Josef Bican, de l’Autriche-Hongrie à la Tchécoslovaquie, récit d’une légende du football

, by Jérôme Flury

Josef Bican, de l'Autriche-Hongrie à la Tchécoslovaquie, récit d'une légende du football
Josef Bican Source: archiv.ihned.cz

Son nom est revenu soudainement à la Une des médias en ce mois de mars 2022, 21 ans après sa mort : Josef Bican a été surpassé par le joueur portugais Cristiano Ronaldo à la tête de la liste des meilleurs buteurs de l’histoire du football mondial. L’occasion de rappeler la vie de cet homme méconnu.

Un coup d’œil à sa biographie nous fait plonger dans une Europe d’un autre siècle. Josef Bican est né le 25 septembre 1913 à Vienne, capitale de ce qui s’appelle alors l’Autriche-Hongrie, en pleine Première Guerre mondiale. Et plus d’un siècle après sa naissance, cet homme était toujours numéro un au classement des joueurs de football ayant marqué le plus de buts en matchs officiels. Si Pelé, Maradona ou encore Cruyff sont très célèbres, il n’en va pas de même avec Josef Bican, au parcours surprenant. L’homme est même peu connu aujourd’hui, même si son nom est revenu sur le devant de la scène en mars 2022 alors que le portugais Cristiano Ronaldo aurait battu son fameux record.

Les débuts de Josef ont été très modestes. Ludmila, la mère, travaillait dans les cuisines d’un restaurant tandis que son père, František, était footballeur au Hertha Vienne. Tragiquement, l’homme est mort à 30 ans, des suites d’une blessure… contractée lors d’un match, alors qu’il était revenu indemne des champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Josef perd son père alors qu’il n’est âgé que de 8 ans. Le garçon décide de pratiquer lui aussi le football, jouant souvent sans chaussures, se créant une balle avec des restes de tissu.

Demi-finaliste de Coupe du monde avec l’Autriche

Très vite, sa ténacité et ses qualités athlétiques vont le faire exploser. Josef Bican est habile des deux pieds, il a une très bonne vision du jeu, et d’après les informations qui sont restées de cette époque, il pouvait courir 100 m en 10,8 secondes… Un temps exceptionnel. Vers 15-16 ans, il commence déjà à empiler les buts pour ses premières équipes et est repéré par le plus grand club d’Autriche, le Rapid Vienne, qu’il rejoint à ses 18 ans.

La montée en puissance se poursuit. Alors que le club souhaitait poursuivre sa formation, les dirigeants doivent se rendre à l’évidence, le jeune homme est déjà prêt. Il devient titulaire et marque 40 buts en 36 matchs lors de ses deux premières saisons. Vice-champion d’Autriche en 1933 et 1934, il gagne le titre en 1935, terminant également meilleur buteur avec 29 réalisations en 22 parties seulement. Il est si bon qu’il est alors sélectionné dans l’équipe nationale d’Autriche. Et attention, à l’époque il s’agit d’une des toutes meilleures équipes du monde, surnommée la “Wunderteam”. L’attaquant prend part à la Coupe du monde 1934. L’Autriche est l’une des favorites mais doit passer par la prolongation pour écarter la France en huitièmes de finale. Josef Bican inscrit le but du 3-1, l’équipe s’imposant finalement 3-2 mais étant battue par le pays hôte italien en demi-finale puis par l’Allemagne en petite finale. L’arbitre suédois de la demi-finale Italie-Autriche (qui a aussi arbitré la finale) aurait été invité à dîner par Mussolini…

Une nouvelle vie en Tchécoslovaquie

Trois ans plus tard, Josef Bican décide de signer au Slavia Prague et de s’installer dans la capitale tchèque, pays de ses origines. Un choix pour raisons sportives mais pas seulement : le risque de « l’Anschluss », l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne nazie, est très grand. Au Slavia, le buteur démontre toutes ses qualités de jeu et n’arrête plus de marquer. Avec cette équipe, Bican a disputé 274 matches et a inscrit… 534 buts ! Soit un ratio dingue de 1,95 réalisations par match. Il termine meilleur buteur européen cinq fois d’affilée, avec entre autres 50 buts en 1940 et 57 buts en 1944.

