Dix ans déjà. De novembre 2013 à février 2014, des dizaines de milliers d’Ukrainiens sont entrés en rébellion avec leur gouvernement. Une manifestation réprimée dans le sang, qui a pris le nom de « révolution de la Dignité » ou « de Maïdan », du nom de la place centrale de Kyiv où se sont rassemblés les Ukrainiens contre leur président pro-russe de l’époque, Viktor Ianoukovytch. Un président qui avait d’ailleurs fait adopter une loi en août 2012 aboutissant à la reconnaissance de la langue russe dans 13 des 27 unités administratives du pays. Texte aboli depuis.
Alors dix ans plus tard, ce mardi 21 novembre 2023, des jeunes Ukrainiennes sont revenues sur cette place, portant une couronne de fleurs traditionnelle, le vinok. Plus qu’un symbole. Car alors que la guerre fait désormais rage depuis plus d’un an et demi contre l’envahisseur russe, ce n’est pas seulement le territoire et la souveraineté ukrainienne qui étaient en jeu déjà à l’automne 2013. C’était plus globalement l’identité même de ce vaste pays d’Europe de l’Est et sa culture qui devaient, et doivent toujours, être défendues.
Une nouvelle loi mise en place
Considéré comme un « tournant européen » de l’histoire de l’État par certains spécialistes comme Carole Grimaud, la révolution de Maïdan a permis aux Ukrainiens de s’affirmer et de prendre pleinement possession de leur culture. « Nos artistes nationaux ont ouvert les yeux à ce moment-là », considère Kirill, journaliste ukrainien. Auparavant, il n’était pas rare de voir les Ukrainiens créer une majorité de contenus en russe. Le futur président lui-même, Volodymyr Zelenskyy tournant en tant que comédien dans de nombreux films et séries produits en Russie. Toutefois de plus en plus, la production artistique nationale, et notamment musicale, a pris l’accent ukrainien. Quatre ans après la révolution de Maïdan, une loi impose à la télévision et à la radio nationale de diffuser une proportion de contenus en ukrainien ou produits dans le pays.
Dans la scène musicale électronique par exemple, beaucoup d’Ukrainiens, et notamment d’Ukrainiennes, ont saisi l’opportunité et ont pu lancer leur carrière. De nombreuses artistes du pays sont aujourd’hui parmi les plus écoutées du monde, cinq d’entre elles figurant d’ailleurs dans les trente premières places du classement planétaire féminin des DJ 2022. « Nous nous en sortons vraiment bien. Après la révolution de Maïdan, la musique électronique ukrainienne a aussi connu une révolution, avec de nouveaux clubs, des groupes de promotion, de nouveaux artistes locaux très talentueux », détaillait l’une de ces femmes, Daria Kolosova.
Une lutte identitaire
L’influence russe, certes toujours largement présente dans l’État, a pris un sérieux coup durant la décennie écoulée. À Kharkiv, ville russophone, les livres en ukrainien remplacent ceux en russe. « On se sent en quelque sorte protégé par la culture ukrainienne », explique Oleksandr Savchuk au micro d’Euronews. L’éditeur insiste : « l’art ukrainien existe, il y a des artistes, des peintres, des architectes, des sculpteurs remarquables parmi les Ukrainiens. Il s’agit en fait d’acquérir une identité. »
Ce que la déclaration d’indépendance du pays a largement lancé en 1991, cette conquête d’une identité, a été accrue par la révolution de Maïdan puis l’invasion de la Crimée et la guerre lancée en 2022 par la Russie. Dix ans après la révolution de la Dignité, l’Ukraine est plus que jamais elle-même, demandant dès qu’elle le peut son adhésion à l’Union européenne, comme l’a rappelé le président Zelenskiy ce 21 novembre 2023 à l’occasion de la visite de Charles Michel. Le président du Conseil européen a assuré en retour faire « tout ce qui est en [son] pouvoir pour convaincre [ses] collègues » en amont du prochain sommet européen, prévu les 14 et 15 décembre.
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