« Démo..., quoi ? »
« La faute aux Grecs » disent en chœur le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et celui de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. Alexis Tsipras, Premier ministre de la Grèce leur répond lui par un référendum, prévu le 5 juillet prochain.
Réponse du berger à la bergère : « Aucune démocratie n’est supérieure à une autre », dit Jean-Claude Juncker. On ne saurait lui donner tort, la démocratie grecque n’est pas supérieure aux autres démocraties européennes. Mais elle n’y est pas inférieure non plus.
La démocratie européenne est quant à elle totalement absente puisque le Parlement européen est largement tenu à l’écart de la situation. Qui voit-on en effet dans les médias ? Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe et ministre des finances des Pays-Bas, Jeroen Dijsselbloem, la directrice du FMI, Christine Lagarde et parfois, le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. Mais nulle trace du Parlement européen malgré le volontarisme de son président Martin Schulz. La démocratie européenne passe, elle, aux oubliettes.
A qui la faute ?
Depuis le début de la crise grecque, on tente de faire passer la Grèce pour le mauvais élève de la classe. Les Grecs le rendent bien en déclarant que la faute est à chercher du côté des créanciers qui ont prêté des sommes considérables sans être très regardant sur la capacité de remboursement de la Grèce.
Sans pour autant revenir sur tout le dossier grec [1], il faut reconnaître que les Grecs ont plutôt raison. En effet, si les États européens ont prêté des milliards d’euros à la Grèce, ces mêmes milliards d’euros n’ont fait que transiter sur les comptes de l’Etat grec pour revenir directement dans les coffres des banques européennes, plus précisément dans ceux de la BNP (1ère banque européenne) et ceux de la Deutsche Bank [2]. Autrement dit, le sauvetage de la Grèce a surtout évité aux grandes banques européennes de couler. Il faut en effet se souvenir que la BNP était très exposée en Grèce puisqu’elle y avait une filiale jusque récemment. En contrepartie de l’aide de ses partenaires européens, la Grèce a mis en place de drastiques mesures d’austérité qui, loin d’avoir assaini la situation, l’ont au contraire aggravé. Ce constat n’est pas le fruit des rêveries d’une bande d’obscurs anarchistes grecs mais ceux du FMI et de l’OCDE (organisation de coopération et de développement économique). Dominique Strauss-Kahn [3] est d’ailleurs récemment intervenu pour reconnaître des erreurs qu’il avait pu commettre lorsqu’il était encore à la tête du FMI et s’alarmer des décisions prises par la nouvelle direction du fonds.
Le vrai problème grec
Le vrai problème n’est donc pas de savoir si les mesures prises par les Européens ont été les bonnes ou pas, puisque si la catastrophe a été évitée depuis 2008, la zone euro en est sortie renforcée par un surcroît d’intégration. Mais, rien n’est réglé puisque le problème est toujours présent. Si on écoute les déclarations du côté de l’Eurogroupe, de la Commission européenne et des gouvernements de la zone euro, il ne fait aucun doute : « La Grèce doit payer et elle paiera ! ».
Or, pas un observateur sérieux de la situation ne tient ce raisonnement. La Grèce ne peut pas payer et ne paiera pas, car cela est tout bonnement impossible. Il faudrait demander aux Grecs de dégager un excédent primaire de près 4,5% pendant 150 ans pour que la totalité de la dette soit épongé. Et cela, alors que 25 % des Grecs sont privés d’assurance maladie, qu’un petit Grec sur trois arrive le ventre vide à l’école le matin et que l’économie est à l’arrêt. Pour faire simple, on demande à la Grèce de courir un marathon à la même allure qu’un 100m. Il ne faut pas avoir fait des années d’étude pour reconnaître que la chose est impossible. Les Européens devront donc s’assoir sur la dette grecque. La question grecque n’est pas économique, elle est idéologique.
L’austérité vaincra !
