Elections européennes : les propositions des partis sur la gouvernance et les institutions européennes

, par Basile Desvignes

Elections européennes : les propositions des partis sur la gouvernance et les institutions européennes
Le bâtiment du Parlement européen à Strasbourg

A quelques jours des élections, les partis français ont publié leur programme pour la prochaine législature européenne. Parmi les principales thématiques, la question de la gouvernance et des institutions de l’Union occupe une place inégale dans les programmes, entre convergences sur la volonté globale de transformation des institutions et divergences sur les réformes nécessaires.

La question de la gouvernance et des institutions européennes s’impose comme un enjeu important pour ce scrutin. En effet, les institutions européennes sont régulièrement accusées d’être illisibles et technocratiques ou impuissantes. Cela explique la volonté de l’ensemble des partis – si l’on exclut Les Républicains – de réformer les institutions européennes et notamment le Parlement pour le rendre plus proche des citoyens européens et plus efficient.

En avril, le Mouvement européen sortait son comparateur de programmes pour les élections européennes. Cet article s’appuie largement sur la contribution des partis français à cette initiative. Toutefois, certains partis comme le Rassemblement National ont refusé d’y participer. L’article intègre donc certains éléments des programmes officiels des partis. Pour son comparateur de programmes, le Mouvement européen a dégagé cinq thèmes principaux en lien avec la gouvernance de l’Union européenne. Cet article revient sur ces thèmes, qu’il convient d’expliquer.

Elargissement de l’Union : l’émergence d’un consensus

Lorsqu’on compare les propositions des partis en lien avec l’élargissement de l’Union européenne, on constate l’émergence d’un certain consensus. D’abord, la majorité des listes ne se prononcent pas sur la question (Renaissance, UDI, Envie d’Europe et PCF) ou affirment leur opposition à un élargissement de l’UE (Les Républicains, Debout La France et Rassemblement National). Ces derniers affirment s’opposer à la volonté d’Emmanuel Macron de poursuivre l’élargissement européen vers les Balkans et font référence au discours de Trieste de juillet 2017. Toutefois, aucun élément dans le programme de Renaissance ne rappelle cette volonté d’élargissement. D’autres listes sont moins opposées à un éventuel élargissement mais émettent plusieurs conditions. Génération.s et La France Insoumise défendent qu’une meilleure harmonisation des politiques sociales et de concurrence doit avoir lieu avant toute nouvelle intégration. Dans le cas contraire, l’élargissement favoriserait selon eux la concurrence et le dumping social entre les Etat-membres.

Ainsi, la plupart des listes partagent l’idée que l’approfondissement doit être privilégié à l’élargissement, source d’instabilité au sein de l’UE. Seule la liste Europe Ecologie les Verts encourage l’élargissement. Pour elle, l’intégration de nouveaux membres permet de renforcer son projet global de transition écologique et de mieux promouvoir la démocratie en Europe et dans le monde.

Des divergences sur la réforme des traités

Les projets de réforme des traités des différentes listes sont très hétérogènes. En effet, les listes analysent très différemment le rôle des traités européens. Pour le Parti Fédéraliste, Génération.s et EELV, les traités européens doivent mettre en avant des droits et valeurs partagés par les Etats-membres de l’UE. Génération.s et EELV veulent y intégrer des droits et principes sociaux et environnementaux orientés vers les citoyens européens. Le Parti Fédéraliste va plus loin et demande l’établissement d’une Constitution européenne qui se substituerait à tous les traités existants. Celle-ci permettrait de garantir les droits essentiels des citoyens européens tout en réduisant la complexité des traités actuels. L’UDI et le PCF veulent également mieux intégrer les citoyens européens dans la vie politique en mettant en place un référendum européen qui permettrait de supprimer une loi ou un règlement existant ou de modifier les traités.

Enfin, les traités européens sont considérés par d’autres listes comme étant des obstacles à la souveraineté des Etats-membres. Ainsi, LFI demande la renégociation complète des traités européens. La liste propose notamment la révision des droits de la concurrence avec l’établissement d’un protectionnisme européen et promeut une politique sociale plus redistributive. D’autre part, Debout La France et le Rassemblement National affirment que les traités européens empiètent sur le service public français, qui doit être défendu. Les deux listes exigent ainsi la redéfinition de service public à l’échelle européenne afin que les traités européens ne puissent pas l’outrepasser.

