Une montée des tensions entre France et Italie
Cette crise diplomatique est déclenchée alors qu’à peine deux semaines auparavant, le 22 octobre, le gouvernement de Giorgia Meloni prêtait serment devant le président italien, Sergio Mattarella, suite à la victoire aux élections législatives italiennes de la coalition de droite menée par Fratelli d’Italia.
Les premiers échanges entre le président français Emmanuel Macron et la première ministre italienne Giorgia Meloni avaient pourtant semblé encourageants, allant dans la continuité des relations bilatérales installées entre les deux pays depuis deux ans, notamment à l’initiative de Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne. Malgré la qualification de parti « néo-fasciste » souvent attribuée à Fratelli d’Italia, Emmanuel Macron s’était montré prêt à discuter avec le nouveau gouvernement italien afin de poursuivre les efforts de coopération engagés ces dernières années.
Mais, la crise de l’Ocean Viking est venue mettre un terme à ce climat volontariste. Début novembre, le gouvernement italien a refusé au navire humanitaire l’accès à ses ports, alors même que celui-ci transportait quelque 230 migrants sauvés en mer. Le porte-parole du gouvernement français, Olivier Véran, avait alors qualifié d’ « inacceptable » cette décision de l’Italie. Après une escalade des tensions entre les deux pays, la France a finalement décidé d’ouvrir le port militaire de Toulon à l’Ocean Viking et d’accueillir les rescapés.
Néanmoins, le ministre l’Intérieur français, Gérald Darmanin, a prévenu que « Paris n’acceptera pas les demandeurs d’asile débarqués en Italie tant que Rome ne respectera pas le droit maritime ». En effet, selon le droit européen et international, les navires ayant sauvé des personnes en mer doivent les débarquer dans « le lieu de sécurité le plus proche ». Par mesure de rétorsion face au refus de l’Italie de respecter cet engagement, Gérald Darmanin a annoncé que la France suspendait à « effet immédiat » l’accueil prévu de 3 500 migrants actuellement en Italie.
Giorgia Meloni a qualifié cette décision d’« agressive » et d’« injustifiée » en rappelant les efforts déjà menés par l’Italie depuis le début de l’année avec près de 90 000 migrants accueillis.
Sur demande de la France, la présidence tchèque de l’Union Européenne a alors convoqué une réunion extraordinaire des ministres européens des Affaires intérieures le 25 novembre afin de discuter de la question migratoire.
La politique migratoire de l’Union européenne
Depuis les accords de Dublin III signés en 2013, la responsabilité de l’examen des demandes d’asile incombe au pays d’entrée. Par conséquent, un migrant qui entrerait par l’Italie et qui passerait par la suite illégalement en France avec l’espoir de pouvoir y demander l’asile serait immédiatement renvoyé vers l’Italie. C’est ce qu’on appelle une « Procédure de Dublin » ou encore « dubliné ». Mais dans les faits, cette procédure est très peu efficace et seuls 10% des migrants en situation irrégulière sont effectivement reconduits vers le pays d’accueil.
Ce processus exerce une forte pression sur les pays d’accueil – la Grèce, l’Italie, Malte, l’Espagne, Chypre, la Bulgarie, etc. – qui font de plus en plus entendre leur colère face au peu de solidarité des autres pays-membres. Le « Pacte asile et migration » proposé par la Commission européenne il y a deux ans pourraient faire avancer la politique migratoire de l’UE, mais les négociations piétinent et le projet a beaucoup de mal à avancer.
En juin dernier, un accord avait pourtant été trouvé afin de relocaliser 8 000 demandeurs d’asile au sein de 12 pays signataires, dont la France et l’Allemagne qui s’étaient chacune engagées à en accueillir 3 500. Cependant, seulement une centaine de relocalisations ont déjà eu lieu et cet accord est à présent remis en cause suite à la franco-italienne.
Un Conseil extraordinaire des ministres européens des affaires intérieures
La question migratoire était au centre des discussions lors du Conseil extraordinaire des ministres de l’Intérieur le 25 novembre dernier. Malgré les fortes tensions entre la France et l’Italie, les ministres européens sont tout de même parvenus à un accord en adoptant notamment le plan d’urgence en 20 points proposé par la Commission. Celui-ci cherche à renforcer la coopération avec les pays d’origine et de transit afin de prévenir davantage les départs et d’accroître les renvois des migrants en situation irrégulière.
Ce plan vise aussi à renforcer la coopération des pays membres et les ONG au niveau de la recherche et du sauvetage en mer des migrants, tout en promouvant les discussions au sein de l’Organisation maritime internationale. Les pays signataires de l’accord de juin se sont engagés à « redoubler d’effort » pour mettre en œuvre le mécanisme de solidarité, et notamment les mesures alternatives de solidarité, c’est-à-dire des aides financières de la part d’États membres ne souhaitant pas accueillir de migrants vers les pays de première arrivée. De quoi peut-être apaiser certaines tensions.
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