Les ambitions et réalisations d’EU4Health
Avec un budget sans précédent de 5,3 milliards d’euros, le programme EU4Health représente un engagement fort de l’Union européenne en matière de santé publique, en réponse notamment à la crise du COVID-19, qui a mis en lumière les faiblesses et les disparités des systèmes de santé nationaux.
Les objectifs ambitieux d’EU4Health, tels que définis par le règlement (UE) 2021/522, visent à créer une Europe plus équipée robuste face aux défis sanitaires. Le programme s’articule autour de quatre grands axes : l’amélioration et la promotion de la santé, la protection des citoyens contre les menaces sanitaires transfrontalières, le renforcement des systèmes de santé et de leur personnel, et la facilitation de l’accès aux soins et aux produits médicaux.
Dans le cadre de la promotion de la santé et de la prévention des maladies, le programme a permis de financer des projets innovants tels que le programme Inclusive Healthy Lifestyle Groups in Schools (IHLGiS) qui encourage les jeunes à adopter un mode de vie sain, s’attaquant ainsi aux racines de nombreux problèmes de santé à long terme.
Au centre du programme EU4Health, la lutte contre le cancer, fléau qui touche des millions d’Européens chaque année. Le plan européen de lutte contre le cancer, lancé en février 2021, bénéficie d’un financement considérable de 4 milliards d’euros, dont 1,25 milliard provient directement d’EU4Health. Des projets ambitieux comme CAN.HEAL, INTERACT EUROPE, et TOGAS (Towards Gastric Cancer Screening Implementation) témoignent de l’engagement de l’UE dans ce domaine. Ces initiatives visent à améliorer la prévention, le dépistage précoce et les parcours de soins pour les patients atteints de cancer, contribuant ainsi à réduire les inégalités de santé entre les pays membres.
La pandémie de COVID-19 a mis en évidence la nécessité d’une meilleure coordination européenne face aux menaces sanitaires transfrontalières. Dans cette optique, EU4Health finance des initiatives essentielles, telles que l’action conjointe sur la résistance aux antimicrobiens (AMR), un problème de santé publique croissant qui ne connaît pas de frontières. Le programme de formation à la préparation EPIC11 vise à renforcer les capacités des systèmes de santé à répondre efficacement aux crises sanitaires futures. Par ailleurs, le programme EU-WISH de surveillance des eaux usées représente une approche innovante pour détecter la présence précoce de pathogènes dans la population, permettant ainsi une réponse rapide en cas d’épidémie. La création d’un espace européen des données de santé (EHDS), pilier fondamental de l’Europe de la santé, facilite l’échange sécurisé de données de santé entre les pays membres, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour la recherche médicale et l’amélioration des soins. L’EHDS vise à permettre l’utilisation primaire et secondaire des données de santé, cruciales pour le développement de médicaments innovants et personnalisés. Cette initiative pourrait révolutionner la manière dont les soins sont dispensés en Europe, en permettant aux professionnels de santé d’accéder rapidement aux antécédents médicaux des patients, quel que soit leur pays d’origine.
Les obstacles à un système de santé européen unifié
Malgré ces avancées significatives, la création d’un véritable système de santé européen uni se heurte à de nombreux obstacles. En effet, les disparités entre les systèmes de santé nationaux constituent un défi majeur : chaque État membre a développé son propre système au fil des décennies, avec des modes de financement, d’organisation et des priorités qui peuvent varier considérablement. Harmoniser ces systèmes tout en respectant le principe de subsidiarité reste une tâche complexe, nécessitant un dialogue constant et des compromis entre les pays membres.
La question de la souveraineté nationale en matière de santé est un point sensible. La santé reste largement une compétence nationale, ce qui limite la capacité de l’UE à imposer des mesures uniformes. Les États membres, soucieux de conserver leur autonomie dans ce domaine crucial, peuvent être réticents à céder trop de pouvoir à l’échelon européen. Cette tension entre l’ambition d’une approche européenne coordonnée et le désir de préserver l’autonomie nationale constitue un défi permanent pour l’avancement d’une Union européenne de la santé.
