Euro Rétro 1960 : Débuts hésitants, pluie de buts et triomphe de l’URSS

, par Jérôme Flury

Euro Rétro 1960 : Débuts hésitants, pluie de buts et triomphe de l'URSS
Photo d’illustration : Burst.

Alors que l’édition 2020 du championnat d’Europe des nations, voulue comme une édition anniversaire afin de célébrer les soixante ans de la création de la compétition se déroule finalement en juin 2021 dans onze pays différents, le Taurillon propose de revenir sur l’histoire du tournoi. Contexte politique, résultats sportifs, replongez en arrière et revivez ces chapitres du roman du football continental.

Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), Yougoslavie, Tchécoslovaquie. Un coup d’œil au podium du premier championnat d’Europe des nations montre que l’Europe a bien changé en soixante ans. Alors que les pays les plus titrés dans la compétition (Allemagne, Espagne, France) se situent à l’Ouest du continent, la première édition est radicalement différente et permet à l’URSS de décrocher le seul titre majeur dans ce sport de son histoire.

C’est le 10 juillet 1960 que les joueurs soviétiques inscrivent leur nom dans l’histoire et inaugurent le palmarès de cette toute nouvelle compétition. La phase finale, qui ne comprenait que quatre équipes et s’est déroulée en France, reste l’une des plus prolifiques de l’histoire, avec 17 buts en quatre rencontres, soit une moyenne de 4,25 buts par match. Une réussite à la fois pour le pays dirigé par Nikita Khrouchtchev, mais également pour Henri Delaunay, l’homme à l’origine de ce tournoi.

En effet, il faut remonter aux années 1920 pour retrouver la première trace de réflexion sur un projet de compétition opposant les nations européennes. Et c’est un Français, comme dans le cas de la Coupe du Monde de la FIFA, la Coupe des clubs champions européens et les Jeux olympiques modernes, qui en est à l’initiative. Henri Delaunay, alors secrétaire de la Fédération française de football, émet l’idée d’organiser une compétition internationale en Europe.

Le projet reste dans les cartons, alors qu’à l’époque il n’existe pas d’instance européenne dans la discipline et que la Fédération internationale de football association (FIFA) est en plein développement de la Coupe du monde, dont la première édition se tient en 1930 en Uruguay.

La jeune UEFA créé un tournoi mais convainc peu

Après la Seconde Guerre mondiale, tout est à reconstruire en Europe, et cela sur tous les plans. « Comment renouer le lien sportif entre des pays dévastés par le conflit ? En se focalisant sur un adversaire commun. La création de l’Union européenne de football association (UEFA), en 1954, comme celle de l’Europe politique trois ans plus tard, obéit ainsi à la même logique européiste qui conduit à la création de la CEE : s’émanciper du joug de la FIFA », développe le journal Le Point.

Ainsi, trois ans avant le Traité de Rome, et un an après un congrès extraordinaire de la Fifa qui s’est déroulé à Paris et au cours duquel le comité exécutif de l’organisme a été réorganisé et les groupements représentant les fédérations d’un même continent ont été autorisés, l’UEFA voit le jour en juin 1954 à Berne. La nouvelle instance continentale décide d’étudier le projet de compétition européenne des nations. Il faut dire que les Coupes d’Europe opposant les clubs connaissent alors un grand succès. Et la création d’un Championnat d’Europe entre pays « paraissait inévitable, d’autant que la Copa America, elle, existait depuis 1916 ! », rappelle également Le Point. Bien que certaines fédérations nationales européennes étaient encore réticentes, la création du tournoi est définitivement validée.

Henri Delaunay, décédé en 1955, ne l’a jamais su, c’est en juin 1958, lors du congrès de Stockholm, que l’UEFA acte l’organisation d’une Coupe d’Europe des nations. Et le trophée porte bien le nom du Français. La Coupe a, pour la symbolique, la forme d’une amphore grecque. Sur le premier trophée réalisé en 1960 une partie d’un bas-relief antique grec était gravée, représentant un homme tenant un ballon.

