Mais depuis que l’Australie a annoncé forger une alliance nommée AUKUS avec les États-Unis et le Royaume-Uni, et briser le “contrat du siècle” de 56 milliards d’euro avec la France, l’Europe est divisée entre Washington et Beijing. Cette trahison de la part des alliés anglo-saxons renforce la volonté d’autonomie des français, et plus largement des européens. La méfiance est au plus haut.
La fin du monopole du coeur
Nous ne pouvons pas vraiment écrire que nos amis européens étaient particulièrement solidaires de la France ces derniers jours. L’Allemagne ne nous a que timidement soutenu, et les institutions européennes parlent seulement de manque de loyauté de la part des États-Unis. Certains Etats membres pensent même que le Quai d’Orsay “dramatise”. Mais l’annonce de ce pacte a rappelé aux européens que les États-Unis, malgré l’élection de Joe Biden, ne sont pas un allié indéfectible.
Les États-Unis semblent considérer l’Europe comme un continent peuplé de continuels alliés. Il est vrai que la construction européenne a été marquée par le rôle important de Washington. L’Union a débuté dans le bloc de l’Ouest, avant de progressivement s’étendre à l’Est après la chute de l’URSS. Aujourd’hui, les relations sont profondes et l’Europe ne se retournera pas du jour au lendemain contre cette puissance. Mais l’Oncle Sam doit se méfier, et ne pas trop estimer les 27 comme acquis à sa cause.
Le poids grandissant de la Chine dans les économies des 27, premier partenaire commercial, écarte toujours plus le vieux continent du nouveau. Certains États membres se rapprochent rapidement de Pékin, parfois presque dangereusement. C’est principalement le cas à l’Est. L’importance et l’influence qu’avaient naguère les États-Unis s’amenuisent.
Difficile de trouver sa place
Le Président de la République française a affirmé vouloir transformer l’Otan pour la rendre moins dépendante de la puissance américaine, et former une défense européenne forte. C’est une vision gaulliste qu’adopte Emmanuel Macron, qui vise à placer l’Europe entre l’Asie et l’Amérique, et ainsi conserver une indépendance et souveraineté vis-à-vis des deux puissances. Mais ces projets sentent souvent le remugle.
Il est absolument nécessaire de réformer notre union afin de renforcer l’Europe, pour qu’elle se positionne indépendamment des États-Unis et de la Chine. Il paraît difficile aujourd’hui, à l’approche des élections présidentielles françaises et d’un nouveau gouvernement en Allemagne, de préparer un nouveau traité européen. En effet, la campagne présidentielle française est peu propice à plus de fédéralisme. De l’autre côté du Rhin les scores sont très serrés et un leadership clair ne semble pas se dégager à l’heure où nous écrivons. La construction européenne semble donc malheureusement s’étioler.
La Chine quant à elle se réjouit des tensions. Elle espère que l’assuétude des européens envers le géant américain va s’amenuiser progressivement. La diplomatie de Xi Jinping a conscience qu’elle ne pourra pas développer des relations aussi profondes avec l’Union. Mais elle souhaite que cet incident fasse tomber les tabous concernant son implication dans les affaires internes du continent.
Un nouveau départ
Lors de ses mandats successifs à la tête de la chancellerie allemande, Angela Merkel a essayé d’accroître l’autonomie stratégique souhaitée à Bruxelles et Paris. Avec la France, elle a tenté de développer certaines technologies et d’encourager des fusions d’entreprises pour créer des géants européens. Un système de combat aérien et de char du futur est en cours de développement avec l’Espagne.
C’est une très bonne nouvelle pour les 450 millions d’européens. S’apercevoir que la dépendance envers l’autre côté de l’Atlantique n’est plus possible oblige les États membres à travailler main dans la main. Certaines coopérations seront absolument nécessaires pour obtenir certains savoirs et outils. Reste à savoir si le couple franco-allemand à venir sera à même de motiver les autres membres de l’Union dans cette démarche.
En outre, la fin de ce contrat peut-être une très belle opportunité pour l’Europe de développer une nouvelle stratégie dans la région indo-pacifique. Rappelons que plus de 2 millions de citoyens européens y résident.Un plan avait d’ailleurs été présenté le même jour que AUKUS.
L’Inde semble être un nouvel allié possible. La plus grande démocratie au monde est méfiante envers la Chine et souhaite garder ses distances vis-à-vis de cette dernière. La France semble vouloir s’appuyer désormais davantage sur ce pays que sur l’Australie, ancien pilier de sa stratégie dans la région. Nos intérêts sont très similaires, et nos situations vis-à-vis des deux grandes puissances se rapprochent.
Ce grand État très peuplé pèse en outre de plus en plus dans l’économie mondiale. Par conséquent, son importance géopolitique et militaire va également croître. Le pays de Narendra Modi est également idéalement situé entre la Chine et notre continent. Le Président Emmanuel Macron s’est d’ailleurs entretenu au téléphone avec le Premier ministre indien le 21 septembre, soit moins d’une semaine après l’annonce du pacte AUKUS. Des nouveaux traités de coopération économique sont donc à souhaiter et à prévoir entre l’Union européenne et l’Inde.
Ainsi, s’ il est regrettable que le “contrat du siècle” soit tombé à l’eau, cette surprise permet au moins de sensibiliser les européens à leur besoin d’autonomie, et de forcer certains gouvernements à prendre des précautions. L’Europe doit se comporter comme une puissance libre et indépendante.
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