Josef Bican décide également, comme cela était possible à l’époque, de changer de sélection nationale et de jouer avec la Tchécoslovaquie. Il revêt même le maillot d’une autre équipe, qui n’a existé qu’un temps : la sélection de Bohême-Moravie, entité politique instaurée par le Troisième Reich allemand en 1939. Josef Bican dispute son premier match avec cette équipe le 12 novembre de cette année… marquant un triplé face à l’Allemagne et permettant à son équipe de tenir un nul 4-4 !

Peu importe son maillot, sa sélection nationale, Josef Bican continuait à faire ce qu’il savait faire de mieux : marquer. « Bican a eu l’immense malchance qu’au sommet de sa carrière, il n’y a pas eu de Coupe du Monde, en 1942 et en 1946, à cause de la guerre. Si celle de 1942, par exemple, avait eu lieu, il serait sûrement devenu bien plus populaire. Peut-être qu’il aurait pu devenir aussi célèbre que Pelé», estimait Radovan Jelinek, historien du sport.

Des pensées politiques marquées

En tout cas, celui qu’on surnomme “Pepi”, a eu une longue carrière, n’arrêtant de jouer qu’à 44 ans, en 1957 ! Son nombre de buts marqués varie selon les sources et les matchs comptabilisés. La Fifa retient le nombre de 805 buts en 530 rencontres officielles. Ce qui fait tout de même plus de 1,50 buts par match…

La Juventus de Turin exprime un intérêt pour lui après le second conflit mondial mais Josef Bican pense que les communistes s’apprêtent à prendre le pouvoir et ne partage pas ces opinions politiques. Seulement, la Tchécoslovaquie bascule dans le bloc de l’Est et dans un régime communiste après le coup de Prague du 17 au 25 février 1948. Les nouveaux dirigeants du pays tentent d’abord de l’approcher pour qu’il soit aussi une icône du parti mais Josef Bican refuse. Le joueur est alors peu à peu écarté, associé à un régime politique révolu, et est qualifié de « bourgeois viennois ». Il faut reconnaître que, bien loin de son enfance, son style de vie est devenu plus luxueux, avec des dîners en compagnie d’acteurs. Il quitte Prague un moment pour rejoindre un club de football dirigé par des employés de l’acier mais revient ensuite dans la capitale tchèque. Après avoir mis fin à sa carrière sportive, Bican est devenu entraîneur et a œuvré dans différents clubs en Tchécoslovaquie où il a vécu jusqu’à la fin de sa vie. Après la révolution de velours de 1989 et le départ des communistes du pouvoir, de plus en plus de reconnaissance a été accordée au buteur mythique. L’International Federation of Football Historians and Statisticians (IFFHS) lui a remis un ballon d’or spécial afin de reconnaître son statut de meilleur buteur du XXe siècle. Josef Bican est mort à Prague en 2001 et 21 ans plus tard, son nom est donc revenu dans les médias alors que le portugais Cristiano Ronaldo a atteint les 807 buts en matchs officiels et définitivement relégué Bican dans les livres d’Histoires. Il est important de rappeler quelle fut celle de ce sportif si spécial, entre Autriche et Tchécoslovaquie.

Sources : https://www.histoiredesport.fr/post/josef-bican-de-la-gloire-%C3%A0-l-oubli https://www.fifa.com/fr/news/bican-attaquant-qui-marque-a-vie https://www.football-the-story.com/blog/josef-bican https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2019-10-15/loin-devant-cristiano-ronaldo-qui-est-josef-bican-le-meilleur-buteur-de-lhistoire-du-foot-139517c2-fbd5-4630-b0c1-121ab8b11c95 http://www.goaldentimes.org/josef-pepi-bican-the-lonely-man-at-the-top/ https://gameofthepeople.com/2022/03/16/a-central-european-odyssey-the-life-of-josef-bican-2/

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