Une enfance studieuse
Ada Byron voit le jour à Londres, le 10 décembre 1815 à Londres. Elle était la fille du poète anglais romantique Lord Byron et de la mathématicienne Annabelle Milbanke. Elle ne connut cependant jamais son père ; sa mère l’ayant quitté simplement un an après leur mariage, lassée des mœurs douteuses de son époux. La petite fut donc élevée uniquement par sa mère, une femme décidée à ancrer la jeune fille dans un monde cartésien et réaliste. Elle lui donnera une solide éducation, centrée sur les mathématiques et les sciences. Une utopie pour l’époque, où les filles n’accédaient pas à une telle formation scientifique. Effectivement, il était considéré alors que les femmes n’avaient pas l’énergie mentale et physique requise par le travail scientifique.
La jeune fille fut donc largement observée, comme un cobaye, pour voir comment elle réagissait. Cela ne l’a pourtant pas empêché de poursuivre ses études.
Une rencontre déterminante
La vie d’Ada Lovelace bascule à 17 ans, le jour où elle rencontre sa nouvelle tutrice, Mary Sommerville. Cette dernière, chercheuse renommée et auteur scientifique du XIXè siècle, lui présente Charles Babbage, mathématicien reconnu et professeur à l’Université de Cambridge. Ada, captivée par la machine à différences de Babbage, devint très proche du mathématicien. Ce fut le début d’une amicale et précieuse relation. Cette rencontre déterminante esquissa le court avenir d’Ada et l’avenir de l’informatique.
Suite à cette rencontre, Ada et Charles entretiennent pendant une dizaine d’années une correspondance. Cela lui permit d’approfondir sa connaissance des mathématiques, ainsi que d’assouvir son goût pour l’écriture. Ada assista pendant des années à la création de la « machine à différences », l’une des premières calculatrice. Cette machine impliquait l’intégration de cartes perforées, le principe appliqué pour le métier à tisser de Jacquard. La lecture séquentielle de ces cartes donnait les instructions et les données à sa machine. Nous assistions à la création du premier ordinateur moderne. Ainsi, grâce à cette rencontre exceptionnelle, force est de constater qu’Ada se trouvait à la bonne place au bon moment.
Concilier passion et vie familiale
A l’époque, il était impensable qu’une femme ne se marie pas et n’ait pas d’enfant. Ada Lovelace, issue d’un milieu plutôt noble, n’échappe pas à la règle. Elle épouse en 1835 William King, qui devint quelques années plus tard le premier Comte Lovelace. Elle aura 3 enfants : Byron, Annabella et Raplph Gordon. De constitution fragile, Ada sortira affaiblie par ses trois grossesses. Durant cette période, elle mettra un peu de côté sa passion pour les mathématiques pour se consacrer à l’éducation de ses enfants.
A la suite de sa troisième grossesse, en 1839, elle demande à Charles Babbage de la mettre en relation avec un nouveau tuteur, de façon à renouer avec ses premières amours. Le mathématicien de renom et professeur à l’Université de Londres, Auguste De Morgan, accepta cette tâche. Grâce à ce nouveau tuteur, Ada acquit une solide formation en algèbre, en logique et en analyse. De Morgan découvrit chez Ada une femme créative et enthousiaste. Selon le mathématicien, Lady Lovelace possédait une compréhension remarquable et montrait une pensée élaborée qui lui permettrait éventuellement de réaliser des « découvertes originales en mathématiques ».
Les « fameuses notes »
En octobre 1842, un jeune mathématicien italien, Federico Luigi Menebrea, publia un article en français décrivant la machine analytique de Babbage. Connaissant les talents en écriture d’Ada et sa grande maîtrise du français, Charles Wheatstone, illustre physicien et ami de la famille, proposa à Ada de faire la traduction de l’article de Menebrea pour le journal Scientific Memoirs, dans la section des articles scientifiques étrangers. Neuf mois furent consacrés à cette traduction, entre 1842 et 1843. Charles Babbage n’a pas supervisé le travail d’Ada, mais lorsqu’elle lui présenta, en 1843, il fut impressionné par son travail démontrant une grande profondeur et une analyse remarquable des possibilités infinies de la machine analytique.
