La division entre les pays de l’Ouest et de l’Est : une plaie non cicatrisée ?

, par Lycée Chateaubriand (Rennes)

La division entre les pays de l'Ouest et de l'Est : une plaie non cicatrisée ?
L’Europe est-elle vraiment unie dans sa diversité ? Source : Leewarrior de Pixabay

Les disparités qui existent depuis 2004 entre les pays d’Europe de l’Est et de l’Ouest sont toujours une réalité en 2020. Les pays de l’Est souffrent encore d’un retard économique, auquel s’ajoute un manque de considération de la part de la France ou de l’Allemagne, pays moteurs de l’Union européenne ; ce qui tend à fragiliser toujours plus cette Union. Article rédigé par des élèves de première du Lycée Chateaubriand de Rennes.

« Les Français râlent pour tout et n’importe quoi, nous, au contraire, on râle que si c’est vraiment grave. » (Jakub Talcik, Slovaque)

Un passé qui tourmente les pays de l’Est au sein de l’Union

Pologne, Hongrie, Slovaquie, pays de l’Est intégrés dans l’Union européenne en 2004 lors de la dernière phase d’élargissement de l’Europe à l’instar de la Bulgarie et de la Roumanie en 2007, restent perplexes sur leur place au sein d’une Europe fragilisée par leur retard économique. Les inégalités entre les États membres persistent donc, notamment à cause d’un passé conflictuel marqué par le communisme à l’Est. Il est important de mentionner que ces pays appartenant à l’ancien bloc communiste durant la guerre froide ont connu une reconversion « brutale ». Marqués par la dictature ainsi qu’une économie socialiste, nationalisée et collectivisée, ces pays ont été déstabilisés par le passage soudain à la démocratie et l’économie de marché entre 1989 et 1991. Le retard économique lié à cette transition radicale explique leur entrée tardive dans une Union Européenne déjà affirmée depuis la fin du XXème siècle.

Des inégalités fortes qui pérennisent

Des monnaies différenciées

L’un des facteurs expliquant ce décalage pourrait être le fait que ces pays n’appartiennent pas à la zone euro. En effet, la Bulgarie utilise le lev, la Croatie le kuna, la Roumanie le nouveau leu... Les valeurs de ces monnaies étant toutes largement inférieures à celles de l’euro montrent que ces inégalités passent par la monnaie, symbole de pauvreté. On constate aujourd’hui que la Bulgarie est de loin le pays le plus pauvre de l’UE. Comme beaucoup d’autres, son produit intérieur brut (PIB) est inférieur à cent milliards de dollars. On remarquera que les pays de l’Est ont un PIB moyen largement inférieur à ceux des pays développés comme l’Allemagne (PIB de 4029,1 milliards de dollars) ou l’Italie (PIB de 2086,9 milliards de dollars). Néanmoins, leur croissance ne fait qu’augmenter et leur taux de chômage est majoritairement inférieur ou proche des 6% alors que celui de la France et de l’Italie est supérieur ou proche de 9%. Ces pays sont donc marqués par le presque plein-emploi qui signifie peu de chômage et une économie en développement, néanmoins bousculée par l’émigration. Par exemple, beaucoup de Polonais partent travailler au Royaume-Uni ou en Allemagne, où les salaires sont plus attractifs . En Estonie, le problème de la main-d’œuvre dans le secteur industriel devient préoccupant. La Bulgarie voit elle sa population diminuer et s’inquiète. Le taux de natalité de ces pays est en effet bas et une émigration de leurs jeunes actifs vers l’Europe de l’Ouest élevée, ce qui devient un enjeu essentiel des pays de l’Est.

Des conditions de vie éloignées

Ces seuils de développement nous montrent bien une idée de l’écart de niveau de vie important qui persiste au sein de l’Europe. Les populations démunies de l’Europe de l’Est vivent dans des conditions bien différentes des pays de l’Ouest. En effet, le cœur de pauvreté (seuil de pauvreté à 40% du niveau de vie médian) se situe aux alentours de 300 euros mensuels (bien moins encore en Roumanie qui affiche un seuil à 177 euros) : les plus démunis vivent alors avec l’équivalent de dix euros par jour (pour une personne seule). Les écarts de revenus, d’accès à l’éducation et à la santé demeurent ainsi considérables. « Il y a quand même une différence assez importante, disons que les gens ont plus tendance à passer leurs vacances dans notre pays, dans les campings, près de la mer, ou bien juste faire sept jours sur dix comme ça plutôt que de passer deux à trois semaines all inclusive aux îles Canaries avec toute la famille », nous raconta un étudiant Slovaque qui vit en France. Ces données permettent de mesurer l’ampleur de ce qu’il reste à faire pour assurer une véritable convergence des niveaux de vie au sein de l’Europe.

