La diplomatie européenne face au déploiement d’un retour au passé, incarné par les Etats-Unis
Le président des Etats-Unis, Donald Trump, a signé le jeudi 8 mars 2018, un décret édictant l’instauration de barrières tarifaires sur des matières premières, telles que l’acier ou l’aluminium. Après 13 mois d’exercice du pouvoir, Donald Trump affirme une orientation protectionniste, affichant une volonté de « guerre commerciale » et confirmant ainsi sa ligne isolationniste. La diplomatie américaine s’effondre sur elle-même, irrite ses alliés et semble avoir comme unique priorité de traiter la dénucléarisation de la Corée du Nord. Les Etats-Unis ont fait le choix du conservatisme, de l’isolement, du repli sur leurs frontières, en se fermant à la mondialisation, de manière à revenir à un temps ancien jugé meilleur. [1]
L’Union européenne connaît les mêmes tentations avec la montée des populismes, mais la dynamique française, la stabilité allemande, la relance du moteur franco-allemand sont des tendances fortes qui amènent l’Europe à incarner une autre voie, inscrite dans l’ouverture et le multilatéralisme. Son gouvernement enfin constitué, Angela Merkel peut désormais agir avec le Président français, Emmanuel Macron, pour enclencher un processus de refondation institutionnel et politique, à l’échelle de toute l’Union. Ce défi exigeant mérite d’être relevé, pour donner à l’Europe les moyens d’une Défense et d’une diplomatie fortes, la dotant ainsi d’une autonomie stratégique indispensable.
Sept années de conflit en Syrie : la diplomatie européenne face au retour à la barbarie
Les combats dans la Ghouta et la reprise d’Afrin, menés en violation claire de la résolution 2401 du Conseil de sécurité des Nations Unies, ont marqué la septième année de guerre en Syrie. Alors que Daech est sur le point d’être totalement vaincu, l’incapacité de faire émerger une solution politique conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité entretient la même impasse qui s’est créée au début de ce terrible conflit. Le dictateur Bachar Al-Assad s’accroche à son pouvoir, avec une violence sanguinaire et anéantit aveuglément son propre peuple. La population syrienne est la victime constante de l’un des plus graves conflits de ce début de XXIe siècle. [2]
Habité par la peur de la modernité et des enchaînements de la mondialisation, le Moyen-Orient a effectué, en Syrie comme au Yémen, un retour à la barbarie. Les diplomaties française et européenne sont en relation avec la Russie, un acteur complexe, mobilisé par la seule volonté d’effectuer une opération de force militaire et diplomatique. Le troisième mandat du Président Vladimir Poutine s’est caractérisé essentiellement par une présence accrue de la Russie sur la scène internationale, en opérant directement sur deux fronts en Ukraine et au Moyen-Orient. Cette politique internationale, qui a flatté le nationalisme de la population russe, a conduit la Russie dans deux configurations finalement bloquantes et génératrices de fortes tensions. [3]
La diplomatie européenne face à l’enjeu d’innovation
L’Union européenne doit se mettre en mouvement, dans une démarche d’innovation diplomatique pour faire bouger les lignes. Il est grand temps de changer le destin tragique de la Syrie et du Yémen, d’engager de façon autonome et déterminée des initiatives audacieuses, agissant sur la globalité d’un ensemble moyen-oriental complexe et interconnecté. La prise de distance des Etats-Unis avec leurs alliés et leur rôle traditionnel libère un champ d’action pour une diplomatie européenne cohérente et entreprenante. Nous avons une opportunité inédite à saisir, pour défendre nos intérêts et nos valeurs. L’excès de stratégies militaristes, de visions purement guerrières ont conduit à l’absence de solution politique et à un retour à la situation de départ en Syrie. La transition politique ne s’est jamais opérée. Les processus d’Astana, de Genève et de Sotchi n’ont abouti à aucune avancée. Si nous voulons parvenir à des résultats politiques en Syrie ou au Yémen, nous devons nous inscrire dans une approche complète, prenant en compte tous les acteurs comme l’Iran, l’Arabie Saoudite et Israël. Marquons notre différence avec les Etats-Unis, sur les accords conclus le 14 juillet 2015, portant sur le dossier nucléaire iranien.
Dans la continuité du déplacement du ministre des Affaires étrangères français en Iran, le 5 mars 2018, l’Union européenne peut conduire des actions afin de mener un véritable dialogue avec ce pays incontournable. L’Iran est en effet un interlocuteur important pour permettre d’engager des évolutions. L’Union européenne avec l’ONU, pourraient organiser la mise en œuvre d’une grande conférence internationale sur la totalité des enjeux du Moyen-Orient, permettant d’aborder l’intégralité des problèmes et des impasses, avec l’ensemble des Etats concernés. [4] Ainsi, si nous voulons structurer un processus international, qui puisse favoriser les dynamiques multilatérales et opérer une stabilisation des foyers de crise, une Union européenne renforcée et déterminée est indispensable.
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