Tonino Picula, le rapporteur du texte, est formel : « Félicitations aux Monténégrins pour avoir ouvert tous les chapitres [1] », avant de compléter « mais, cette année, tous les pays candidats ont progressé [dans le processus d’adhésion à l’Union européenne] sauf le Monténégro ».
Des progrès attendus
Le Monténégro, indépendant depuis 2006 et candidat à l’adhésion à l’UE depuis 2008, a longtemps été le candidat modèle. Comme le rappelle Jiří Pospíšil (PPE, centre-droit), la population est europhile –en 2023, environ 80% des Monténégrins soutenaient l’adhésion– l’ensemble des chapitres de négociation ont été ouverts, le pays utilise l’euro comme monnaie, Podgorica entretient des relations apaisées avec l’ensemble des États membres et candidats à l’UE – une quasi exception dans la région des Balkans occidentaux- et enfin, la politique extérieure et de défense du Monténégro est alignée sur celle de l’Union européenne. Ainsi, en 2022, Podgorica n’a pas hésité à condamner l’agression russe de l’Ukraine et à suivre les sanctions européennes vis-à-vis de la Russie.
Mais ce bilan qui faisait espérer une avancée rapide du Monténégro vers l’adhésion à l’Union s’est terni. Le Commissaire à l’élargissement, Olivér Várhelyi, considère ainsi que « ces dernières années, il y a eu beaucoup d’occasions manquées. [L’]adhésion doit aller plus vite, et cela dépend essentiellement du déroulement des réformes nécessaires » Pour cela, le Commissaire, comme l’ensemble des eurodéputés, insiste sur des institutions démocratiques stables. Ils appellent ainsi les dirigeants politiques du Monténégro à « surmonter les clivages » et « unir leur force pour permettre un avenir européen [à leur pays] ».
La faute de ce ralentissement est en effet à chercher du côté de l’instabilité politique et de la logique des blocs politiques antagonistes qui plongent le pays dans la stagnation. Le pays est en effet sans gouvernement stable depuis 2020, crépuscule de la majorité absolue du DPS qui avait été l’unique parti au pouvoir depuis l’indépendance du pays.
Une autre cause de la « stagnation » du Monténégro est, selon les députés européens, la perméabilité du pays aux influences extérieurs, notamment chinoises, russes et serbes. Pour ce qui est de la Chine, le pays est endetté à hauteur de plus d’un milliard de dollars auprès de Beijing alors qu’un projet pharaonique d’autoroute financé par la Chine n’est jamais arrivé à sa fin. En ce qui concerne Moscou et Belgrade, l’influence de l’Église orthodoxe serbe, proche de celle de Moscou inféodée à Poutine, n’est plus à démontrer et n’hésite pas à s’immiscer directement dans la vie politique du pays.
Pour le député socialiste slovène, Matjaž Nemec, « la stagnation ne doit pas éclipser l’optimisme. Optimisme par le souhait des citoyens à voir le pays adhérer à l’Union, par l’ouverture des chapitres et surtout au vu des résultats des dernières élections au Monténégro. »
"L’étoile montante" en attente d’un électrochoc
L’unanimité des eurodéputés quant au besoin d’un gouvernement stable et pro-européen pour le Monténégro peut être considéré comme une exhortation aux forces politiques monténégrines de mettre fin aux querelles partisanes et politiciennes afin de permettre à leur pays de reprendre le chemin vers l’adhésion à l’Union.
Un électrochoc qui pourrait être déclenché par le rapport et par le résultat des élections présidentielles et parlementaires de 2023 qui ont chamboulé le paysage politique monténégrin et permis l’accession au pouvoir d’un parti pro-européen et anti-corruption, Europe maintenant !.
Si la nouvelle formation Europe maintenant !, composée de novices en politique, réussit à former une coalition stable, cela pourrait signifier pour le Monténégro une reprise des négociations à l’adhésion à l’UE, cela après 3 ans de blocages.
Une adhésion qui, à la lumière des éléments cités par les eurodéputés, ne devrait pas tarder si Podgorica fait voter et appliquer les réformes nécessaires. En 2021, les 27 avaient déjà annoncé qu’une adhésion du Monténégro pouvait être envisagée en 2025. Aujourd’hui, des membres du Parlement européen et du Conseil nous assurent que, si la volonté politique est présente, l’adhésion du Monténégro pourrait devenir réalité « d’ici deux ans » « au grand maximum ».
De quoi assister au retour d’une Europe à 28 ? « La balle est dans le camp du Monténégro ! » [2]
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