Par ailleurs, les pays de l’Est de l’UE sont le théâtre de la corruption ainsi que de l’inflation et de la misère. La Lettonie a dû faire face à un scandale financier en 2018 dans lequel sa banque commerciale a été accusée de blanchiment d’argent et d’être impliquée dans un programme illégal de développement d’armes en Corée du Nord et a donc été déclarée en faillite. Certains pays comme la Hongrie sont témoins d’une criminalisation des sans-abri et d’une paupérisation de l’offre hospitalière qui résultent d’une politique sociale qui ferme les yeux face au désarroi de franges importantes de la population, menacées par la misère. De nombreux scandales politiques sont également révélés. Des politiciens corrompus sont dénoncés et sont alors placés sous surveillance européenne. Ces exemples témoignent des problèmes sociaux qui ralentissent les pays de l’Est de l’Europe.

Des activités bas de gamme destinées à des pays peu considérés

Les pays de l’Est, connaissant des difficultés financières, sont cantonnés dans les activités bas de gamme. Beaucoup d’entreprises d’Europe de l’Est ont été rachetées par des grands groupes de pays de l’Ouest dans différents domaines comme par exemple l’automobile : la marque nationale roumaine Dacia a été rachetée par le groupe Renault, le groupe tchèque Skoda a été racheté par le groupe allemand Volkswagen... Ces achats d’entreprise dans les pays d’Europe de l’Est permettent à ces grandes firmes d’Europe de l’Ouest de produire à des prix beaucoup moins chers que si celles-ci le faisaient dans leurs pays respectifs. L’archétype étant l’industrie automobile allemande qui produit un très grand nombre de pièces de ces modèles automobiles dans des pays comme la République tchèque. Ces produits sont ensuite acheminés en Allemagne où ils sont assemblés, afin de produire les véhicules, soi-disant « made in Germany » mais plus prosaïquement « assemblés en Allemagne ».

Une Union européenne qui tente de remédier à ces inégalités

Pour résoudre ses disparités de développement, l’Union européenne, a mis en place lors du traité de Maastricht en 1992, la Politique régionale européenne (ou Politique de cohésion), qui s’appuie sur le versement de fonds structurels européens aux régions en difficulté, ainsi que sur des programmes pluriannuels de développement au sein de l’UE. On peut dire que cette politique s’appuie sur trois objectifs : le premier est l’Objectif Convergence, qui vise à promouvoir la croissance et donc la convergence des régions en retard de développement. Celui-ci sera financé par le FEDER (Fonds européen de développement régional), le FSE (Fonds social européen) ainsi que le FC (Fonds de cohésion). Le renforcement des capacités administratives et institutionnelles ainsi que l’adaptation des travailleurs et entreprises y sont promus. Le deuxième objectif est l’Objectif Compétitivité Régional et Emploi, qui doit renforcer la compétitivité et l’attractivité des régions. Le troisième est l’Objectif Coopération territoriale européenne qui vise à soutenir la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale. Les pays d’Europe de l’Est constituent en quelque sorte les pays davantage concernés par ces mesures de reconstruction économique. Ceux-ci sont ainsi appelés pays dits « bénéficiaires » : ils reçoivent davantage d’argent venant de l’Union européenne qu’ils n’en envoient. La Pologne par exemple constitue un important bénéficiaire net, qui a reçu 28 milliards d’euros entre les années 2016 et 2018 d’après les statistiques de Toute l’Europe, tandis que l’Allemagne verse elle au contraire 29,3 milliards d’euros pour l’UE en 2018.

De 2007 à 2020, soit sur deux exercices de la programmation financière de l’UE, la Pologne aura encaissé 150 milliards d’euros. Soit près de deux fois son PIB annuel. Si on a pu se réjouir de voir le pays connaître une croissance supérieure à 4% durant la décennie écoulée et être le seul à passer au travers de l’austérité, on ne peut en revanche que s’inquiéter de voir un tel déni de réalité européenne. Avec 82,5 milliards d’euros sur la période 2014-2020, la Pologne est de nouveau le plus grand récipiendaire de fonds européens. Alors que les précédents programmes avaient surtout mis l’accent sur le rattrapage, notamment en termes d’infrastructures, les financements européens iront désormais en priorité vers la recherche, le développement et l’innovation afin de faire monter en gamme l’économie polonaise.

