27 façons de voter pour la même élection, mais que dit le droit européen ?
Le droit européen édicte la manière dont les élections européennes doivent se conduire à deux niveaux : les traités européens qui donnent un cadre général et l’Acte portant sur l’élection des représentants à l’assemblée au suffrage universel direct (légèrement plus facile à retenir en anglais sous le nom d’European Electoral Act).
Sans se plonger précisément dans les méandres des traités, ces derniers énumèrent que le Parlement européen est composé de représentants des citoyens de l’Union élus au suffrage universel direct, libre et secret (Article 14 du Traité de l’Union européenne) et que chaque citoyen a le droit de voter, de se porter candidat et ce dans l’Etat membre où il réside qu’importe la nationalité de l’Etat membre qu’il possède (Articles 20 et 22 du Traité sur le fonctionnement de l’UE).
Cela se complique avec l’interprétation de l’article 223 du TFUE qui stipule : « Le Parlement européen élabore un projet en vue d’établir les dispositions nécessaires pour permettre l’élection de ses membres au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les États membres ou conformément à des principes communs à tous les États membres […] ». Ainsi selon cet article il est offert aux Etats membres d’avoir les mêmes règles électorales ou au minimum un certain nombre de règles communes. C’est la deuxième option, relativement floue, qui a été retenue et explicitée dans le European Electoral Act.
Ce dernier datant de 1976 et modifié en 2018, énonce quelques règles électorales tout en laissant une grande marge de manœuvre aux Etats membres sur les modalités du scrutin européen. Par exemple, le scrutin doit être fait obligatoirement à la proportionnel, toutefois les États membres peuvent autoriser le scrutin de liste préférentiel (c’est-à-dire changer l’ordre des candidats) ou encore fixer un seuil minimal pour l’attribution des sièges.
Ainsi, tant qu’ils respectent des principes généraux tels que celui d’un citoyen égal un vote, du bulletin libre et secret et du suffrage universel direct ; les Etats membres ont une grande marge de manœuvres sur l’organisation du scrutin s’agissant notamment de l’âge pour voter et se présenter candidat, du jour de scrutin et des modalités de vote.
Jour de scrutin : les Pays-Bas ouvrent le bal !
En fonction du pays de résidence, tous les citoyens européens ne cocheront pas la même case du calendrier le jour du vote. Aux Pays-Bas, le mercredi est le jour traditionnellement fixé pour les élections dans le pays. Pour des raisons historiques et religieuses, les scrutins électoraux ne sont pas organisés le vendredi, samedi et dimanche car ils correspondent à des jours destinés à la pratique religieuse chez les chrétiens et juifs. Dans ce cas, le gouvernement néerlandais se devait de choisir un jour de la semaine comme date de scrutins nationaux et c’est le mercredi qui a été retenu depuis bientôt plus d’un siècle. Etant donné que les bureaux de votes sont généralement tenus dans les écoles, ces dernières doivent se débarasser de leursécoliers le mercredi.
Toutefois, il n’aura pas échappé aux lecteurs les plus attentifs que le 6 juin est un jeudi. Par conséquent, les Néerlandais commettront un petit écart à la tradition en allant se rendre aux urnes un jeudi pour désigner leurs représentants européens. Ils seront alors les premiers à voter, bien qu’ils devront, par souci d’équité, attendre le 9 juin au soir pour connaître les résultats.
Les Pays-Bas font figure tout de même d’exception puisque 21 des 27 Etats membres iront voter le dimanche 9 juin dont la France. Pour le reste, les Irlandais voteront le 7 juin ; la Lituanie, Malte et la Slovaquie le 8. La République tchèque, quant à elle, laissera le choix à seshabitants de se rendre soit le 7 soit le 8 juin aux urnes. A noter quelques exceptions supplémentaires, notamment en France, où les habitants de certains Outre-mer et les Français de l’étranger sur le continent américain voteront la veille de leurs compatriotes de Métropole.
Il n’y pas d’âge pour voter !
S’il y a bien un critère qui n’est pas mentionné dans les textes européens établissant le cadre général des élections européennes, c’est bien celui de l’âge. En effet, l’âge minimum pour être électeur et candidat aux élections européennes est fixé par la législation nationale de chaque Etat. Pour la majorité d’entre eux, dont la France, il faut attendre sa majorité pour pouvoir déposer son bulletin de vote. Toutefois, depuis quelques années, certains Etats membres ont changé leurs règles électorales afin d’autoriser les jeunes de 17 ans en Grèce, et de 16 ans en Belgique, en Allemagne, en Autriche et à Malte, de voter afin d’encourager la participation électorale de la jeunesse. Pour le cas de l’Allemagne, par exemple, l’âge légal pour voter a été changé en 2023, ce qui signifie qu’1,5 millions de jeunes allemands supplémentaires pourront voter en 2024 (chiffre Service de recherche du Parlement européen, décembre 2023). S’agissant de l’âge légal pour se porter candidat, il varie davantage d’un pays à l’autre en allant de 18 ans jusqu’à 25 ans, dans les cas de l’Italie et de la Grèce.
Mon pays, ma façon de voter !
Le casse-tête des règles électorales ne s’arrête pas là et concerne toute une flopée de critères. Tout d’abord, il est à noter que voter est obligatoire dans plusieurs pays de l’UE comme la Belgique, le Luxembourg, la Grèce et Chypre. En Belgique, il pourrait même vous en coûter une amende si vous ne le faites pas !
Certains pays comme la France, voteront pour des listes nationales, mais d’autres comme la Belgique, l’Italie ou la Pologne voteront pour des listes aux circonscriptions diverses. Pour la plupart des ressortissants des Etats membres, il leur sera possible de voter à l’étranger dans une ambassade de leur pays (sous condition d’enregistrement parfois). Contrairement à la France, il sera possible pour eux de voter par correspondance, en Espagne et Suède par exemple et même, exclusivité de l’Estonie, de voter en ligne.
Côté partis politiques et candidats, il vous sera peut-être plus facile d’être élu en Allemagne, Portugal ou Irlande à titre d’exemples, où il n’existe pas de seuil minimal pour être élu. En revanche, ce sera plus compliqué en France, Roumanie ou République tchèque où chaque liste devra avoir au minimum récolté 5% des suffrages pour pouvoir espérer siéger dans l’hémicycle de Strasbourg. D’autres pays présentent un seuil minimal oscillant entre 1,8 et 5% des suffrages.
Enfin dans certains pays, il vous sera même possible de changer l’ordre des candidats d’une liste présentée ou encore de les classer individuellement. En Irlande par exemple, les citoyens disposent d’un vote unique transférable. En d’autres termes, il n’existe pas de scrutin de liste, les candidats sont classés par ordre alphabétique et les électeurs les classent dans l’ordre de leur choix en commençant par 1 pour désigner leur candidat favori. Dans ce cas-là, un candidat doit obtenir un nombre minimum de voix pour être élu. Un tel système nécessite ainsi de longues heures, voire plusieurs jours, pour décompter les voix.
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