Alors que nous commémorerons cet événement le 6 juin, nous voterons trois jours plus tard pour élire le Parlement européen.
Nous voterons, alors que la guerre est de retour en Europe, depuis l’agression russe contre l’Ukraine, démarrée il y a 10 ans avec l’annexion de la Crimée et amplifiée depuis 2 ans.
Nous voterons, alors que nous voyons ressurgir, dans la quasi-totalité des pays européens, un antisémitisme que nous pensions condamné par l’Histoire et définitivement oublié.
Nous voterons, alors que des partis encourageant la haine de l’autre et le repli sur soi progressent partout sur notre continent. Ces forces hostiles, soutenues par Poutine et peut-être demain par Trump, veulent la fin de notre modèle, basé sur la liberté, la solidarité et la fraternité. Les Ukrainiens se battent aujourd’hui pour cet idéal et en payent le prix.
Le constat est terrible : au fil du temps, le souvenir de la guerre et de ses horreurs s’estompe, et laisse ressurgir les monstres. La construction européenne s’est construite sur une promesse de paix ; elle est aujourd’hui menacée.
En 2024, nous avons une responsabilité particulière. Pour paraphraser Ferdinand Buisson : la première tâche de l’Europe est de faire des Européens ! Portons cette ambition avec conviction.
Ce défi, c’est d’abord aux jeunes d’Europe, qu’il se pose. A l’aube de ces élections européennes décisives pour notre avenir, plaçons-le au cœur de la campagne !
La construction européenne, sur la base d’un marché commun, a permis de créer une solidarité de fait entre les peuples européens : en développant l’interdépendance économique, entre les pays membres, la guerre entre Européens est devenue impossible. Mais est-ce suffisant pour stimuler l’idée européenne ?
Alors soyons fiers de notre ‘European way of life’ : la démocratie et l’Etat de droit comme régime politique, l’égalité sociale, le respect des droits humains, et enfin, un héritage, l’Europe des Lumières et une culture, plurielle et commune. Cette idée d’Europe est une chance que nous pouvons apprécier au quotidien.
La montée des menaces, avec Trump à l’Ouest et Poutine à l’Est, comme la succession des crises auxquelles nous sommes confrontés ne trouveront leur résolution que par le renforcement du sentiment d’appartenance à l’Union européenne. Faute de quoi, c’est le retour aux égoïsmes et au repli sur soi qui triomphera. « Le nationalisme, c’est la guerre » disait François Mitterrand et nous ne sommes pas loin d’y revenir.
Pour cela, le Parlement européen doit porter une nouvelle ambition : créer de véritables citoyens européens. Par sa conscience collective, l’Europe pourra réellement être un espace de paix et de libertés, capable de résister aux menaces. Sans plus attendre, nous devons l’encourager et la stimuler.
Nous disposons pour y parvenir, depuis 1987, d’un formidable outil : ERASMUS. Chaque année plus de 800 000 étudiants voyagent à travers 33 pays. C’est bien, mais encore trop peu au regard des 20 millions d’étudiants dans l’enseignement supérieur que compte l’Europe. Surtout il ne concerne qu’une partie des jeunesses qui disposent du capital financier et culturel pour ne serait-ce qu’envisager de partir à l’étranger. Si nous voulons réellement que les jeunesses s’émancipent, nous devons nous en donner les moyens : dotons l’Europe d’un budget capable de faire ERASMUS pour tous, sous la forme d’un droit opposable accessible à tous.
Portons l’idée que chaque nouvelle génération européenne puisse faire au moins 6 mois d’études, sans condition de niveau ni de ressources, dans un autre pays européen. Cela doit s’accompagner de la création d’un véritable droit à la mobilité pour les jeunesses européennes, qui pourrait notamment inclure la gratuité des transports en commun durant les six mois dans le pays d’accueil. C’est donner aux jeunesses le goût de la liberté, de la fraternité et la possibilité de s’émanciper. C’est promouvoir l’altérité contre le repli sur soi, l’éducation contre l’ignorance. C’est transformer les vieilles rivalités passées en consciences partagées.
Dans la construction de cette conscience européenne, le rapport à l’Histoire tient aussi son importance. En ce sens, le Parlement européen a voté une résolution en janvier 2024. Ce texte se fixe comme idéal d’élaborer une culture commune de la mémoire européenne, une culture qui n’effacera pas les mémoires nationales, mais les dépassera sans les opposer.
Oui, pour faire l’Europe, il faut se fixer comme ambition de se doter de programme d’Histoire européenne, notamment en permettant des interprétations multiples d’une même période historique et d’un même événement. Songeons par exemple à une Histoire européenne des guerres napoléoniennes, qui sortirait de la logique du ‘roman national’ pour chercher à comprendre et analyser les points de vue différents.
II n’est d’ailleurs pas étonnant que cette résolution soit prise pour cible par ceux qui veulent défaire l’Europe, à commencer par le Rassemblement national.
L’heure est à la mobilisation : face à l’extrême-droite, assumons le combat culturel !
“Un jour viendra où vous toutes, où vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l’Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France.”
Cet horizon chimérique, fixé par Victor Hugo, nous devons le reprendre aujourd’hui. C’est la tâche de notre génération. Nous le devons pour toutes celles et tous ceux qui voient en l’Europe, un idéal et un espoir.
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