L’élargissement européen au défi du séparatisme

, par Classe internationale, Elliot Reffait

L'élargissement européen au défi du séparatisme
Soldat géorgien surveillant la frontière administrative de la province d’Ossétie du Sud. © US mission to the OSCE

L’élargissement de l’Union européenne, qui semblait mis en pause depuis l’adhésion de la Croatie en 2013, a été réactivé par la guerre en Ukraine. Si des nouveaux États souhaitent intégrer l’Union, la question des séparatismes locaux pose des questions.

En 2023, l’Union européenne a mis à jour sa liste des États candidats reconnus officiellement. Ainsi, la Turquie, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Serbie, la Moldavie, l’Albanie, l’Ukraine, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie sont entrés dans la dernière phase de la procédure d’admission au sein de l’Union. Mais parmi ces États, de nombreux connaissent des conflits territoriaux avec des régions séparatistes comme l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie. La question de leur intégration est difficile puisque pour intégrer l’Union européenne, il faut ne pas être en conflit avec ces voisins et avoir réglé tous les différends territoriaux. Mais, l’adhésion de Chypre a créé une exception à cette doctrine, ce qui laisse aujourd’hui la porte ouverte à de nouvelles adhésions de ce type. C’est ce qu’explore Eliot Reffait dans son article L’élargissement de l’Union européenne aux prises avec les questions de territorialité du droit européen : séparatisme et réunification en Europe orientale, également disponible sur le site de Classe Internationale.

Le précédent chypriote

Les querelles entre les Chypriotes helléniques favorables à un rattachement à la Grèce et les Chypriotes turcs favorables à un ralliement à la Turquie aboutissent à l’intervention en 1974 de cette dernière. Depuis, Chypre est divisée en deux camps. Le régime au nord, soutenu par la Turquie, n’est reconnu officiellement que par un nombre d’États très limité. La partie sud, quant à elle, est reconnue internationalement comme la République de Chypre. C’est cette partie de Chypre qui a pu rejoindre l’UE en 2004 en tant que gouvernement légitime de l’île.

L’adhésion de Chypre ne s’est pas faite sans questions. Son intégration a ainsi provoqué une non-application du droit des traités européens sur l’intégralité du territoire chypriote. Cette adhésion était motivée par un espoir de réunification prochaine et l’idée que cette partition ne serait que temporaire. Si rien n’interdit de penser qu’une réunification puisse avoir lieu dans les temps à venir, rien n’a encore bougé. Toutefois, face à ce défi, la justice a permis de régler certains conflits entre les deux entités chypriotes afin de créer une forme de normalisation.

Le conflit ukrainien

Depuis 2014 avec l’annexion de la Crimée et le début de la guerre civile dans le Donbass, le conflit entre l’Ukraine et la Russie a aussi soulevé de nombreuses questions, notamment par des demandes d’accélérations de la procédure d’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne. Or contrairement aux décisions juridiques qui avaient pu permettre de résoudre le problème des déplacés chypriotes, les territoires touchés sont si importants et les déplacés si nombreux, notamment depuis le début du conflit ouvert en 2022, qu’il paraît impossible d’appliquer les mêmes solutions. Enfin, contrairement à Chypre, la question de la guerre marque aussi une nouvelle situation d’intégration. Si l’Ukraine actuelle venait à intégrer l’Union européenne, elle serait le premier État en guerre au sein de l’Union.

La Géorgie, un conflit gelé

Pour la Géorgie, depuis 2008 de façon définitive, les régions d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie échappent au contrôle de Tbilissi. Cette situation résulte de l’intervention russe, qui n’a pas incorporé ces régions au sein de la Fédération de Russie mais qui exerce un contrôle effectif sur ces territoires, selon un jugement de la Cour européenne des droits de l’Homme. Actuellement, un processus de frontiérisation a lieu entre ces régions séparatistes et la Géorgie, ce qui pose la question de la gestion de ces territoires si l’Union européenne venait à inclure la Géorgie.

La Moldavie, la question roumaine et transnistrienne

La Moldavie est majoritairement peuplée de populations roumanophones, hormis dans l’est, dans la région de la Transnistrie où la population est majoritairement russophone. Dans les années 1990, cette dernière fait sécession. Elle n’est reconnue officiellement par aucun État. S’il semblait y avoir un statu quo entre la Moldavie et les sécessionnistes, la guerre en Ukraine a ravivé les inquiétudes de la Moldavie. En effet, la 14e armée russe est non seulement présente en Transnistrie mais Moscou a aussi mené des ingérences dans le territoire moldave, ce qui a rouvert les tensions entre les deux partis dans le conflit.

Enfin, une autre question se pose pour la Moldavie puisque certains sont favorables à un rattachement à la Roumanie. Cette proposition connaît un certain consensus chez les Moldaves et les Roumains mais elle soulève aussi des questions. Tout d’abord, que faire de la région séparatiste dans le cadre du processus d’annexion ? De même, comment gérer une extension automatique de l’entité moldave à l’Union européenne et à l’OTAN ? Le précédent allemand de la réunification donne quelques idées avec des processus automatiques et sans vote des institutions.

Ainsi, la résurgence de la question de l’élargissement de l’Union européenne se heurte aujourd’hui à des États qui sont aujourd’hui dans des conflits plus ou moins ouverts alors que les traités ne prévoient pas l’adhésion de nouveaux membres qui seraient en guerre. Les juridictions internationales peuvent jouer un rôle important pour faciliter la fin des conflits et faire en sorte que les nouvelles intégrations se déroulent au mieux.

Classe Internationale à partir de L’élargissement de l’Union européenne aux prises avec les questions de territorialité du droit européen : séparatisme et réunification en Europe orientale, de Elliot Reffait sur le site Classe Internationale (https://classe-internationale.com/)

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