Boris Johnson veut faire de 2020 l’année de la lutte contre le dérèglement climatique. C’est en tout cas le sens de son annonce faite le 4 février dernier. Le premier ministre a notamment réaffirmé l’engagement du Royaume-Uni d’atteindre la neutralité carbone en 2050 en avançant la date de l’interdiction des voitures à moteur thermique de 2040 à 2035. La date de sortie totale du charbon est également avancée à 2024.
Le transport et le charbon sont en effet des secteurs fortement émetteurs de gaz à effet de serre (GES) et selon la Commission européenne, la neutralité carbone en 2050 implique une réduction d’au moins 90% des émissions de GES dans le transport, ainsi que la sortie totale du charbon.
Sommet mondial pour le climat en novembre
Mais c’est la COP26 en novembre prochain à Glasgow qui constitue le point d’orgue de cette « année climatique ». Le gouvernement conservateur pourrait utiliser cet évènement clé dans les négociations climatiques mondiales pour reconquérir un peu de son prestige international, bien mis à mal par les laborieuses négociations sur les modalités de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
La réussite de la COP26 est impérative si la communauté internationale veut pérenniser les acquis de l’accord de Paris de 2015, en particulier après l’échec amer de la COP25 organisée par le Chili mais qui s’est tenue à Madrid.
Pourtant, l’organisation du sommet climatique de Glasgow n’a pas démarré sous les meilleurs auspices. Le 31 janvier, jour du Brexit, la présidente de la COP26, l’ancienne ministre de l’environnement Claire Perry O’Neill, a soudainement été démise de ses fonctions.
Sa succession n’a pas été simple, puisque c’est seulement le 13 février que le secrétaire d’état à la coopération internationale Alok Sharma a été nommé président de la COP26, après les refus de David Cameron et de William Hague (ancien ministre des affaires étrangères de 2010 à 2014).
Des déclarations controversées
Le limogeage de Claire Perry O’Neill pourraient s’expliquer par les tensions entre le 10 Downing Street et le gouvernement écossais sur l’organisation de la COP26, ou encore par ses déclarations controversées lors du forum économique de Davos et d’une visite officielle en Inde, où elle aurait déclaré que l’Accord de Paris était « mort ».
La principale intéressée n’a pas tardé à réagir à son départ en fustigeant l’attitude de Boris Johnson, arguant « qu’il ne comprenait pas le changement climatique ».
Malgré ces couacs, Boris Johnson tente de mettre toutes les chances de son côté et a nommé le Canadien Mark Carney au poste de conseiller dédié à la finance durable et a annoncé sa participation à la COP26.
L’actuel gouverneur de la banque d’Angleterre (il quittera son poste le mois prochain) avait déjà été nommé en décembre dernier « envoyé spécial des Nations unies pour l’action en faveur du climat ». Il est également l’un des premiers banquiers centraux à vouloir effectuer des tests de résistance du secteur financier aux effets du changement climatique, dont les résultats pourraient être présentés l’année prochaine.
Tensions avec Bruxelles
Du côté de Bruxelles, la COP26 représente aussi un enjeu de taille : d’ici novembre, les 27 devront adopter plusieurs positions communes concernant les principaux enjeux du Green Deal, tels que les nouveaux objectifs climatiques d’ici 2030 et 2050. Le conseil européen de juin prochain sera une première échéance d’importance vers une harmonisations des positions nationales.
L’union des Européens derrière des objectifs climatiques ambitieux est essentielle pour la réussite des négociations climatiques, alors que d’autres leaders climatiques dans le monde, comme les Etats-Unis ou le Brésil, se mettent en retrait et deviennent même de gros obstacles vers la transition écologique mondiale.
L’unité de l’Union européenne devra aussi être totale lors du deuxième volet des négociations entre Londres et Bruxelles pour esquisser leurs relations à partir de 2021 (voire 2022). La politique climat-énergie européenne est au centre des attentions, alors que le cabinet de Boris Johnson envoie des signaux contradictoires quant à sa volonté de se conformer aux règles européennes.
Pascal Canfin, le président de la commission de l’environnement au parlement européen, a par exemple déclaré en janvier dernier que le Royaume-Uni pourrait se voir imposer une taxe à la frontière du marché unique si le pays ne respectait pas le marché européen du carbone, dont la réforme est envisagée dans le cadre du Green Deal.
La convergence des règles entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sera la clé pour des relations apaisées dans tous les domaines, dont la transition énergétique.
Une voix pro-climat en moins
Si d’aucuns vilipendent le manque de volonté de Londres de se conformer à la vision européenne de la transition énergétique, d’autres voient dans le Brexit la perte d’un pionnier de la transition énergétique, en Europe comme dans le monde.
Margaret Thatcher a été l’une des instigatrices du désormais incontournable GIEC (le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et son discours de novembre 1989 à l’assemblée générale des Nations unies a mis la lumière sur les problèmes de pollution planétaire. Ses successeurs, conservateurs comme travaillistes, ont tenté de conserver la position de pionnier du Royaume-Uni, en particulier lors de la conception et de l’application du protocole de Kyoto, l’un des premiers traités mondiaux contre le changement climatique.
A l’heure actuelle, le bilan du pays est plutôt positif, notamment en ce qui concerne la baisse des GES : entre 1990 et 2018, ceux-ci ont baissé de 44%. Le développement des énergies bas-carbone, renouvelables et nucléaire, est également en hausse constante (les renouvelables, surtout l’éolien offshore, représentent le tiers du mix électrique britannique), et ce, alors que le pays n’atteindra pas son objectif d’énergie renouvelable dans le cadre du paquet climat-énergie 2020 (en 2018, le mix énergétique britannique ne comportait que 11% d’énergies renouvelables, alors que le pays s’était fixé un objectif de 15% pour 2020).
Sur la scène politique européenne, Londres était également connu pour être un défenseur d’une politique climat-énergie ambitieuse, et surtout un conciliateur entre l’Europe de l’Ouest et les pays d’Europe centrale, nouveaux membres de l’UE et devant faire face à des enjeux particuliers. Ce rôle de conciliateur, que la France ne semble pas vouloir reprendre, manquera-t-il à l’Union ces prochaines années ?
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