Sur le plan technologique, la mise en place de l’EHDS soulève des questions complexes en matière de sécurité des données et d’interopérabilité des systèmes informatiques. Comme l’ont souligné les participants à la conférence EU4Health de 2024, « il est nécessaire d’améliorer la mise en œuvre du règlement EHDS et de soutenir les États membres pour qu’ils s’y impliquent davantage. » La protection des données personnelles de santé, particulièrement sensibles, doit être garantie, tout en permettant leur utilisation à des fins de recherche et d’amélioration des soins. Concilier ces impératifs reste un défi technique et éthique de taille.
Ensuite, les inégalités économiques entre les États membres se reflètent inévitablement dans leurs capacités à investir dans leurs systèmes de santé et à participer pleinement aux initiatives européennes. Les pays moins favorisés économiquement peuvent avoir des difficultés à mettre en œuvre certaines mesures ou à financer leur part des projets communs, ce qui risque de creuser davantage les écarts en matière de santé au sein de l’UE. Réduire ces disparités nécessite un équilibre délicat entre solidarité européenne et responsabilité nationale.
Enfin, la résistance au changement au sein des systèmes de santé nationaux constitue également un frein à l’intégration européenne dans ce domaine. Les systèmes de santé, souvent ancrés dans des traditions et des pratiques de longue date, peuvent être lents à adopter de nouvelles approches ou technologies. Les professionnels de santé, les administrations et même les patients peuvent être réticents à modifier des pratiques bien établies, ce qui peut ralentir la mise en œuvre des initiatives européennes.
Perspectives d’avenir et défis à relever
Malgré ces obstacles, l’UE continue de progresser vers une plus grande intégration en matière de santé. L’élargissement du programme EU4Health à des pays non-membres de l’UE, l’adhésion de la Bosnie-Herzégovine ou encore du Monténégro en 2024, témoigne d’une volonté d’étendre son influence au-delà des frontières de l’Union. Comme l’a souligné la ministre bosniaque des affaires civiles, Dubravka Bosnjak : « C’est une excellente opportunité pour nous de moderniser et d’améliorer notre système de santé et de nous rapprocher des normes européennes. »
La capacité d’EU4Health à répondre rapidement aux défis émergents est également démontrée par des initiatives ciblées, telles que le projet de 4 millions d’euros lancé en décembre 2023 pour améliorer l’accès aux soins des réfugiés ukrainiens dans dix pays européens. Ce type d’action illustre la flexibilité du programme et sa capacité à s’adapter aux crises humanitaires et sanitaires imprévues.
Finalement, EU4Health représente une avancée significative vers une Union européenne de la santé plus intégrée et résiliente. À mi-parcours du programme, les progrès réalisés sont encourageants, avec des investissements importants dans des domaines clés tels que la lutte contre le cancer, la prévention, la préparation aux crises sanitaires et le rapport de santé au digital. Cependant, la création d’un véritable système de santé européen unifié reste un objectif à long terme, nécessitant des efforts continus pour surmonter les obstacles politiques, économiques et culturels.
Les années à venir seront cruciales pour déterminer si l’élan donné par EU4Health pourra être maintenu et amplifié. Les décideurs européens devront faire preuve de créativité et de persévérance pour continuer à rapprocher les systèmes de santé nationaux, tout en respectant les spécificités de chaque pays. Le succès de cette entreprise dépendra en grande partie de la capacité de l’UE à démontrer la valeur ajoutée d’une approche européenne coordonnée en matière de santé, tout en rassurant les États membres sur le respect de leur souveraineté dans ce domaine sensible.
L’avenir de l’Union européenne de la santé se jouera également sur sa capacité à impliquer activement les citoyens et les professionnels de santé dans cette transformation. Une communication claire sur les bénéfices concrets des initiatives européennes pour la santé de chaque citoyen sera essentielle pour susciter l’adhésion et surmonter les résistances au changement.
Enfin, la réussite d’EU4Health et de l’Union européenne de la santé dans son ensemble sera mesurée à l’aune de sa capacité à réduire les inégalités de santé entre les pays et les régions d’Europe, à améliorer l’accès aux soins pour tous les citoyens européens, et à renforcer la réponse collective face aux futures crises sanitaires. C’est un défi de taille, mais aussi une opportunité unique de concrétiser pleinement la vision d’une Europe unie pour la santé et le bien-être de tous ses citoyens.
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