Elections européennes 2024 : quels enjeux pour les 5 années à venir ?

, par La Rédaction du Taurillon, Léa Schmieden, Paul Brachet

Elections européennes 2024 : quels enjeux pour les 5 années à venir ?

Ce 9 juin 2024, les citoyens français se déplaceront aux urnes pour élire les 81 nouveaux députés les représentant au Parlement européen. Un geste simple et paraissant anodin qui donnera pourtant lieu à l’élection de 81 eurodéputés sur 720 au sein du Parlement européen. 81 voix s’apprêtant à voter pendant 5 ans les futures réglementations européennes, qui s’appliqueront dans l’ensemble des pays membres de l’Union européenne, dans notre quotidien de citoyens européens. Quels sont alors les enjeux de ce scrutin ? quels défis à relever et à poursuivre pour le Parlement européen ?

La future composition du Parlement européen : une majorité d’extrême droite ?

L’un des premiers enjeux de ces élections européennes sera la composition du futur Parlement européen, dont la majorité déterminera avec certitude les orientations des cinq années à venir dans les grandes thématiques et projets débattus. Si la dernière mandature était guidée par le Parti Populaire Européen de la droite et du centre droit en majorité, suivi de prêt par le parti des socialistes Social et Démocrate (S&D), les sondages indiquent pour la prochaine mandature une toute autre direction possible avec la montée de l’extrême droite dans les intentions de vote. Le sondage IFOP réalisé par les jeunes européens France montre par exemple que 32% des personnes de 18 à 25 ans interrogées voteraient probablement en faveur de la liste du Rassemblement National de Jordan Bardella. De même, l’enquête électorale européenne réalisée par Ipsos, le Cevipof, La Fondation Jean Jaurès, l’Institut Montaigne et le Monde sur un panel de 10000 personnes indique en première intention de vote la liste de Jordan Bardella pour 33% des répondants. Si les prédictions des sondages s’avèrent juste, donnant lieu à une majorité d’extrême droite au parlement ou à un score élevé amenant le groupe d’extrême droite en seconde place, il se pourrait que la nouvelle coalition se dessinant au sein de cette institution soit une alliance droite-extrême droite. Cela aura donc des conséquences sur les règlementations majeures à venir, les mise en œuvre de stratégies d’ampleur comme le pacte vert ou encore la réponse à d’éventuelles crises.

Environnement et Agriculture : deux projets irréconciliables

La mandature européenne finissante s’est fait remarquer par un volontarisme inédit en matière d’environnement, centre des programmes politiques des groupes politiques de gauche avec qui il fallait compter au Parlement européen entre 2019 et 2024. Un volontarisme qui s’incarna dans le Green Deal, un paquet législatif de quatre-vingt textes visant à verdir le système productif européen…y compris le système productif agricole de l’Union.

C’est bien ce dernier domaine qui cristalisa les tensions pendant les derniers mois de la mandature 2019-2024. Les réticences des partis de droite et d’extrême droite, couplées à des manifestations sans précédent d’agriculteurs dans toute l’Europe, ont montré un clivage entre un bloc “de gauche” et un bloc “de droite” sur le sujet. Entre un bloc qui souhaite en faire davantage dans le verdissement de l’économie, et un bloc qui souhaite davantage d’accompagnement et de temps pour mettre en place les réformes que tous jugent nécessaires. L’opposition s’est donc cristallisée seulement quelques mois avant les élections européennes et le renouvellement de l’hémicycle strasbourgeois, en faisant alors un sujet de campagne : comment réconcilier l’environnement et l’agriculture ?

Migration : enjeu français, enjeu européen ?

Alors que le Pacte Asile et Migration, un ensemble de textes législatifs européens visant à mettre en place une politique harmonisée d’accueil et de gestion des frontières au niveau de l’UE, a été voté le 10 avril, soit à peine deux mois avant les élections, l’immigration reste un sujet de campagne. Du moins, il en reste un pour une partie des 15% de la population européenne : l’immigration est considérée comme le sujet des élections seulement en France.

En effet, l’immigration est considérée comme la deuxième priorité des Français, juste après le pouvoir d’achat. Dans l’Union européenne, l’immigration est seulement la cinquième priorité, après les enjeux liés au pouvoir d’achat, la santé, la défense, le chômage, et le changement climatique.

Dans ce contexte, certains se sont demandés dans quelle mesure le débat public avait été influencé par les partis d’extrême droite, dont l’immigration est l’un des sujets historiques, et par le relai excessif de la thématique par les médias français. Quoi qu’il en soit, le sujet est bien devenu une priorité dans l’hexagone. Pour le reste des 350 millions d’Européens, l’enjeu migratoire a été résolu par le vote sur le Pacte Asile et Migration. Il ne resterait plus que ce dernier soit réellement mis en œuvre par les Etats membres. La surexposition du sujet migratoire dans le débat public français, et alors que la campagne des élections européennes est restée ancrée dans les thématiques nationales, pourrait en partie expliquer le succès de l’extrême droite dans les sondages qui dépasse les 40%, tous partis confondus.

