Panique à bord ! C’est le sentiment général des partis politiques au soir des élections législatives du 4 octobre dernier. Les Portugais se sont abstenus d’offrir une majorité absolue à quiconque. Aucun mouvement n’est désormais en mesure de gouverner seul. Ces résultats ont sanctionné des partis exsangues d’imagination. Les électeurs, déboussolés et soucieux, ont choisi d’éparpiller leurs voix pour responsabiliser le monde politique. 44% d’entre eux, un record, ont même préféré se dispenser du vote.
Les Portugais ont expulsé du navire leur Premier ministre, Pedro Passos Coelho, qui a sévèrement fermé les vannes financières et parfois jeté par-dessus bord le social. Ils l’ont néanmoins placé en tête, avec 38,4% des voix, afin de complimenter ses efforts économiques et politiques. Non seulement le social démocrate a redressé l’économie, mais il a également décidé de se lancer dans la course en compagnie de l’autre parti de droite de sa coalition « Portugal en avant ». Cela n’a pas suffit. 123 des 230 députés de l’unique chambre du pays ont sans ménagement éconduit le nouveau gouvernement qu’il leur a alors présenté.
La gauche lève les voiles
Tous appartiennent en effet à une gauche plurielle que le leader du Parti socialiste, Antonio Costa, s’est immédiatement attelée à rassembler. Une tâche ardue pour l’ancien maire de Lisbonne. Jamais la gauche radicale, représentée par le Bloc de gauche [épaulée par Syriza] (10,2% des suffrages exprimés) et les communistes verts de la coalition démocratique unitaire [CDU] (8,2%), n’ont soutenu un gouvernement depuis la Révolution des œillets.
Leurs positions alter mondialistes, anti OTAN, floues sur l’appartenance à la zone euro et surtout formellement favorables à l’effacement intégrale de la dette, s’opposent fondamentalement au programme social libéral cher à Costa. La CDU, par exemple, ne digère toujours pas le vote des socialistes en faveur du plan de sauvetage de la Troïka en 2011.
Près de 13% de chômeurs, explosion des impôts, 20% des Portugais vivant sous le seuil de pauvreté, etc. L’impératif commun de faire tomber la droite et d’abattre l’austérité a ainsi permis à ces différents courants de se mettre d’accord. L’abandon des mesures les plus libérales proposées par le PS, contre le renoncement de renégocier la dette et de modifier les traités budgétaires européens exigé par le Bloc de gauche. Le deal prévoit enfin que la gauche radical soutienne le gouvernement de Costa sans y participer.
Houleuses invectives
« Je ne laisserai pas les clés du pays à l’extrême gauche anti européenne », a clamé Aníbal Cavaco Silva. Le président de la République a agité les peurs en évoquant la « ruine du Portugal si la gauche prenait le pouvoir ». Une curieuse manière de dépasser ses fonctions de président qui l’interdisent de s’improviser commentateur de la vie politique. Face à l’impasse, il a finalement fait machine arrière. Les partis centristes incapables de s’entendre et la catastrophique perspective d’un gouvernement de gestion des affaires courantes sans budget, l’ont finalement obligé à nommer Costa capitaine du gouvernement.
Costa permettra-t-il à la politique portugaise de retrouver son rythme de croisière ? Rien n’est moins sûr. L’élection présidentielle du 24 janvier pourrait redistribuer les cartes du pouvoir. Surtout, l’accord entre les partis de gauche reste vulnérable. Le Parti socialiste se retrouve sous la pression des rafales revendicatrices des centristes libéraux sur sa droite, ou du Bloc de gauche et des communistes anti austérité sur sa gauche. Tous se tiennent prêt à renverser la barque gouvernementale pour replonger le pays dans la crise politique.
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