Le 11 juillet dernier, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, avait auditionné Julian King pour le poste. Auditionné, puis accepté par les responsables de la Commission, il reste une étape. Il faut maintenant convaincre le Parlement européen du bien-fondé de sa nomination.
Qui est-il ? Que seraient ses devoirs en tant que commissaire ?
Sir Julian King est un diplomate anglais qui, depuis les années 1980, a travaillé pour la couronne anglaise en Amérique latine, en Europe, au sein de l’OTAN et de l’Union, et à la Commission européenne. En 2009, il devient ambassadeur à Dublin jusqu’en 2011. Depuis le 1er février 2016, il est ambassadeur à Paris [1]. Il a donc de l’expérience dans les corps diplomatiques, comme en matière de sécurité et de défense européenne. Cela fait de lui une figure pertinente pour incarner le combat contre le terrorisme.
L’agenda de sécurité de la Commission comprend la lutte contre la radicalisation et les activités criminelles en ligne, ainsi que le gros chantier qui consiste à établir un réseau performant entre les différentes agences de renseignement pour échanger des informations. Le but est de créer un groupe d’experts qui répondent à Dimitris Avramopoulos, commissaire des Affaires intérieures ; Violetta Bulc, commissaire des transports ; Miguel Arias Cañete, commissaire de l’énergie et Andrus Ansip, vice-président chargé du Marché numérique unique [2]. King collaborerait avec Rob Wainwright, le directeur d’Europol, et aux côtés de Gilles de Kerchove, en charge de la lutte antiterroriste au sein du Conseil européen [3]. D’après Juncker, toute décision serait prise par Avramopoulos. Julian King se préoccuperait des opérations et des dossiers avec l’avis conjoint d’Avramopoulos, ce qui met largement ce poste sous tutelle d’un proche du président de la Commission [4].
Est-ce donc une bonne idée de confier ce poste à Julian King ? Plusieurs disent oui : Gianni Pitella, chef des Socialistes et Démocrates dans l’hémicycle, ne voulait pas que ce dossier soit géré par n’importe quel commissaire, et il pense d’ailleurs que la nomination ne posera pas de problème lors de son audition devant le Parlement européen, audition qui se déroulera cet automne. Pour Guy Verhofstadt, chef du groupe parlementaire ALDE, cette nomination est anormale à la lecture des événements du Brexit [5].
Le 23 juin dernier, le gouvernement britannique a tenu un référendum pour déterminer si le Royaume-Uni sortait de l’Union ou y restait. 52% de la population a voté en faveur du Brexit. Depuis, David Cameron a démissionné pour être remplacé par Theresa May, qui doit s’occuper de finaliser cette affaire de Brexit. Mais l’article 50 du TFUE, qui doit enclencher la procédure de sortie, n’a pas encore été évoqué par Westminster et le 10 Downing Street. Theresa May parle même d’une sortie qui n’interviendrait pas avant 2019. Il n’y a pas eu de vote au Parlement britannique pour approuver les résultats du référendum. Pendant ce temps-là, les chefs et députés des institutions européennes réclament le départ le plus tôt possible du Royaume-Uni craignant l’hémorragie et souhaitant une ouverture des négociations rapides.
La nomination de Sir Julian King par Juncker est légale, obligatoire selon le droit, mais n’a aucun sens. Si le Royaume-Uni a voté pour sortir de l’Union européenne, pourquoi y-a-t-il un Anglais nommé à un poste au sein d’une des trois institutions de l’Union ? Juncker laisse à penser que ces travaux sur la sécurité concernent toute l’Europe, dans un périmètre qui pourrait être plus large que l’Union. Le Royaume-Uni est un expert sur ces questions et, par conséquent, peut contribuer sérieusement au domaine de la sécurité et défense. Voilà la logique de Juncker.
Avoir Sir Julian King au sein de l’équipe de la Commission permet de garder le Royaume-Uni en relation étroite avec la communauté des 27. Est-ce pour garder le pays proche comme dicte l’expression anglophone « Keep your friends close, your enemies closer » ? La relation entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne était déjà tendue par moments pendant ses 43 ans de participation à l’aventure européenne. Les relations après le Brexit n’ont pas encore complètement changé.
Malgré cela les experts prévoient des mutations internes pour les Britanniques : le ralentissement probable de l’économie, des coupures de programmes à caractère social et la refonte des lois provenant de la législation européenne à l’origine, dont certains éléments commencent à ressortir depuis fin juin.
Grâce au Brexit, le Royaume-Uni peut perdre plus d’influence sur le monde. D’après la logique du discours de la semaine dernière, une place à l’OTAN n’est apparemment pas suffisante. Dans cette affaire, la seule raison valable de cette nomination peut être celle de nouer un véritable partenariat entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, sur des domaines ciblés, réduisant l’impact du vote. Ce partenariat délimiterait les bases du modèle suivi pour les relations après le Brexit. Cependant, les contours du partenariat restent encore flous, et l’Union ne laissera pas l’un de ses anciens membres, qui lui a porté un coup violent, profitait une nouvelle fois d’avantages sans compensations et contraintes.
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