Réforme institutionnelle : le fédéralisme est-il encore tabou ?

Le Parlement européen a également attendu la fin de son mandat pour voter un texte relatif à la réforme des institutions de l’Union européenne, relançant les débats sur le devenir de l’Union, de ses institutions et de sa géographie.

Le rapport Verhofstadt vise à donner davantage de compétences au Parlement européen, ainsi qu’à permettre une meilleure gouvernance européenne par des institutions supranationales d’avantages autonomes et un partage de compétences entre l’Union et les Etats membres clarifié. Ce rapport est arrivé quelques semaines avant le début de la campagne pour le scrutin européen, et alors que certains chefs d’Etat et de gouvernement, à l’image d’Emmanuel Macron ou d’Olaf Scholz, parlaient d’une réforme des traités visant à mettre fin au droit de véto. Aujourd’hui, pour la plupart des décisions prises à l’échelon européen, les Etats disposent chacun d’un droit de véto permettant de bloquer toute décision ne lui convenant pas.

Ce contexte pré-électoral a été saisi par plusieurs des forces politiques compétitives aux élections européennes. Ainsi, alors que certains partis de gauche et écologistes se sont prononcés en faveur d’une fédération européenne, d’autres ont préféré appeler à une “plus grande intégration”, à l’image des partis du centre comme Renaissance. Enfin, la plupart des partis de droite radicale et extrême ont défendu moins d’Europe, un retour à une “Europe des nations”. Un détricotage proposé par l’extrême droite de l’hémicycle du Parlement qui divise la droite traditionnelle : le centre-droit du PPE est en effet divisé sur cette question.

Quoi qu’il en soit, les questions relatives à la fin du droit de véto, au droit d’initiative législative du Parlement européen, des ressources propres ou plus largement du paysage institutionnel européen est bel et bien devenu un enjeu des élections européennes ; au même titre que l’évolution géographique de l’Union : en d’autres termes l’élargissement, ou non, de l’UE aux Balkans occidentaux, à la Géorgie, à la Moldavie et à l’Ukraine. Une question qui vient se confondre également avec celle des conflits se déroulant aux portes de l’UE, et de la réponse à apporter.

Entre Kharkiv et Gaza : une campagne percutée par l’international

Les élections européennes se tiendront en effet dans un contexte où l’élargissement à d’autres membres n’est plus un tabou pour l’Union et dans un contexte où une partie du continent se trouve en guerre contre un autre État, du jamais vu depuis 1945.

Ce contexte de guerre aux portes de l’Europe, et aux portes du scrutin, est amplifié depuis octobre 2023 quand Israël a décidé d’une guerre terrestre contre la bande de Gaza, en réponse aux attentats du 7 octobre qui ont fait 1 400 morts, 3 400 blessés et 200 kidnappés. La contre-attaque isrélienne est toutefois considéré comme disproportionnée par la plupart des Européens, alors que cette dernière a déjà fait près de 36 000 morts et 2 millions de déplacés.

En Europe, la défense et la politique étrangère sont considérées comme la troisième priorité des électeurs. Un enjeu qui se fait sentir notamment à l’Est de l’Europe, et plus particulièrement en Bulgarie et en Hongrie, où les partis politiques ont placé la politique extérieure au cœur de leur programme et de leur campagne. En France, si les conflits russo-ukrainien et israélo-palestinien ont été repris par certaines forces politiques - la France Insoumise a placé la guerre à Gaza au coeur de sa campagne, tandis que Place publique a mis en avant la guerre en Ukraine - l’essentiel de la campagne ne s’est pas centrée sur cet enjeu.

Les élections du 9 juin présentent donc de multiples enjeux qui impacteront directement ou dans un avenir proche les citoyens européens. Outre ces sujets, principaux, une multitude d’autres sujets viendront animer le débat ou s’imposer à l’UE, qu’ils soient nouveaux ou habituels ; développement de l’intelligence artificielle, encadrement des lobbies et de la transparence, défense de droits fondamentaux, renforcement des droits humains, budgets des institutions…

Si les équilibres du Parlement européen sont réputés pour changer lentement, seule la participation aux élections permettent d’orienter les politiques européennes. Une autre bonne raison de s’exprimer ce dimanche !

Cette article a été réalisé en partenariat avec Classe internationale.

Financé par l’Union européenne. Les points de vue et avis exprimés n’engagent toutefois que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Union européenne ou de l’Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture (EACEA). Ni l’Union européenne ni l’EACEA ne sauraient en être tenues pour responsables.

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