C’est le fils d’Henri, Pierre Delaunay, qui en tant que président de l’UEFA, tente de convaincre les nations de prendre part au tournoi. 200 francs suisses sont simplement demandés pour l’inscription. La République Fédérale Allemande (RFA), champion du monde en 1954, l’Italie, l’Angleterre, les Pays-Bas et la Belgique ne tentent pas l’aventure. Cette faible adhésion profite aux pays du Bloc de l’Est. 17 pays sont sur la ligne de départ.

Le football, “victime de la guerre froide”

Les éliminatoires, qui se jouent sur des matches aller-retour, débutent par une confrontation entre l’URSS et la Hongrie le 28 septembre 1958. Le succès populaire est là : 100 000 spectateurs sont présents à Moscou. Ils seront bien moins nombreux à suivre le quart de finale entre l’Espagne et l’Union soviétique. Et pour cause, le match n’aura pas lieu.

En effet, la politique n’est jamais loin du sport à cette époque et les Espagnols, dirigés par Franco, refusent de rencontrer l’équipe d’URSS, qui se qualifie sans jouer. "Le football est victime de la guerre froide", titre l’AFP au lendemain du boycott. Au final, quatre équipes sont qualifiées pour la phase finale, qui se déroule sur des matchs simples, en France, entre le 6 et le 10 juillet 1960.

Le premier match reste encore jusqu’à nos jours unique. Après une heure de jeu, la France, privée de deux éléments majeurs, Raymond Kopa et Just Fontaine, tous deux forfaits, mène tout de même 4-2 face à la Yougoslavie, devant 27 000 spectateurs. Pourtant, en cinq minutes, dans le dernier quart d’heure, les visiteurs marquent trois fois. La Yougoslavie se qualifie ainsi pour la finale, dans ce qui reste le match le plus prolifique de l’histoire du tournoi.

L’URSS au bout du suspense

Dans l’autre demi-finale, les Russes n’avaient aucun mal à écarter la Tchécoslovaquie sur le score de trois buts à zéro. Le gardien Lev Yachine, qui décroche le ballon d’or en 1963 se distingue très vite par des qualités qui lui vaudront le surnom d’araignée noire, garde ses cages inviolées ce soir-là. La Tchécoslovaquie en fait de même quelques jours plus tard pour finir 3e de la compétition en battant la France (2-0).

Le 10 juillet, l’URSS fait face à la Yougoslavie de Tito, elle aussi, un adversaire politique à cause de la rupture des relations entre son pays et Staline en 1948. Pour les joueurs de la sélection soviétique, il s’agit de venger son honneur alors que cet adversaire yougoslave avait éliminé les compatriotes de Staline aux JO de 1952. La finale se joue au Parc des Princes et à la mi-temps, c’est la Yougoslavie qui mène, 1-0.

Quatre minutes après la reprise, l’URSS égalise. Les Soviétiques l’emportent finalement en prolongations, leur motivation s’avérant payante. La Yougoslavie ne gagnera jamais le tournoi et l’URSS connaîtra trois autres finales, toutes malheureuses. En revanche, la Tchécoslovaquie connaîtra son heure de gloire en 1976… en Yougoslavie. L’Euro était définitivement très à l’Est dans ses premières années.

La fiche du match : Euro 1960 - finale : URSS 2-1 Yougoslavie Buts : Metreveli (49e) et Podelnik (113e) pour l’URSS ; Galic (41e) pour la Yougoslavie. URSS : Yachine - Tchekheli, Maslenkine, Kroutikov - Voinov, Netto - Metreveli, Ivanov, Ponedelnik, Bouboukine, Meskhi. Sélectionneur : Katchaline Yougoslavie : Vidinic - Durkovic, Miladnovic, Jusufi - Zanetic, Perusic - Sekularac, Jerkovic, Galic, Matus, Kostic. Sélectionneur : A. Tirnanic, L. Lovric et D. Nikolic

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