Elections en Allemagne : La percée d’AfD menace-t-elle l’Europe ?

, par Hervé Moritz

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Elections en Allemagne : La percée d'AfD menace-t-elle l'Europe ?
En quelques mois, le parti Alternative für Deutschland s’est imposé dans le débat public allemand, en s’opposant clairement à l’accueil des réfugiés tout en multipliant les meetings à travers le pays. - Metropolico.org (CC/Flickr).

Dimanche dernier, les Allemands des Länder de Saxe-Anhalt, du Bade-Wurtemberg et de Rhénanie-Palatinat se sont rendus aux urnes. Le parti antieuropéen, contre l’accueil des réfugiés, Alternative für Deutschland, enregistre une percée historique, laissant la CDU de Merkel et le SPD ramasser les pots cassés.

Ce matin, les journaux français se sont alarmés de la percée de la nouvelle extrême droite allemande, Alternative für Deutschland, parti anti-européen, contre l’euro et l’OTAN, contre la politique d’asile de la chancelière allemande, Angela Merkel. C’est une percée historique pour ce parti, qui entre peu à peu dans les assemblées du pays, pourtant considéré comme le plus stable de l’Union européenne grâce à son économie dynamique et sa chancelière incontestable. Les médias ont sonné l’alarme face à ce succès, il convient de nuancer cette percée et d’en comprendre les raisons.

Une percée historique de l’AfD, une claque pour la CDU et le SPD ?

En Saxe-Anhalt, avec un score de 24,2%, Alternative für Deutschland enregistre une percée historique, talonnant la CDU à 29,8% et précédant de loin die Linke (16,3%) et le SPD (10,6%).

Même si la CDU observe une légère baisse en Saxe-Anhalt (29,8%) et en Rhénanie-Palatinat (31,8%), le parti chrétien-démocrate s’effondre dans le Bade-Wurtemberg (27% contre 39% en 2011), laissant les Verts en tête avec 30,3%, qui dirigeaient déjà une coalition Grüne-SPD lors de la dernière mandature. Un succès pour les Verts essentiellement dû à leur gestion apprécié de l’un des Länder les plus riches d’Allemagne.

La CDU n’est pas la seule formation politique à être fragilisée. Le SPD doit également faire face à une défaite amère. Peu clair sur ces positions au sein de la grande coalition d’Angela Merkel, les SPD obtient 12,7% (contre 23,1% en 2011) dans le Bade-Wurtemberg et 10,6% (contre 21,5% en 2011) en Saxe-Anhalt. Les 36,2% des voix en Rhénanie-Palatinat demeurent un lot de consolation honorable.

La question des réfugiés rythme la campagne

Si le scrutin n’était que régional et non fédéral, il a tout de même été influencé par un débat sur la politique d’accueil et d’asile de la chancelière allemande, Angela Merkel. Critiquée dans ses propres rangs, la courageuse Angela Merkel ne compte pas revenir sur sa décision d’accueillir les réfugiés qui arrivent en Europe. Son mot d’ordre, « wir schaffen das ». En première ligne sur la scène européenne pour négocier un plan d’accueil commun, permettant une répartition des réfugiés entre les Etats membres, et un passage sûr pour les réfugiés fuyant les conflits d’Afrique et du Moyen-Orient, la chancelière paie les échecs de ces négociations européennes. Alors que l’Allemagne a accueilli plus d’un million de réfugiés en 2015, le gouvernement ne peut plus tenir un discours d’accueil inconditionnel.

Seul face aux autres gouvernements européens, avec les sceptiques comme la France et les Pays-Bas sur la question d’un plan de répartition, et ceux qui s’y opposent, comme le groupe de Višegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie), le gouvernement Merkel ne trouve pas d’issue à la crise des migrants, décevant ses partisans et nourrissant les argumentaires fallacieux d’Alternative für Deutschland, contre l’accueil des réfugiés, contre l’euro et l’Union européenne, qui a surfé sur les peurs, notamment après le scandale des agressions sexuelles de la Saint-Sylvestre à Cologne. L’affaiblissement de la CDU est le résultat cet échec sur la scène européenne, et du doute de l’opinion allemande sur cette question. Quant aux sociaux-démocrates, ils font les frais de leur manque de clarté dans la coalition gouvernementale avec la CDU.

L’Allemagne tiraillée, l’Europe en danger ?

La percée d’AfD est historique, mais sans surprise. Elle s’observe dans les territoires de l’ancienne RDA, qui n’a pas connu les vagues d’immigration et l’intégration qu’on connut les Länder de l’ouest, et qui réagissent comme les anciens Etats du bloc de l’Est. Les mouvements populistes et antieuropéens fleurissent en Europe, et l’Allemagne, jusqu’à présent préservée, ne pouvait faire exception. Dans un contexte de redéfinition et de questionnement profond du projet européen, les clivages s’accentuent mettant en concurrence les partis traditionnels et les nouveaux mouvements, dont les populistes d’extrême droite. Si la montée des partis populistes et nationalistes menace l’Europe, ce n’est pas le risque principal venant d’Allemagne.

Ce scrutin était avant tout un test pour la chancelière Merkel. Un test pour évaluer l’état de l’opinion allemande sur sa politique d’accueil et d’asile des réfugiés. Bien que les électeurs sanctionnent les échecs d’Angela Merkel sur la scène européenne, la CDU flanche mais ne chancelle pas. Pour la chancelière, il faudra poursuivre son action en convaincant avant tout les pragmatiques Allemandes de la réussite de sa politique migratoire. En effet, à l’automne 2017, après de nouveaux scrutins dans plusieurs Länder, le Bundestag sera renouvelé par les électeurs allemands. Un scrutin qui pourrait offrir à Angela Merkel un quatrième mandat, si cette dernière n’est pas écartée par son parti en cas de fronde de l’opinion contre sa politique. Le scénario semblait improbable il y a encore quelques semaines, aujourd’hui il est possible.

Cette situation politique en Allemagne menace également l’Union européenne, qui, sur le dossier de la crise des réfugiés, est le principal allié de la Commission européenne et du Parlement européen. En 2017, les élections présidentielles et législatives en France détermineront également une nouvelle politique européenne. Une occasion de relancer le projet européen, ou bien de le stopper net. D’ici-là, l’Europe patine et ne parvient à trouver des solutions viables et durables.

Sources :
 Tagesschau.
 Die Zeit.

Vos commentaires
  • Le 15 mars 2016 à 21:54, par Lame En réponse à : Elections en Allemagne : La percée d’AfD menace-t-elle l’Europe ?

    Lors de sa dernière visite en Suisse, en 2014, le Président Joachim Gauck avait eu l’indécence de comparer les référendums suisses aux plébiscites truqués du IIIe Reich.

    Moi, quand je vois les derniers résultats électoraux de l’AFD, cela me fait penser aux élections législatives allemandes de 1934.

    La preuve est faite, si c’était encore nécessaire, que le rejet de la démocratie directe et des élections présidentielles ne protègent aucunement des poussées de l’extrême-droite.

    On aurait bien besoin, justement, de démocratie référendaire et d’élections présidentielles à l’échelon européen.

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