’est nécessaire, avancer sur le processus d’adhésion à l’UE. Il faut que la Serbie règle son autoritarisme et sa volonté de colonisation qui font rage dans les Balkans depuis des siècles. Il faut que Aleksandar Vucic, l’ancien ministre de l’information du criminel Milosevic, reconnaisse les crimes commis dans la région pour permettre plus de stabilité. Il faut qu’il arrête de s’immiscer dans les affaires des autres pays, par le biais notamment de partis “satellites” (comme la Liste Serbe au Kosovo), pour semer le désordre (par exemple, le tabassage du fils de Nenad Rasic opposant à la Liste Serbe, ou les récentes “magouilles” aux élections législatives du Kosovo.

Les Kosovars brillent de plus en plus sur la scène internationale : Dua Lipa est l’une des chanteuses les plus écoutées au monde et son duo avec Angèle a eu un grand succès. La chanson “Zemër” de Soolking et Dhurata Dora a fait un tabac partout en Europe, des films kosovars sont nommés dans les plus grands festivals de cinéma (“Shok” aux Oscars 2016, Luàna Bajrami nommé au César du meilleur espoir féminin pour Portrait de la jeune fille en feu en 2020, ou encore les cinq nominations du film “Zgjoi” (Hive) au Sundance Film Festival 2021), etc… De plus, le Kosovo, pendant la crise du Covid-19 a su se démarquer en fabriquant ses propres respirateurs artificiels.

Mais, tôt ou tard, les choses que nous avons laissées derrière nous, nous rattrapent. Et les choses les plus stupides, quand tu en es victime, te semblent les plus importantes. Parce que leur simplicité n’a pas d’égal : les jeunes du Kosovo (53% de la population a moins de 25 ans) sont enfermés, ne peuvent ni sortir, ni partir de ce petit pays, aucune perspective d’avenir,ni d’études, ni d’échanges universitaires, aucune émancipation n’est possible. Et pourtant, une envie d’Europe persiste, résiste et s’agrandit, de plus en plus, de jour en jour. Ils aiment l’Europe ! Et nous, les aimons-nous ? , Nous, sommes responsables du confinement perpétuel dont ils sont victimes. Aujourd’hui à l’heure de la Covid-19, un confinement de 2 semaines nous semble insurmontable, alors qu’eux le subissent depuis plus de 15 ans...

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Vos commentaires
  • Le 17 mars 2021 à 11:11, par Fatjona Krasniqi En réponse à : Amitié en construction : Billet d’humeur sur les relations franco-kosovares

    Bonjour aux lecteurs !

    Petite rectification sur le point Jeanne d’Arc (1429) : ces « Albanais » présents aux côtés de Jeanne d’Arc sont enfaite des Ecossais (l’Ecosse se nomme Alba en gaélique) avec à leur tête, John Stuart, fils du duc d’Albany.

    Cependant, c’est bien à la fin du XVe siècle que des Albanais sont présents en France : le roi Louis XII recruta 2000 estradiots en 1497 (ces estradiots étaient albanais [les cavaliers], grecs [nommés « argoulets »] ou croates [nommés « Corvats »], ces soldats ont été très présents en Italie, notamment à Venise et à Naples et jusqu’au XVIIIe siècle un peu partout en Europe occidentale). Ils ont été présents à la bataille de Dreux (1562) sous le règne de Charles IX ou à la garde de Henri Ier de Montmorency en 1574. Ceux-ci sont devenus moins nombreux en France après la bataille de Coutras (1587) lorsqu’ils ont combattus pour Henri III de France contre Henri de Bourbon (futur Henri IV).

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