« Il n’y a pas de question de sécurité et de défense pour laquelle une coopération moindre serait la solution »
L’intervention en Afghanistan et son manque d’efficacité sonnent comme un échec pour l’OTAN. Et les Alliés « devront répondre à des questions très dérangeantes », prévient Ursula von der Leyen. Mais il faut en tirer les leçons et « investir » dans le partenariat commun pour « tirer partie des forces uniques de chacun ». Une nouvelle déclaration conjointe UE-OTAN sera présentée « avant la fin de l’année » à cette fin.
« Nous avons besoin de l’Union européenne de la défense »
Mais pour la présidente de la Commission européenne, il devient clair que « l’Europe peut et doit être prête à faire davantage avec ses propres moyens ». Trois raisons sont évoquées :
« Assurer la stabilité dans notre voisinage ». De par sa vaste géographie, l’Europe est connectée à différentes régions du monde. Et sait par expérience que « si l’on ne fait pas face, à temps, à la crise se produisant à l’étranger, la crise vient à nous ». Intervenir donc, pour traiter les causes avant d’avoir à traiter les conséquences (notamment migratoires) d’une crise.
L’évolution rapide de « la nature des menaces auxquelles nous sommes confrontées », notamment dans le domaine cyber. « Vous n’avez plus besoin d’armées ni de missiles pour causer des dégâts de très grande ampleur », assène la présidente qui rappelle qu’il est possible de « mettre à l’arrêt des installations industrielles, des services municipaux et des hôpitaux » ou encore « perturber tout un processus électoral » rien qu’avec un ordinateur, un smartphone et une connexion internet pour seules armes.
Enfin, « il y aura des missions dans lesquelles l’OTAN ou l’ONU ne seront pas présentes », mais où l’UE devrait l’être (voir point 1). Et l’UE possède à cet égard « une longue expérience en matière de consolidation et de maintien de la paix », notamment grâce à la coopération sur le terrain entre civils et militaires.
« Si nous développons cette volonté politique, nous pourrons accomplir beaucoup au niveau de l’UE »
Que manque-t-il à l’UE pour mettre en place cette Union de la défense ? Principalement une volonté politique, assène Ursula von der Leyen. Car les capacités militaires sont là. « Vous pouvez disposer des forces les plus avancées au monde, si vous n’êtes jamais prêt à les utiliser, à quoi servent-elles ? », interroge la présidente de la Commission, en faisant référence aux débats autour de la (non) utilisation des battlegroups et des discussions des ministres de la Défense sur la constitution d’une éventuelle force d’entrée en premier. « Ce qui nous a manqué jusqu’à présent, ce ne sont pas seulement des capacités supplémentaires, c’est la volonté politique », pointe-t-elle, tout en reconnaissant qu’ « il ne fait aucun doute que cela fait partie du débat » et fera sans doute « partie de la solution ».
« Nous pouvons faire beaucoup au niveau de l’UE. Mais les États membres doivent eux aussi faire davantage ».
Trois pistes d’amélioration dans la coopération entre États membres sont d’ores et déjà présentées :
« Améliorer la coopération en matière de renseignement ». A l’heure actuelle, « l’information est fragmentée » entre les services des États membres, alors qu’ils sont parfois présents dans la même région. « Mais nous ne pouvons mettre [ces connaissances] à profit pour prendre des décisions éclairées que si nous disposons d’un tableau complet de la situation ». Chose qui ne se fait pas à l’heure actuelle. Pour y remédier, la Commission propose de créer au niveau de l’UE « son propre centre commun de connaissance de la situation ». Pour mieux analyser et anticiper les menaces. Et prendre des décisions à 27 en conséquence.
« Améliorer l’interopérabilité ». C’est-à-dire, faire en sorte que les différents équipements européens puissent s’utiliser ensemble. En plus de l’investissement dans des plateformes communes (Coopération structurée permanente, fonds européen de défense…) déjà amorcées, la présidente de la Commission propose d’ « envisager une exonération de TVA pour les achats d’équipements de défense développés et produits en Europe ». Une incitation à acheter davantage de matériel européen et réduire les dépendances actuelles envers les pays tiers fournisseurs.
« Développer des outils de cyberdéfense », notamment par le biais législatif pour établir « des normes communes » en matière de cyber-résilience. Car, « si tout est connecté, tout peut être piraté. » Et les ressources étant « rares », il devient alors nécessaire « d’unir nos forces », pour ne pas se contenter de « faire face aux cybermenaces » mais être « à la pointe de la cybersécurité ».
Toutes ces propositions nécessitent au préalable « une évaluation commune des menaces auxquelles nous sommes confrontés et par une approche commune pour y faire face ». C’est toute l’ambition de la boussole stratégique qui doit être finalisée en mars 2022. Un sommet de la défense européenne sous présidence française de l’UE (premier semestre 2022) permettra « d’exploiter toutes les possibilités qui sont déjà prévues par le traité » pour mettre en œuvre cette ambition.
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