Guerre Israël-Hamas : bilan (provisoire) d’un conflit interminable

, par Jeanne Antoine, Le Courrier d’Europe

Guerre Israël-Hamas : bilan (provisoire) d'un conflit interminable

La nuit du 26 au 27 mai 2024, le camp de réfugiés de Rafah, ville palestinienne située au sud de la bande de Gaza, à la frontière avec l’Egypte, a été bombardé par l’armée israélienne. La frappe entraîne la mort d’au moins 45 personnes, notamment des enfants.

La guerre israélienne à Gaza en chiffres

Depuis le début de la guerre, réponse à l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, le bilan humain est relativement lourd : on compte en Palestine plus de 35 000 décès, dont 12 300 enfants, plus de 78 000 blessés et au moins 10 000 personnes sont portées disparues. Les victimes sont essentiellement des civils, ce qui a poussé le Conseil de sécurité des Nations Unies à exiger un cessez-le-feu humanitaire immédiat le 25 mars 2024. Le bilan humain israélien est quasi incomparable : 1 200 morts sont à déplorer, on compte 5 431 blessés et 252 capturés. Le conflit semble donc largement déséquilibré. La situation alimentaire de la Bande de Gaza est jugée catastrophique : 1,11 million de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire désastreuse et subissent une famine. Israël entrave largement l’entrée et la distribution de l’aide humanitaire. Depuis le début de la guerre, sept travailleurs humanitaires internationaux ont été tués par l’armée israélienne, poussant les ONG à cesser, au moins temporairement, de fournir les services les plus élémentaires à Gaza.

Le cas de Rafah

Suite aux bombardements, on estime que 62% des bâtiments de la bande de Gaza sont endommagés ou détruits, poussant les habitants à chercher refuge dans les périphéries des grandes villes. Selon l’ONU, près d’1,2 millions d’habitants ont migré vers Rafah pour fuir les bombardements. Beaucoup de familles ont été logées dans des camps installés par des ONG au nord et à l’est de la ville dès octobre 2023.

Au début du mois de mai, dans la nuit du 5 au 6, le gouvernement de Netanyahou avait ordonné le déplacement de 100 000 personnes de l’est de Rafah, zone refuge abritant 1,4 million de personnes. La frappe israélienne de la nuit a causé le décès de nombreux civils pris au piège. Dans la nuit du 26 au 27 mai, une deuxième offensive est lancée, dans le nord de la ville cette fois-ci, touchant le camp « Al-Salam 1 ». 45 personnes meurent suite à l’opération, dont des enfants. Officielleement, les offensives lancées à Rafah visent à détruire les derniers bataillons du Hamas. Selon l’armée israélienne, les opérations sont ciblées, mais le lourd bilan humain de civils, dénoncé par plusieurs organisations internationales, remet en cause la proportionnalité des actions militaires menées dans la zone.

Réponse européenne (?)

Depuis le début de l’année, de nombreux mouvements sociaux ont vu le jour dans les pays européens. D’abord principalement étudiants, beaucoup de campus ont été fermés suite aux manifestations pro-palestiniennes : l’université d’Amsterdam, l’université libre de Berlin, Science Po ou encore La Sorbonne, où les étudiants se sont mobilisés en soutien à la Palestine. Depuis octobre 2023, les Etats membres de l’UE ont été incapables de réfréner Israël dans sa riposte à l’attaque du 7 octobre. Les Vingt-sept sont divisés, et la visite d’Ursula Von der Leyen dans l’Etat hébreux a contribué à creuser les différends entre les membres de l’UE.

Près de huit mois après la guerre, mardi 28 mai, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège reconnaissent finalement l’État de Palestine. Cette semaine, c’est la Slovénie qui franchit le pas en reconnaissant elle aussi l’Etat de Palestine ce mardi 4 juin. Si certains États européens reconnaissent et soutiennent la Palestine, d’autres pays restent plus frileux et cherchent avant tout à ménager Israël. C’est le cas de l’Allemagne, quatre-vingts ans après la Shoah, l’un des États européens les plus puissants de l’Union. Berlin refuse toujours d’entendre parler d’une telle reconnaissance, au même titre que les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Dans le cas de la France, si Emmanuel Macron a demandé un cessez-le-feu immédiat suite aux bombardements de Rafah, le président français a décrété que ce n’était pas le bon moment de reconnaître l’Etat palestinien.

Le clivage politique est fort à quelques jours des élections européennes et l’Europe se polarise entre pro-palestiniens et pro-israéliens. Sur le continent, le souvenir douloureux de la Shoah crée un certain malaise et pousse de nombreuses personnes à défendre Israël. Dans le même temps, depuis le début de la guerre, une vague d’antisémitisme particulièrement inquiétante a été observée partout sur le continent, en France notamment, pays qui compte la plus importante communauté juive du continent. Heureusement, aucun fait d’agression violent sur des personnes n’est à déplorer à ce jour, mais des propos et des actes antisémites contraignent certaines personnes à cacher tout signe extérieur de judéité.

Ces actions renforcent la division des sociétés européennes avec l’impression de devoir se placer entre un combat contre l’antisémitisme, en étant pro-israélien, et un combat pour la reconnaissance d’un Etat et d’un peuple, en soutenant la Palestine. Récemment, la question a été tranchée : certaines ONG, comme Amnesty International, dénoncent la violation des droits humains dans les deux camps. Depuis février, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, à l’instar du reste des institutions onusiennes, dénonce des « violations grossières » des droits humains de tous les partis en Israël, à Gaza et en Cisjordanie, réclamant que justice soit faite. Néanmoins, on ne peut oublier qu’Israël, étant largement soutenu par des puissances occidentales, dispose de fonds et d’une technologie militaire dépassant son adversaire, ce qui explique partiellement l’effroyable bilan humain, bien plus lourd pour la bande de Gaza.

Après l’orage…

Huit mois après le début de la guerre, c’est Joe Biden, le président américain, qui propose une feuille de route pour préparer l’arrêt des combats. La plupart des pays occidentaux qui semblaient montrer un plus grand soutien à Israël nuancent leur position après l’attaque sur Rafah. De nombreux dirigeants politiques demandent un cessez-le-feu à l’Etat Israélien, montrant leur désapprobation vis-à-vis des dernières actions militaires menées sur le sol palestinien. Le président des Etats-Unis prévoit un retour au calme en trois grandes étapes avec d’abord l’arrêt des combats et la libération des otages. Dans un deuxième temps, il envisage le retrait de l’armée israélienne de Gaza et, enfin, la reconstruction des infrastructures du territoire. Le Premier ministre israélien rappelle cependant l’objectif principal des opérations militaires : stopper les actions terroristes en passant par la destruction totale du Hamas. Cet objectif est toujours en vigueur, ce qui semble largement compromettre la proposition de cessez-le-feu américain. Biden a alors demandé au Premier ministre israélien de ne pas céder aux extrémismes de son gouvernement. Netanyahou se trouve ainsi pris dans un étau avec d’un côté ses ministres d’extrême-droite menaçant de quitter le gouvernement s’il venait à accepter l’accord américain. De l’autre, des milliers d’israéliens manifestent pour réclamer la libération des otages.

L’arrêt total des combats et la fin de la guerre ne semblent pas immédiats, et la réponse européenne, largement insatisfaisante, montre la complexité du conflit. Les intérêts des puissances occidentales semblent freiner une prise d’action concrète dans la guerre, au prix de la vie de milliers de civils.

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