Le Taurillon : Après une campagne assez intense, quel est ton regard sur les dernières semaines écoulées ?
Hervé Moritz : Cette campagne était un moment assez unique pour l’association et ses membres. C’était l’occasion de se retrouver, de réfléchir ensemble à ce que nous voulons construire, à ses forces et aux difficultés que connaît le Mouvement, et de pouvoir y trouver des réponses de manière collective. La campagne que j’ai menée était participative et visait à inclure l’ensemble des membres du Mouvement Européen. Les nombreux échanges entre les membres et les différents candidats ont permis au réseau du Mouvement Européen de réfléchir au rôle de l’association et à la manière de renforcer ses actions et leur impact.
Quels étaient tes constats au sujet du Mouvement Européen au début de la campagne ?
De manière générale, nous avons eu des constats très positifs, notamment sur la force de son réseau : le Mouvement Européen est une association qui crée du lien entre des organisations membres, des personnalités du monde politique, associatif et économique, et des sections locales partout sur le territoire. Cette présence partout en France est d’ailleurs une autre force du Mouvement Européen, qui a la chance de pouvoir s’appuyer sur des sections locales actives partout sur le territoire. Enfin, son histoire et sa visibilité dans l’espace public permettent au Mouvement Européen de bénéficier d’une grande légitimité quand il s’exprime publiquement sur des questions européennes, et dont l’avis est d’ailleurs attendu.
Sur les constats plus “négatifs” que nous avons pu pointer, ils concernent principalement la difficulté pour le Mouvement à développer des actions et des projets structurants, qui ont une capacité à changer les choses sur le terrain, à changer la donne dans la société. Nous avons également remarqué sa baisse d’influence dans les débats sur l’Europe, notamment car sa position et ses messages manquent de clarté pour influencer les débats sur la construction européenne. La question était donc d’une part de déterminer comment améliorer l’animation du réseau pour en faire émerger des initiatives communes, et puis de savoir comment multiplier l’impact du Mouvement avec de nouvelles actions et de nouveaux projets qui mobilisent tous les acteurs du réseau.
Est-ce qu’il manque aujourd’hui un côté militant au Mouvement Européen ?
Le côté militant est présent, mais moins valorisé ces dernières années, peut-être car nous nous sommes davantage concentrés sur le commentaire et l’analyse de l’actualité européenne. L’idée est donc de se demander comment explorer tout le potentiel de notre réseau, et comment renouer avec l’esprit militant qui est au cœur de notre association, et qui fait qu’on adhère au Mouvement Européen. C’est d’ailleurs ce même esprit militant qui fait la différence du Mouvement vis-à-vis d’autres organisations ou associations qui travaillent sur les questions européennes.
Comment souhaites-tu mettre en place cette nouvelle dynamique ?
Je pense que l’un des enjeux majeurs du Mouvement est la mobilisation de ses membres, qui est assez faible malgré leur volontarisme. Il faut donc s’interroger sur la manière de coordonner et d’animer ce réseau autour de projets communs, et en 2024 autour d’une campagne commune pour les élections européennes, que nous allons construire et mettre en œuvre grâce à l’ensemble du réseau. Il nous faut, avec méthode, faire appel aux membres qui ne demandent que cela. C’est à la fois une grande opportunité et un grand défi pour le Mouvement Européen. Ces échanges et ces projets doivent nous permettre de sortir d’un fonctionnement “en silo”, qui a tendance à compartimenter nos sections locales, nos organisations membres et nos personnalités qualifiées. La clé de l’animation du Mouvement, c’est de faire travailler toutes ces catégories de membres ensemble sur des projets et initiatives communs.
Quels projets as-tu concrètement en tête ?
J’ai quelques idées en tête, notamment dans la continuité de la campagne, mais j’essaie de ne pas trop en parler afin de ne pas influencer les avis et initiatives des membres du réseau. L’idée n’est pas de venir avec des projets “tout faits”. Ce que j’aimerais surtout, c’est de pouvoir donner plus de place aux membres du réseau, pour que l’on puisse construire ensemble les priorités de notre association. Ce sera par exemple le cas dans quelques semaines, lorsque nous aurons l’occasion de réunir les instances statutaires du Mouvement, et de définir nos orientations stratégiques.
Il y a un certain nombre de choses sur lesquelles nous allons pouvoir travailler, notamment le développement territorial de l’association. Pour voir les premiers résultats concrets, il faudra évidemment attendre quelques mois, mais j’ai bon espoir qu’en remettant le réseau au travail, nous puissions voir émerger de belles initiatives et de beaux projets, qui auront un impact sur tout le territoire.