La répartition des pouvoirs dans le triangle institutionnel européen

La structure juridique de l’UE repose sur des traités ratifiés par les Etats membres, qui fixent les compétences de l’UE. Pour appliquer ses compétences, l’UE dispose de ses propres institutions. Dans la plupart des cas, les décisions sont prises par le « triangle institutionnel » composé de :

  • la Commission européenne : composée actuellement de 28 commissaires désignés par les gouvernements des Etats membres ; elle propose les textes législatifs qui sont ensuite votés par le Parlement et le Conseil européen
  • le Parlement européen : élu au suffrage universel par les citoyens européens, il vote les lois et le budget de l’UE avec le Conseil européen
  • le Conseil de l’Union européenne : réunit les ministres des Etats membres sur un domaine précis, il adopte les lois et le budget de l’UE en codécision avec le Parlement européen.

Aujourd’hui, la répartition des pouvoirs entre ces trois institutions est fortement remise en question.

Plusieurs listes demandent un plus grand pouvoir du Parlement européen. Ainsi, le Parti Fédéraliste, Génération.s, EELV, Renaissance, Envie d’Europe, LFI et le PCF considèrent qu’il est l’émanation direct du vote des citoyens européens et qu’il doit donc avoir des compétences plus importantes, en particulier le pouvoir d’initiative législative. Certaines listes défendent également une plus grande intégration des citoyens européens dans la vie politique européenne. Le Parti Fédéraliste, Envie d’Europe, LR et LFI veulent renforcer le système d’initiatives citoyennes qui permet aux citoyens européens d’inviter la Commission européenne à présenter une proposition législative sur un sujet donné.

D’autres propositions plus spécifiques sont mises en avant par certaines listes. Génération.s et LFI défendent l’établissement d’un contrôle citoyen sur les décisions prises par les députés européens et demandent l’établissement d’un mandat impératif (révocatoire) pour ses derniers. Renaissance veut également mieux encadrer le travail des députés européens en interdisant les financements des partis européens provenant de l’extérieur de l’UE, en limitant le nombre de mandats à trois et en interdisant toute activité en parallèle du mandat de député européen. EELV souhaite quant à elle établir un référendum d’initiative citoyenne à l’échelle européenne pour annuler une loi ou un règlement établi par le Parlement européen, afin de lutter contre l’influence que peuvent avoir les lobbies dans leur élaboration.

L’influence des lobbies dans les institutions européennes est globalement critiquée et toutes les listes (sauf LR). Elles demandent plus de contrôle et de transparence lors de rencontres avec les lobbies au sein des institutions européennes. Certains sont plus virulents comme LFI qui veut « dégager les lobbies » ou EELV et Envie d’Europe qui désirent l’établissement d’une Haute Autorité pour la Transparence comme c’est déjà le cas en France.

Ces listes veulent également limiter les pouvoirs de la Commission. Elles dénoncent la manière dont sont désignés son président et les commissaires, indépendamment du vote au Parlement. L’UDI et le PCF demandent que les commissaires désignés par les gouvernements des Etats-membres subissent un vote de confiance de la part des députés de l’Etat-membre au Parlement européen. Avec Génération.s, ils demandent également que le président de la Commission soit élu directement par le Parlement européen, sans proposition du Conseil de l’UE. Le Parti Fédéralistes va plus loin et affirme que la Commission doit être responsable devant le Parlement et que son président doit être élu au suffrage universel direct par les citoyens européens.

Ainsi, la plupart des listes s’accordent sur une volonté de prédominance du Parlement européen dans le triangle institutionnel européen ; aux dépens du Conseil et de la Commission. Néanmoins, le RN et DLF s’opposent à ce projet et défendent au contraire une plus grande importance des Etats et des citoyens à l’échelle nationale dans le fonctionnement de l’UE. Les deux listes ne veulent en aucun cas une augmentation des compétences du Parlement. Au contraire, le RN souhaite l’instauration d’un référendum d’initiative national qui pourrait orienter les décisions du Parlement européen, qui doit pour les deux listes être « au service des nations ». RN et DLF sont également très critiques vis-à-vis de la Commission et demandent sa suppression au motif qu’elle ne représenterait pas les intérêts des nations mais empiéterait sur leur souveraineté.

En bref

La quasi-totalité des listes souhaitent réformer en profondeur les institutions européennes. Seule la liste des Républicains est globalement satisfaite de la situation actuelle et ne revendique aucune réforme d’ampleur. Une large partie des listes s’entend sur le nécessaire accroissement des pouvoirs du Parlement européen. Seule institution élue directement par les citoyens, il est considéré comme le remède au déficit démocratique des institutions européennes. Au contraire, le RN et DLF veulent un recul des compétences du Parlement et une suppression totale de la Commission : ces deux institutions sont décrites comme empiétant sur les compétences des Etats membres.

Pour aller plus loin, vous pouvez analyser les programmes des différentes listes sur plusieurs sujets grâce au comparateur du Mouvement Européen – France et des Jeunes Européens – France : https://europeennes2019.mouvement-europeen.eu/comparateur-de-programmes/

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