Une histoire intime : L’exil d’un jeune afghan
Amin Nawabi est un jeune réfugié afghan homosexuel qui a dû fuir l’Afghanistan à la fin des années 1980 alors qu’il n’était qu’un enfant. Trente ans plus tard, devenu étudiant universitaire au Danemark, il accepte de raconter à son ami Jonas Poher Rasmussen son histoire. Celle d’un voyage en exil et d’un combat pour la liberté. « J’avais 15 ans quand j’ai rencontré Amin, au Danemark. Il est arrivé d’Afghanistan tout seul et vivait dans un foyer d’accueil, juste au coin de la rue où j’habitais. Nous nous croisions tous les matins à l’arrêt de bus, sur le chemin du lycée, et nous sommes progressivement devenus des amis proches. C’était il y a 25 ans » confie le réalisateur lors d’un entretien à Haut et Court Distribution.
Le réalisateur danois choisit l’animation pour retranscrire l’histoire d’Amin. Son enfance à Kaboul dans les années 1980. L’arrestation de son père sous le régime communiste, puis sa disparition. La fuite de sa famille pendant la guerre civile, avant la prise du pouvoir par les talibans. Les années de clandestinité en Russie. Les violences policières. La traversée de la mer Baltique grâce à des passeurs. Le voyage en avion avec des faux passeports. La séparation avec sa famille. Ceux qui arrivent à rejoindre la Suède. Ceux qui restent en Russie. Son arrivée seul à 16 ans au Danemark. Le parcours administratif de demandeur d’asile.
Amin se replonge dans un passé douloureux et traumatisant. « Je pense que certaines parties du film sont vraiment difficiles à regarder. Bien que ce soit mon histoire et que je l’aie vue plusieurs fois, je suis toujours assez émotif. Et il y a certaines parties que j’ai vraiment du mal à regarder » confie Amin dans un entretien avec le magazine NEON. Néanmoins, il veut que son histoire soit vue par les gens.
Aujourd’hui, le jeune homme est installé avec son compagnon danois Kasper. L’homosexualité est taboue en Afghanistan. Ainsi, le documentaire retrace la quête identitaire d’un jeune homosexuel pour l’annoncer à sa famille, trouver sa place dans la société, et vivre librement.
Une histoire politique : La dimension universelle d’un tel récit
Le documentaire transmet avec sensibilité la dimension universelle de ces exils forcés. Flee, signifiant fuir en français, raconte l’histoire de ceux qui sont contraints de quitter leur foyer pour fuir les conflits armés, fuir les régimes dictatoriaux, fuir la misère sociale, fuir les persécutions.
Il donne un regard sur cet éternel combat, celui de fuir toute sa vie en vue de trouver un endroit dans le monde pour vivre en sécurité. En vue de trouver un endroit que l’on pourra considérer comme son nouveau chez soi.
« What does home mean to you ? Home ? It’s someplace safe ».
En mai 2022, plus de 100 millions de personnes ont été déracinées à travers le monde en raison de persécutions, de conflits, de violences, de violations des droits humains ou de graves perturbations à l’ordre public, selon le rapport annuel du HCR sur les tendances mondiales.
« Chaque année au cours de la dernière décennie, les chiffres n’ont cessé d’augmenter », a indiqué le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi. « Soit la communauté internationale se mobilise pour réagir face à ce drame humain, pour mettre fin aux conflits et parvenir à des solutions durables, soit cette tendance dramatique se maintiendra ».
Dans un entretien avec le magazine NEON, le producteur exécutif Riz Ahmed énonce qu’« il est rare d’avoir un film qui parle autant du moment dans lequel nous vivons en ce moment ». En effet, les drames de réfugiés se répètent. Dernièrement, l’invasion russe de l’Ukraine - qui a provoqué la crise de déplacement forcé la plus rapide et l’une des plus importantes depuis la Seconde Guerre mondiale - et d’autres situations d’urgence, comme en Afghanistan depuis le retour des talibans à Kaboul. Toutefois, le réalisateur dans un entretien avec CBS Mornings, rappelle que les réfugiés ne sont pas juste des réfugiés. Ce sont aussi des êtres humains. Ils sont tellement plus. Eux aussi ont le droit de rêver et d’avoir de l’ambition.
Flee pourrait-il faire changer le regard de l’opinion publique sur l’accueil des réfugiés en Europe ? En 2015, lors d’une enquête menée par l’Ifop pour Le Figaro sur l’accueil des migrants de Méditerranée, seules 46% des personnes sondées se disaient favorables à ce que la France accueille une partie de ces réfugiés.
Récompensé dans de nombreux festivals
Le documentaire d’animation danois, français, norvégien et suédois a été l’un des films les plus acclamés et primés en 2021. Il a notamment été nommé aux Baftas, l’équivalent des Césars au Royaume-Uni, et dans trois catégories de la 94ème Cérémonie des Oscars : pour le Meilleur film d’animation, le Meilleur film international et le Meilleur film documentaire.
Selon les coproducteurs (la société de production rennaise Vivement Lundi), « C’est la première fois qu’un documentaire est nommé dans trois catégories différentes. C’était loin d’être gagné. On se disait que si on avait une nomination, c’était déjà très fort, on sentait qu’il se passait quelque chose » explique Jean-François Le Corre. Récompensé dans de nombreux festivals, Flee a remporté non seulement le grand prix du film documentaire au festival de Sundance, le cristal du long-métrage au festival international d’Annecy ; mais également trois prix aux 34ème European Film Awards : Meilleur film d’animation, Meilleur documentaire européen et le Prix des Universités européennes.
Sur le modèle des Oscars américains, ces « awards » récompensent chaque année le meilleur du cinéma européen. Au sein de la sélection, des films de tous genres venus d’horizons différents montrant ainsi la diversité du cinéma européen.
« Je veux remercier Amin, mon ami. Merci pour ta confiance, ta générosité et ton courage, merci beaucoup. » - Jonas Poher Rasmussen
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