Finlande : Figure de proue de la liberté de la presse, le pays conserve la confiance du public envers les médias

Un article de la série « la liberté de la presse en Europe en 2020 »

, par Juuso Järviniemi, traduit par Julie-Meriam Benjida

Finlande : Figure de proue de la liberté de la presse, le pays conserve la confiance du public envers les médias
Helsinki la nuit. Crédit : Licence Pixabay

« Bienvenue au pays de la liberté de la presse », c’est ce qu’ont pu lire les Présidents Donald Trump et Vladimir Poutine sur les panneaux publicitaires d’Helsinki lors de leur rencontre organisée dans la capitale finlandaise, en 2018. La campagne, lancée par le journal Helsingin Sanomat, ne fait pas dans l’exagération : en 2020, la Finlande se retrouve seconde dans le classement mondial de la liberté de la presse effectué par le groupe Reporters sans frontières, juste derrière la Norvège.

Cet engagement envers la liberté de la presse reste bien ancré dans la mentalité finlandaise, et les attaques « à la Trump » de la part de certains membres du gouvernement ont une texture presque impossible. Ce sont en réalité les trolls présents sur la toile qui semblent représenter la menace la plus tangible pour le journalisme.

La lutte contre les bonimenteurs

Une journaliste finlandaise qui s’y connait en harcèlement, c’est Jessikka Aro de la radiotélévision YLE. En 2014, dès les débuts de son enquête portant sur la guerre de l’information menée par la Russie durant la crise de Crimée, elle a été la cible de campagnes haineuses menées par des sympathisants du Kremlin, et ce pendant plusieurs années. En 2018, Johan Bäckman et Ilja Janitskin ont été condamnés sur base des accusations criminelles liées au dossier. L’affaire a cependant été portée devant une cour d’appel, et est toujours en attente de jugement. Ilja Janitskin, 42 ans, est décédé des suites d’un cancer en février de cette année.

Notre homme était connu pour sa gestion d’un site d’infox, « MV-Lehti », au contenu raciste et fallacieux. Après la découverte de scandales liés aux trolls d’internet, en Finlande et à l’étranger, le pays s’est attaqué de front à la désinformation, et ce même durant les élections parlementaires de 2019. « Les meilleures élections sont en Finlande, et voici pourquoi » est le nom d’une campagne de communication menée par le gouvernement afin d’encourager les citoyens à garder un œil critique envers la presse, et à rester attentifs aux tentatives étrangères d’interférer dans les élections. Jusqu’à présent, cette lutte contre l’infox s’est révélée payante : dans le Rapport sur l’information numérique de l’Institut Reuters, la Finlande se retrouve en première place quant à la confiance du public envers les médias.

Le rapport met cependant en avant quelques tendances inquiétantes. Alors que 59% des Finlandais font confiance aux médias, un sondage de 2016 démontre que 71% des adhérents du Parti des Finlandais (ou Vrais Finlandais) se méfient des médias traditionnels. Ce mois-ci, le magazine Seura a annoncé la création d’un groupe de discussion Facebook sur le coronavirus par Mika Niikko. Ce groupe, créé par ce dernier, député du Parti des Finlandais et président du comité parlementaire des affaires étrangères, est devenu le théâtre de théories du complot. Bien que Mika Niikko ne soit plus l’administrateur du groupe, son adjoint parlementaire y a conservé sa place de modérateur parmi d’autres. La Finlande, comme n’importe quel autre pays, doit continuer son combat contre la désinformation, afin d’empêcher la contamination des débats publics.

Le pluralisme et le marché des médias

L’une des raisons qui incitent les Finlandais à faire confiance à leurs médias est l’absence de polarisation de ceux-ci : peu d’organes de presse revendiquent un lien avec les partis, car les journalistes tirent une grande fierté de leur indépendance. Dans la plupart des villes, y compris à Helsinki, la concurrence directe opposant les principaux journaux aux tendances politiques différentes est inexistante. Le revers de la médaille est qu’en réalité, la plupart des villes n’ont qu’un seul quotidien disponible.

Bien que le journal soit traditionnellement le média de prédilection des Finlandais, la presse écrite, et surtout la presse locale, souffre malgré tout d’une diminution des abonnements et des recettes publicitaires. Les médias locaux sont toujours compétitifs, mais les monopoles liés à la propriété des médias sont un danger pour le petit marché finlandais. C’est encore plus criant dans les domaines de la radio et de la télévision, ou quatre des plus grandes entreprises se sont partagées plus de 90% des revenus en 2016.

Fournir « un autre point de vue » est devenu depuis longtemps le mantra des sites douteux d’information parallèles. Bien que l’idée sous-jacente puisse se justifier, la meilleure manière de défendre le pluralisme serait de prévenir la concentration des médias et de s’assurer que les organes de presse locaux et spécialisés puissent maintenir leurs activités. Si un petit pays au langage si particulier peut y arriver, il pourrait montrer la voie aux autres nations toujours empêtrées dans cette transition vers l’ère des médias numériques.

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