“L’Europe est résolue à profiter de cette période de transition pour construire le monde dans lequel nous voulons vivre. Bien sûr, cela ne s’arrête pas à nos frontières.” Dès ses premiers mots sur les questions internationales, Ursula von der Leyen mets le doigt sur les questions qui fâchent : l’Union européenne, forte de son modèle et de ses valeurs démocratiques doit s’imposer en leader dans la définition du “monde de demain”.
Cependant, cela ne pourra pas se faire sans une coopération renouvelée et des organisations internationationales fortes : « aucun d’entre nous ne sera en sécurité tant que nous ne serons pas tous en sécurité, et ce, peu importe l’endroit où nous vivons, ou ce que nous possédons ». Elle énumère alors un certain nombre de questions brûlantes, prenant à chaque fois position.
Face aux écarts de la Chine, de la Russie et de la Turquie, une Union européenne messianique ?
La relation avec la Chine est tout d’abord analysée. « Partenaire de négociation, concurrent économique et rival systémique », la Chine de Xi Jinping doit tenir ses engagements économiques et climatiques. Et la présidente de la Commission européenne de lancer un avertissement : l’UE dénoncera tous les écarts du régime en matière de droits de l’Homme et de démocratie.
Ce qui vaut pour le cas chinois vaut également pour le cas biélorusse : « l’Europe est du côté du peuple biélorusse », affirme Von der Leyen. Au tour ensuite de la Russie d’être évoquée par la présidente. Celle-ci dénonce à la fois l’empoisonnement de l’opposant Alexeï Navalny et les ingérences répétées du pays dans les élections. Abordant ensuite la question de la Turquie, von der Leyen réitère le soutien de l’UE à la Grèce et à Chypre et se positionne en faveur d’un dialogue entre les différents acteurs. Si elles restent associées à la seule personne d’Ursula von der Leyen, ces dénonciations ne feront pas le poids sur la scène internationale.
Consciente de cela, la présidente propose d’enrichir la “boîte à outils” européenne. Deux propositions sont sur la table : tout d’abord l’élaboration d’une « loi Magnitsky » possibilité de sanctionner administrativement des personnes suspectées d’avoir commis des actes violant les Droits de l’Homme (ou d’en avoir été les complices) et l’instauration du vote à majorité qualifiée sur les propositions concernant les « droits de l’Homme et la mise en œuvre des sanctions ».
Brexit et accords internationaux : La volonté de « partenariats solide »
C’est après avoir passé en revue la plupart des sujets internationaux, qu’Ursula von der Leyen s’attaque au Brexit, se montrant très ferme : l’accord avalisé par le Parlement européen et la Chambre des communes est un bon accord et il n’est pas question pour l’UE de revenir dessus. La présidente de la Commission cite alors symboliquement l’ancienne Première ministre Margaret Thatcher : « Le Royaume-Uni ne viole pas les traités. Ce serait mauvais pour la Grande-Bretagne, mauvais pour les relations avec le reste du monde et mauvais pour tout futur traité commercial ». « La confiance est le fondement de tout partenariat solide », avertit-elle en conclusion.
Les « partenariats solides », Ursula von der Leyen souhaite les multiplier. Les Etats-Unis sont en ligne de mire de la Commission, qui réaffirme, par la voix de sa présidente, son profond attachement à l’alliance transatlantique. La proposition est même faite d’approfondir la coopération en élaborant un nouvel agenda « dans le domaine du commerce, de la technologie ou de la fiscalité ». Les Balkans occidentaux sont également évoqués, tout comme le continent africain. Ces partenariats économiques et commerciaux ont un sens, rappelle Ursula von der Leyen, ils sont autant de « moyens d’apporter la prospérité à nos pays et de promouvoir nos valeurs et nos normes ». Elle renouvelle l’engagement de l’Union pour une mondialisation juste, prenant pour exemple le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ou la fiscalité numérique. L’Europe doit jouer « le rôle de défenseur de l’équité » selon la présidente de la Commission, et ce au niveau mondial.
Les (nombreux) défis de l’Europe des valeurs
Sur un plan interne, Von der Leyen appelle à « trouver une nouvelle vitalité » et à « aller de l’avant », , dans le respect de l’état de droit et des valeurs européennes. Plusieurs mesures sont annoncées. En matière migratoire, la présidente de la Commission appelle les Etats membres à plus d’union et envisage la modification du règlement de Dublin. Il s’agira de préciser les conditions d’accueil et de retour et de renforcer les frontières extérieures communes. « La migration constitue un défi européen et c’est l’ensemble de l’Europe qui doit faire sa part ». De quoi rappeler les réticents à l’ordre...
Ursula van der Leyen enchaîne en proposant la mise en place d’un rapport annuel sur l’état de droit. Son objectif ? “ [...] Défendre l’état de droit et défendre l’intégrité [des] institutions européennes, qu’il s’agisse de la primauté du droit européen, de la liberté de la presse, de l’indépendance du pouvoir judiciaire ou de la vente de ‘passeports dorés’. Les valeurs européennes ne sont pas à vendre”, martèle Von der Leyen devant les députés européens.
L’Union Européenne, c’est aussi le respect de la diversité. “La différence est l’essence même de l’humanité”, rappelle Ursula von der Leyen, citant l’ancien prix Nobel de la paix, le Nord-Irlandais John Hume, décédé il y a quelques semaines. La présidente de la Commission demande l’avènement d’une Europe antiraciste, dans ses condamnations mais aussi dans ses actes. Plusieurs pistes sont envisagées, notamment l’élaboration d’une loi anti-haine et la nomination à la Commission européenne d’un coordinateur en matière de lutte contre le racisme.
L’égalité ne peut souffrir aucune exception : « C’est votre identité. Et nul ne pourra jamais vous la retirer » s’exclame Ursula von der Leyen devant les députés européens. La dirigeante a “tapé du poing sur la table” pour l’Obs, ajoutant : « Les ‘zones sans LGBTQI’ sont des zones sans humanité. Elles n’ont pas leur place dans notre Union ». La position européenne est tranchée, à charge des pays concernés d’agir. La présidente de la Commission conclut en faveur d’une reconnaissance parentale étendue : « Si vous êtes parent dans un pays, vous êtes parent dans tous les pays ».
Des références fortes et une conclusion symbolique
Tout au long de son discours, ponctué d’engagements et de déclarations politiques, Ursula von der Leyen s’est aussi distinguée par son phrasé et la présence de symboles. Après avoir débuté par un hommage aux soignants et aux travailleurs de première ligne, elle a conclu sa prise de parole par un clin d’œil appuyé à la “jeunesse”, répétant notamment le terme “enfant”. “Nos enfants nous apprennent ce qu’est la vie”, a lancé la présidente dans un ultime accès lyrique avant de rassembler ses notes dans un mot : "travaillons". Car en attendant, c’est bien aux décideurs européens d’enclencher définitivement la marche en avant des réformes.
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