Des pays d’Europe de l’Est qui tentent de se coordonner pour mieux peser dans l’UE

Le groupe de Visegrád

Les pays de l’Est gardent tout de même une part d’autonomie et choisissent de s’allier comme nous le montre le groupe de Visegrád, constitué de la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, ainsi que la Slovaquie. Formé en 1991 à la fin de la Guerre froide, il a d’abord permis à ses membres de faciliter leur intégration au sein de l’Union européenne et de l’OTAN. Cette alliance a gagné en notoriété et en influence au cours des dernières années, utilisée par ses membres pour défendre des positions communes. Le groupe de Visegrád prône en effet une politique restrictive en matière d’immigration ou encore une Europe faisant la part belle aux souverainetés nationales. Soucieux de fermer leurs frontières aux étrangers, notamment musulmans, ces pays n’ont cessé depuis de défendre cette ligne dure, jusqu’à obtenir gain de cause lors du sommet de Bratislava du 16 septembre 2016, au cours duquel la Commission européenne et les États membres ont accepté de renoncer à la politique de répartition des migrants par quotas. Leur politique reste ainsi rétive aux directions de Bruxelles. Les motifs de désaccords se font nombreux également en terme de budget, de politique intérieure ou encore sur l’élargissement de l’UE et portent une politique qui vise à se distinguer de celles de Paris et de Berlin. Longtemps inconnu du grand public, le groupe de Visegrád ne cesse de gagner en notoriété depuis l’automne 2015. Cela est principalement dû à la proximité idéologique des dirigeants hongrois, polonais, slovaque et tchèque.

Aujourd’hui, le V4 constitue un acteur incontournable au sein de l’UE car son poids économique se renforce progressivement. En effet si les 4 pays ne formaient qu’un, ceux-ci constitueraient la 5e puissance économique dans l’UE. A l’international, le groupe se montre très actif avec une grande diplomatie. Son partenaire privilégié reste Washington (exercices militaires conjoints, contrats de livraison d’armes et rencontres de haut niveau). Depuis quelques années également, le V4 coopère de plus en plus étroitement avec la Russie et la Chine, au grand regret de la Pologne qui constitue elle seule l’allié le plus fidèle des Etats-Unis.

Le triangle de Weimar

Nous pouvons également trouver le Triangle de Weimar formé la même année répondant à l’idée que la France, l’Allemagne et la Pologne partagent fondamentalement une vision commune du devenir de l’Europe et que la réconciliation des sociétés constitue le préalable d’une action concertée au sein de celle-ci. Cette alliance constitue à la fois un grand axe géographique du fait de ses 200 millions d’habitants (sur les 500 millions que comptent l’Union européenne). Lors de la dernière rencontre du Triangle de Weimar le 7 février 2011 à Varsovie en présence de la chancelière allemande Angela Merkel et des présidents français Nicolas Sarkozy et polonais Bronislaw Komorowski, ceux-ci ont convenu de rencontres régulières portant sur des sujets comme l’énergie ou bien la politique extérieure. Malgré quelques difficultés reconnues au sein de l’alliance notamment en France où celle-ci reste relativement méconnue, la diplomatie française entend néanmoins réactiver cette coopération. Le Triangle de Weimar peut ainsi créer une impulsion positive dans les contacts avec les pays à l’est de l’UE, symbolisant des renouements avec ces pays parfois délaissés.

Malgré des efforts de la part de l’UE aussi bien en termes économiques que diplomatiques, les pays d’Europe de l’Est ont le sentiment que le décalage avec les pays d’Europe de l’Ouest reste grand et que leur intégration ne s’est pas véritablement faite. Cela pourrait expliquer la progression du vote populiste et le repli nationaliste dans ces pays, au sein desquels la population tend de plus en plus à penser que les avantages apportés par l’UE sont bien minces compte tenu des efforts qui leur sont demandés.

Article rédigé par : Jeanne Lemasson, Héloïse Desmoucelle, Yasmine Bouyagayzen et Rachel Benmeddah.

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