L’Europe est donc prise en otage par les faucons de l’austérité qui veulent faire rendre gorge aux Grecs. Toute rationalité a disparu. Il ne s’agit plus de savoir qui a raison ou tort, il s’agit de faire prévaloir la rigueur budgétaire sur toute autre considération. Et ce, quand bien même l’histoire démontre que les assainissements budgétaires passés ont tous ou presque été mené par l’inflation ou l’effacement de la dette en question. Il ne faut pas d’ailleurs remonter très loin dans le temps et l’espace pour le voir, puisque l’Allemagne en a elle-même bénéficier en 1953. Quelques années plus tôt, ces deux visions se sont aussi affrontées dans deux pays voisins après la Première guerre mondiale : la France et le Royaume-Uni. Du côté français, dévaluation et inflation. Du côté britannique, réévaluation, austérité et hausse des taux d’intérêt. Le résultat a été simple : la France s’est remis plus vite et plus rapidement de la guerre alors que le Royaume-Uni se saignait sans que la situation ne s’améliore.
Malgré cela, les faucons de l’austérité menés par les ministres allemand et néerlandais des finances s’arcboutent sur leurs positions. Pas question de céder un centimètre aux Grecs et surtout pas à ces gauchistes de Syriza. Peu importe que l’actuel gouvernement grec récolte bien plus d’impôts que leurs prédécesseurs. Peu importe que les Grecs aient enfin confiance dans leur gouvernement et peu importe les concessions proposées, il faut faire rendre gorge aux Grecs. Éviter que la contagion ne gagne d’autres pays comme l’Espagne avec Podemos, le Portugal, l’Irlande et plus généralement éviter que les Européens ne demandent des comptes à leurs dirigeants pour les avoir envoyer dans le mur.
Une sortie de la Grèce de la zone euro est parfaitement gérable disent les faucons de l’austérité. Pas vraiment répondent les investisseurs. Il suffit pour cela de voir l’évolution du taux de change entre l’euro et le yen, la monnaie japonaise [4].
1. Le 2 juillet 2015 à 16:13, par Thomas En réponse à : Il faut « faire payer les Grecs » !
Si à un moment quelconque des négociations, un membre du gouvernement grec a dit ouvertement, ou même laissé entendre par ses propos ou ses agissements, que la démocratie grecque était supérieure aux autres, j’aimerais bien qu’on me le signale. Par contre, cet avis ne semble pas partagé par l’ensemble des « partenaires » de la Grèce et des institutions, dont le seul objectif semble visiblement de mettre à genoux le gouvernement grec et de le contraindre à tirer un trait sur les engagements pour lesquels le peuple grec lui a donné mandat. Quand à Juncker, l’égalité des démocraties d’accord, mais uniquement lorsque les choix démocratiques ne viennent pas contrarier le dogmatisme européen des traités.
2. Le 5 juillet 2015 à 22:13, par Letaulier En réponse à : Il faut « faire payer les Grecs » !
Tu confonds pas BNP et Crédit agricole ?
3. Le 9 juillet 2015 à 11:27, par Bernard Giroud En réponse à : Il faut « faire payer les Grecs » !
Un bon système commercial n’est pas loin de bonnes règles de bases et du bon sens.
1/ Éjecter un partenaire de l’ensemble, c’est diminuer la surface de vente, diminuer le nombre d’acheteurs potentiels ; Cela revient à dire que c’est, pour le futur, augmenter le prix du produit fini par l’augmentation du même pourcentage d’amortissement de ce produit.
2/ Le bon sens est donc de comprendre, qu’un vendeur peut et doit veiller à la solvabilité de l’acheteur ;
Pour cela le principe du bénéfice partagé, qui comme son nom l’indique est le bénéfice de chacun, permet de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Ainsi comptabiliser les parts d’amortissement imputables à chaque partie permet de mettre en réserve (sur le prix de vente) pour réinvestissement productif ces parts qui préserveraient l’avenir.
On ferait bien dans notre Europe en construction de réapprendre l’adage :
"J’ai permis à tes vaches de brouter dans mon pré
Notre intérêt commun c’est le faire repousser."
C’est un peu moins rustre et primaire qu’un précipice ou une porte close.
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