D’Istanbul à Budapest, la fronde des grandes villes

, par Alexis Vannier

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D'Istanbul à Budapest, la fronde des grandes villes

Le week-end du 12 et 13 octobre était chargé en élections : les Néo-Zélandais renouvelaient leurs exécutifs locaux, et ont d’ailleurs placé un membre du parti nationaliste à la tête de Wellington, la capitale ; les Tunisiens ont fait confiance à un juriste conservateur pour diriger leur pays ; les électeurs du Vorarlberg en Autriche ont voté à près de 43% pour le parti conservateur de Kurz, et les Polonais ont renouvelé leur attachement au parti national-conservateur PiS. Les Hongrois étaient eux aussi appelés à voter dans le cadre d’élections municipales.

La stratégie payante de l’opposition…

Dans un précédent article, je revenais sur la stratégie adoptée par plusieurs partis d’opposition de coaliser leur force autour d’un candidat unique face au parti du gouvernement, le Fidesz. Il n’y avait pas de coalition dans toutes les villes et, parfois, les partis regroupés n’étaient pas les mêmes. À Budapest, la capitale, cinq partis étaient partenaires, allant de l’écologie, à la gauche en passant par les socio-libéraux. Avec le soutien d’un candidat indépendant, et profitant d’un léger sursaut de la participation, ils ont remporté le scrutin dans 14 arrondissements de Budapest, contre 7 pour le Fidesz. Jobbik, le parti d’extrême droite devenu plus modéré, qui avait refusé la grande coalition, perd son seul siège au conseil municipal de Budapest. De plus, le candidat de la coalition d’opposition, Gergely Karácsony, a réussi l’exploit de faire tomber le maire sortant István Tarlós du Fidesz, avec plus de 50% des voix.

C’est un véritable coup de tonnerre dans le champ politique hongrois. Depuis dix ans, le Premier ministre Orbán était habitué aux discours de victoire, son parti a en effet remporté l’ensemble des scrutins depuis son accession au pouvoir en 2010, notamment les dernières élections européennes. Le Fidesz a donc dû concéder la défaite à Budapest, après une campagne marquée par des lancers de boules puantes venant des deux côtés, une vidéo a d’ailleurs été publiée, montrant le maire de Györ en pleine orgie sur un yacht.

… Mais le Fidesz reste vainqueur

La coalition d’opposition espérait remporter deux ou trois villes. C’est finalement 10 des 23 plus grandes villes qui basculent hors de la sphère d’Orbán. Notons de surcroît que la ville de Hódmezővásárhely, qui avait vu naître cette forme de coalition contre le pouvoir, n’a pas changé d’avis en élisant un nouveau maire indépendant. Cela montre que la fatigue du pouvoir commence à se faire sentir dans les campagnes, ce qui est déterminant pour transformer un maillage territorial très en faveur d’Orbán.

Car, malgré tout, le Fidesz reste très bien implanté dans les territoires ruraux. En effet, il se place en héraut d’un « christianisme pris d’assaut » par les menaces extérieures et « pourfendeur d’une Europe libérale » qui menace le niveau de vie de la classe moyenne magyare. C’est un discours qui plaît traditionnellement aux populations qui vivent hors des grandes villes, plus encline à un conservatisme social. Le Fidesz conserve ainsi facilement la direction des 19 départements.

De nombreuses enquêtes d’opinion démontrent que les électeurs font traditionnellement plus confiance à leurs élus locaux. À Budapest, cette opposition municipale, en plein cœur de la capitale hongroise, résonne particulièrement – voire raisonne – chez les tenants d’une philosophie localiste, girondine du pouvoir qui, de Michel Rocard à Michel Onfray [1], appelle à « décoloniser les provinces ».

La prise de la Perle du Danube par l’opposition apparaît comme un signe favorable pour les prochaines échéances législatives, qui auront lieu en 2022. Néanmoins, gare à ne pas surinterpréter ce résultat, le Fidesz ayant remporté l’ensemble des scrutins électoraux depuis une dizaine d’années. Budapest rejoint néanmoins la petite liste des capitales aux mains d’une opposition à un pouvoir accusé de dérive autoritaire, comme c’est le cas de Varsovie, dirigée par l’opposition de centre-droit ou d’Istanbul, poumon économique de la Turquie, où la victoire de l’opposant laïc Ekrem İmamoğlu avait sonné comme un coup de semonce à l’encontre du président Erdoğan qui, ayant occupé le même poste de maire stambouliote avait alors prophétisé que « Qui contrôle Istanbul, contrôle la Turquie ». Une phrase qui a dû se répéter dans les têtes de tous ses soutiens, voire ses homologues polonais et hongrois…

[1] : Michel ONFRAY, Décoloniser les provinces, contribution à toutes les présidentielles. Éditions de l’Observatoire, mars 2017.

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