Carton rouge : David Cameron, obstacle à la démocratie européenne

, par Robin Alves

Carton rouge : David Cameron, obstacle à la démocratie européenne
David Cameron en Lettonie Crédits photos : Ambassade de Lettonie

Refusant la potentielle nomination de Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission européenne, le Premier Ministre britannique David Cameron a une position claire sur l’Union européenne. Une union ouverte, souple et compétitive, mais non démocratique. Il est regrettable que la stratégie du Premier Ministre britannique consiste à privilégier ses intérêts personnels plutôt que l’intérêt européen. Cette manoeuvre a aussi pour objectif de faire valoir sa vision de l’Europe en vue de l’éventuel référendum sur la sortie de l’Union Européenne en 2017. Avançant de douteux arguments, David Cameron remet en question la démocratie européenne.

David Cameron, des arguments douteux masquant le refus de toute intégration politique

 

Au vu des textes européens, l’article 17 du Traité sur l’Union européenne explique bien que les chefs d’États et de gouvernement doivent proposer un président de la Commission européenne en tenant compte des résultats des élections européennes. Le Parlement, à sa majorité des membres qui le composent, sera ensuite chargé de valider ou non ce choix. Profitant de cette possibilité, les grands groupes au sein du Parlement européen ont choisi un leader qui serait amené à les représenter au niveau de la Commission en cas de victoire. Par la victoire du Parti populaire européen, tout concorde pour que Jean-Claude Juncker, son chef de file, puisse être élu président de la Commission européenne. 

Mais selon David Cameron, cette faculté n’a jamais été ni ratifiée, ni négociée au sein de l’Union. Le système des Spitzenkandidaten, c’est à dire des candidats désignés par les partis européens, ne repose sur aucun fondement institutionnel. Il ajoute que la faible participation électorale ne permet pas d’observer de manière lisible le souhait des citoyens européens et dans une lettre ouverte à Angela Merkel le 13 juin, il évoque le fait que M. Juncker ne figure sur aucun bulletin de vote et n’a aucune légitimité. Cette critique s’explique également par le souhait de garder à la Commission européenne un rôle impartial, au service de l’intérêt général européen sans tomber dans le jeu de la politique. 

Enfin, autre argument porté par David Cameron est celui de l’âge et de la fraîcheur. Dans sa tribune au Monde du 13 juin, il juge Jean-Claude Juncker comme un homme du passé en souhaitant une personne sachant réformer, stimuler la croissance et faisant le lien entre l’Europe et la Nation. En clair, un bon intermédiaire.

Mais nous pouvons rétorquer à David Cameron qu’élire son propre candidat reviendrait à renforcer la puissance des États membres, mués par des intérêts personnels, plutôt que celle du Parlement représentant les citoyens européens. Bien que faible, la participation est en légère augmentation par rapport à 2009 et ce n’est pas en contestant le représentant du parti vainqueur à la présidence de la Commission qu’on permettra son augmentation. 

De plus, Jean-Claude Juncker fut premier ministre luxembourgeois, gouverneur de la banque mondiale de 1989 à 1995 et président de l’Eurogroupe de 2005 à 2008 et de 2010 à 2012. Il a toujours vécu dans le système institutionnel européen et maîtrise parfaitement la singularité de l’Union européenne. En fait, l’expression “homme du passé" cache juste la véritable pensée de David Cameron, le refus d’une intégration politique.  Et comme l’a expliqué Manfred Weber, le nouveau président du Parti populaire européen, il faut une majorité qualifiée d’au moins 55% des Etats membres, représentant au moins 65% de la population, pour désigner un nouveau candidat. Ces chiffres peuvent être atteignable sans le Royaume-Uni même s’il obtient le soutien d’autres Etats membres. Grâce au soutien d’Angela Merkel vis-à-vis de Jean-Claude Juncker, il sera très difficile pour David Cameron de trouver les alliés nécessaires. 

David Cameron, des objectifs personnels à l’encontre de la démocratie européenne

 

Les arguments énoncés sont d’autant plus regrettables que David Cameron utilise le chantage contre la nomination de Jean-Claude Juncker. En effet, il souhaiterait placer Andrew Lansley, futur commissaire britannique et eurosceptique modéré à la vice-présidence de la Commission. De même, il désire que le poste de secrétaire général de la Commission soit remis à un autre britannique. 

Ainsi, s’il était dans l’obligation d’accepter l’accession de Jean-Claude Juncker, David Cameron exercerait une forte pression espérant conquérir certains postes-clés comme le marché intérieur ou la concurrence. Sachant que la Commission européenne a une compétence exclusive dans la politique de la concurrence, sa stratégie est de mettre la main dessus afin de pouvoir contrôler le marché commun de manière importante. Mais, cette stratégie bas de gamme de politique politicienne va à l’encontre de l’idée de démocratie européenne. En effet, ces choix doivent provenir du citoyen européen. 

Dans la dernière semaine de mai, les citoyens européens se sont prononcés pour le Parti populaire européen. N’ayant pas obtenu la majorité qualifiée, il n’y a pas d’automaticité dans l’élection du président de la Commission Européenne et une coalition est de rigueur. Il est possible que d’autres têtes de liste comme Martin Schulz ou Guy Verhofstadt puissent prétendre à ce poste. Mais c’est en restant en stand-by entre la volonté des États et celle des partis politiques européens que la clarté et la confiance accordées au citoyen européen sont menacées. Il faut que M. Cameron comprenne bien qu’environ 380 millions d’Européens étaient appelés aux urnes et que c’est cette Europe qui doit triompher et non la sienne. 

Enfin, c’est également à la Commission européenne elle-même de se prendre en charge. Ce n’est que par une Commission forte, responsable et emmenée par une volonté d’intégration et de participation civique que l’Union européenne pourra obtenir son second souffle, celui de la démocratie. 

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