Il demande alors à Ada pourquoi elle n’avait pas fait elle-même un mémoire présentant la machine analytique, ce à quoi elle répondit que l’idée ne lui était pas venue à l’esprit. Babbage propose alors à Ada d’augmenter la traduction avec des notes développant et commentant certains aspects du mémoire, idée immédiatement adoptée avec enthousiasme par Ada. S’ensuit une période de travail frénétique sur ces notes, en collaboration étroite avec Charles Babbage qui annote les brouillons, corrige les incompréhensions tout en encourageant et félicitant Ada de son travail. lle ajoute à cet article sept notes, labellisées de A à G, représentant près de trois fois le volume de texte de l’article original. La note G s’appuie sur un véritable algorithme très détaillé pour calculer les nombres de Bernoulli (une suite de nombres complexes se calculant par récurrence) avec la machine. Le programme qui en résulte est souvent considéré comme le premier véritable programme informatique au monde3, car les algorithmes décrits jusque-là n’étaient pas décrits avec un formalisme, dans un langage véritablement destiné à être exécuté sur une machine.
Certains historiens des mathématiques critiquent encore aujourd’hui le travail d’Ada, mentionnant la minceur de sa collaboration. Cependant, quelques lettres échangées entre Babbage et Ada démontrent que la contribution de Babbage aurait été limitée aux formules mathématiques et que ce serait Ada qui aurait écrit le programme. Aucun des petits programmes écrits par Babbage n’avait atteint la complexité du programme de calcul des nombres de Bernoulli. Le programme, présenté sous forme de tableau, est réellement un des tout premiers de l’histoire. Et ce programme est l’œuvre d’Ada Lovelace.
En lisant ses notes à notre époque, on s’aperçoit qu’Ada Lovelace avait parfaitement compris le potentiel de l’informatique, et le pouvoir des mathématiques. Elle ne connaîtra jamais les ordinateurs ou l’intelligence artificielle, et pourtant elle en avait compris les prémices.
Il fallut attendre les années 1930 avec Alan Turing pour formaliser une telle notion de calculateur universel qui manipule des symboles généraux, et abandonner la notion de calculatrice purement numérique.
La fin d’une courte vie
Tout semblait se diriger vers une gloire et une reconnaissance certaines pour la machine de Babbage. Mais les subventions du gouvernement britannique cessèrent. Le gouvernement ayant décidé de ne plus participer au projet, Babbage changea ses visées, passant de la machine à différences vers la machine analytique que nous venons de décrire. Afin de financer les travaux de Babbage, Ada se mit à jouer, misant sur ses compétences en calcul des probabilités. Elle appliqua ses compétences principalement aux courses de chevaux. Elle perdit souvent et s’endetta rapidement. En 1851, les pertes d’argent au jeu étaient évaluées à 3200 livres. Ada s’était complètement ruinée. Ni Babbage ni Ada ne purent voir de leur vivant la machine analytique en fonction : elle était beaucoup trop chère à construire.
Ada mourut à l’âge de 36 ans, le 27 novembre 1852 d’un cancer de l’utérus. Elle laissa à son mari des dettes considérables. Elle fut enterrée, selon son désir, près de son père, mort à 36 ans également. Le souvenir d’Ada se poursuit encore aujourd’hui grâce au langage de programmation nommé ADA, conçu d’abord pour le département de la Défense des États-Unis et utilisé jusqu’à nos jours dans plusieurs technologies modernes : l’automobile, les transports ferroviaires et les technologies aéronautiques.
Ada Lovelace, femme du XIXe siècle, sut nettement se démarquer par son approche visionnaire. Elle avait déjà les deux pieds bien ancrés dans le XXIe siècle. Les ordinateurs et toute forme de technologie étant devenus aujourd’hui si omniprésents, nous devons sans équivoque honorer l’apport indéniable de cette première programmeuse informatique.
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