Droits de l’Homme contre intérêts commerciaux, l’Union européenne doit-elle intervenir face aux violations des libertés en Thaïlande ?

, par Annabelle De Fritsch

Droits de l'Homme contre intérêts commerciaux, l'Union européenne doit-elle intervenir face aux violations des libertés en Thaïlande ?
© European Union 2025 - Source : EP

Le 13 mars 2025, le Parlement européen a voté en faveur d’une résolution commune visant à dénoncer les comportements récents de la Thaïlande sur le respect des droits de l’Homme et à repenser les accords commerciaux avec celle-ci. Ce vote prend place dans un contexte de violation des droits fondamentaux des Ouïghours et de l’avortement du projet de suppression de la loi de lèse-majesté, une loi incriminant toute critique de la famille royale et remettant en question la démocratie en Thaïlande.

Une résolution européenne dans un contexte préoccupant

Depuis 2014, la Thaïlande détient plus de 300 ouïghours dans des conditions déplorables. En 2015, 109 de ces détenus ont été déportés en Chine. En 2022, la rapporteuse de l’ONU Michelle Bachelet a publié un rapport sur les violations des droits humains, dénonçant la torture, les internements, les déplacements de masse, les travaux forcés commis par l’Etat chinois dans le Xinjiang. La défense des droits de la minorité ouïghoure reste un sujet encore trop négligé par les politiques, et notamment par l’Union européenne.

Ce 27 février, 40 Ouïghours ont été déportés vers la Chine, alors que la Thaïlande est soumise au principe de non-refoulement, un principe du droit international selon lequel un pays a l’interdiction d’expulser ou de refouler une personne vers un pays où sa vie, et sa liberté serait menacée.

Alors que les eurodéputés accusent la Thaïlande de recul démocratique, ils affirment pourtant à l’unanimité que le pays aurait fait de nombreux efforts pour améliorer le fonctionnement de sa démocratie jusqu’alors.

Le respect des droits de l’Homme en Thaïlande et la question des Ouïghours et de leur récente déportation divise ce 13 mars le Parlement. Les membres des groupes S&D, Renew, Les Verts, PPE et ECR avaient déjà dénoncé les actions de la Chine et la condition des Ouïghours plus tôt en 2024.

Lors de cette session plénière, la principale visée est la Thaïlande. Face aux crimes exercés contre les Ouïghours et l’avortement du projet de suppression de la loi de lèse-majesté - qui criminalise toute critique du roi ou de la famille royale - la question de la démocratie thaïlandaise fut l’enjeu de cette session plénière.

L’UE doit s’accorder sur le respect des droits de l’Homme dans ses accords commerciaux

Ensemble, les groupes S&D, Les Verts, Renew, PPE, et ECR dénoncent les comportements sulfureux de la Thaïlande. Les députés de ces groupes s’accordent pour dire que la vision des droits de l’Homme de l’UE doit se refléter dans le choix de ses accords commerciaux et de ses partenaires. Considérant que la “démocratie s’effectue en écoutant les voix dissidentes” (Daniel Attard, S&D), la Thaïlande doit réaffirmer ses efforts en termes de défense des droits de l’Homme et de défense des principes démocratiques. En effet, ces enjeux remettent en question la volonté de certains eurodéputés de renforcer les accords commerciaux avec la Thaïlande, alors que celle-ci ne respecte pas sa population. Tandis que le monde reste silencieux face aux détentions et déportations des Ouïghours, “l’Europe doit choisir son camp” et corriger ses relations avec la Chine, notamment en favorisant la protection des droits humains (Miriam Lexman, PPE).

Les députés des groupes cités souhaitent faire transparaître dans les accords commerciaux, la question du respect des droits de l’Homme. Les échanges entre l’UE et la Thaïlande doivent catalyser la réaffirmation des droits de l’Homme et leur respect dans la démocratie thaïlandaise.

Des tensions internes au Parlement

Cependant, condamner la Thaïlande pour ses récentes actions impliquerait, selon certains députés, une guerre commerciale que l’UE ne peut se permettre. En effet, condamner la Thaïlande pourrait remettre en question la souveraineté de la Thaïlande dans ses prises de décisions et mettrait en péril les accords commerciaux que les deux zones géographiques entretiennent.

La condamnation de la Thaïlande divise car l’UE n’est pas un tribunal et elle n’a pas vocation à intervenir dans les affaires privées d’un autre État. L’application de la loi lèse-majesté et du traitement de la population relèverait alors uniquement du ressort de la Thaïlande, puisqu’elle possède un royaume âgé de plus de 800 ans.

L’allégation de l’eurodéputé tchèque, Ondřej Dostál (non-inscrit), selon laquelle les Ouïghours sont protégés en Chine laisse entendre que l’UE ne devrait pas intervenir dans les problèmes de justice locale, sous peine de risquer de heurter son partenariat de longue date avec la Thaïlande.

Finalement, la déclaration a été votée à la majorité avec 482 votes pour, 57 contre, et 68 abstentions, signe d’une volonté plutôt unanime du Parlement européen de défendre les droits de l’Homme, même dans ses accords commerciaux avec la Thaïlande. Dans ce cadre, le Parlement européen invite la Thaïlande à renforcer le respect des principes démocratiques et des normes internationales en matière de droits de l’Homme ainsi qu’à se conformer au droit international relatif au traitement de la population.

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