Avec quelle équipe nationale souhaites-tu mettre en oeuvre ces projets ?
L’équipe n’est pas encore constituée, et c’est une des particularités du Mouvement : une personne est élue à la Présidence, et cette personne propose ensuite une équipe nationale pour mettre en œuvre son projet. Je vais constituer cette équipe dans les prochaines semaines, et la proposer aux instances du Mouvement vers la fin du mois de janvier.
Un des éléments clés du Mouvement Européen sont les sections locales : Comment s’assurer qu’elles pourront pleinement participer au niveau national ?
Les sections locales ont toute leur place au sein du Mouvement Européen, et il y a un certain nombre de dispositions à améliorer au sein de nos instances pour leur donner davantage de place. Il y a également la question de l’animation, de savoir comment les mobiliser davantage sur les projets nationaux : au lieu d’imaginer ces projets tous seuls au niveau national, il faut qu’ils émanent “de la base”. Concrètement, ils doivent émerger du travail des représentants des associations membres, des sections locales et des personnalités qualifiées, et être ensuite développés au niveau national.
Enfin se pose la question de la création d’un tissu territorial plus dense : il est certes très important, avec une cinquantaine de sections locales, mais certaines sections sont inactives ou connaissent des difficultés, dont la baisse d’adhérents par exemple. Nous devons développer la solidarité entre les sections et leur coopération au niveau régional, mais également développer notre présence dans les territoires où nous ne sommes pas encore. Nous sommes présents dans une cinquantaine de départements, cela signifie que nous sommes encore absents dans l’autre cinquantaine de départements français, qui ont besoin de l’action du Mouvement Européen pour avoir un relais de l’Europe au sein de leurs territoires.
Comment envisages-tu les futures collaborations avec les Jeunes Européens - France ?
Les Jeunes Européens font pleinement partie de notre réseau, et ont une place un peu particulière, puisque c’est à la fois une association membre du réseau et que les adhérents des Jeunes Européens sont également directement membres du Mouvement Européen. Je compte sur les Jeunes Européens pour être pleinement engagés dans la vie du réseau, pour nous aider à lui redonner vigueur et dynamisme et pour y partager un certain nombre de bonnes pratiques et d’y faire émerger des initiatives nouvelles réunissant plusieurs membres du réseau sur ces projets. Je vois d’ailleurs le Mouvement Européen comme une caisse de résonance d’initiatives imaginées par ses membres : le Mouvement Européen permet de coordonner les actions avec plusieurs acteurs du réseau, d’amplifier leurs moyens et de démultiplier leur impact.
Quel sera le rôle du Mouvement Européen pour les élections européennes de 2024 ?
La responsabilité du Mouvement Européen est de pouvoir coaliser les acteurs engagés pour l’Europe en France : c’est d’ailleurs la manière dont le rôle du Mouvement avait été imaginé lors de sa création. Sa vocation, c’est de rassembler les acteurs de la société civile européenne. Notre mission pour les élections européennes de 2024 est donc de réunir ces acteurs, et de proposer une campagne commune, que nous allons définir ensemble dans les prochains mois.
Je serai particulièrement attentif à trois aspects dans cette campagne. Le premier est la mobilisation des citoyens pour participer à ces élections et les encourager à aller voter, afin de légitimer la place des institutions européennes et de renforcer la position du Parlement européen. Ensuite, ce sont des élections européennes qui succèdent à la Conférence sur l’avenir de l’Europe, à laquelle de nombreux citoyens et de nombreuses organisations de la société civile ont pris part. Il me semble important que le Mouvement Européen rappelle les propositions qui ont émané de cette Conférence, et qu’il encourage les partis politiques et les candidats à s’engager à mettre en oeuvre ces propositions. Enfin, le Mouvement Européen doit pouvoir faire campagne sur quelques propositions systémiques élaborées et choisies en amont par tous les membres et qui permettent d’améliorer le fonctionnement de l’Union européenne.
Nous vivons dans une Union européenne qui cristallise beaucoup d’attentes et de défis, et qui a parfois des difficultés à être à la hauteur de ce qu’attendent les citoyens. C’est aussi au Mouvement Européen de pointer les améliorations à faire, pour se diriger vers une démocratie européenne qui fonctionne mieux et qui réponde mieux aux attentes des citoyens.
Suivre les commentaires : |