Le lundi 30 mars sera marqué dans l’histoire comme un jour tragique pour la démocratie hongroise. Tandis que l’Europe affronte la terrible pandémie du COVID-19, le vote d’une loi donnant le pouvoir au Gouvernement hongrois de légiférer par décret, sans date de retour du Parlement, est extrêmement préoccupant.
Il appartient aux États membres, aux partis politiques de tous bords et à l’Union européenne dans son ensemble de réagir fermement afin de rétablir les conditions de l’État de droit en Hongrie, mais également en Pologne.
Il est temps pour nous de prendre la parole alors que les valeurs fondamentales de démocratie et d’État de droit que nous portons et pour lesquelles nous nous engageons, sont mises en danger par la politique de certains partis politiques.
Nous exigeons que le Parti Populaire Européen (PPE) clarifie sa position vis-à-vis du parti du Fidesz. Les citoyens européens ne sauraient tolérer que le premier parti du Parlement européen, qui par ailleurs a joué un rôle central dans l’histoire de l’intégration européenne, avalise par son silence l’action du gouvernement Orbán. Nous appelons dans ce sens les membres du PPE à faire la démonstration de leur attachement à la démocratie en se ralliant à l’appel lancé par le président Tusk. Si le PPE, dans son ensemble, statue en faveur du maintien du Fidesz parmi ses membres, nous appellerons les citoyens européens à prendre acte, dans les urnes et par le biais de l’initiative citoyenne, de la responsabilité de la famille démocrate-chrétienne dans l’effritement des valeurs qui nous rassemblent : la démocratie, le respect des minorités, la liberté.
Ne prenons pas cela pour un simple problème hongrois : nos démocraties sont interconnectées et elles sont sous pression, remettant en question la valeur constitutionnelle de l’ordre juridique en Europe, qui s’effondre lentement mais sûrement sous nos yeux du fait d’agissements de gouvernements autoritaires. Ces gouvernements exploitent une fois de plus les circonstances dramatiques de notre époque. La jeunesse européenne restera vigilante. Même en temps de pandémie mondiale, notre boussole ne vacille pas et nous place du côté des démocrates de Hongrie et de Pologne.
La réaction de la Présidente de la Commission, Madame Von der Leyen, a été décevante. Nous attendons une réponse plus claire. De même, la déclaration d’un certain nombre de pays européens est bienvenue mais insuffisante. Celle-ci appelle à ce que les mesures d’urgence dans le cadre de la pandémie soient proportionnées et temporaires, sans jamais citer la Hongrie ou d’autres pays qui ne respectent pas ces principes.
Au vu de la situation urgente, les Jeunes Européens appellent :
- les États membres à faire pression au Conseil européen pour que chaque État respecte l’État de droit et les principes démocratiques qui fondent notre Union européenne
- à mettre fin à la logique de l’unanimité dans l’utilisation de l’article 7, alors que les gouvernements hongrois et polonais se sont déjà assurés, l’un envers l’autre, de la bloquer
- les partis politiques des différents pays à prendre clairement position contre ces violations manifestes de l’État de droit
- à l’utilisation, par la Commission européenne, de tous les outils de procédures d’infraction disponibles
- à réviser d’urgence la conditionnalité dans le projet budget pluriannuel de l’UE en cas de défaillance de l’État de droit, afin d’éviter que ce processus ne devienne, lui aussi, un obstacle politique impossible à franchir
Citoyens européens de Hongrie et d’ailleurs, ne vous laissez pas faire ! La démocratie et l’État de droit sont des biens précieux et il en va de notre responsabilité collective de tout faire pour les préserver !
Exigeons des institutions européennes des outils coercitifs de contrôle du respect de la démocratie et de l’État de droit. La situation prouve que nous en avons cruellement besoin.
Que s’est-il passé cette semaine ?
En Hongrie, le gouvernement d’Orbán pourra gouverner seul par décret, le Parlement étant suspendu sans aucune contrainte temporelle. En outre, la même loi d’habilitation nouvellement adoptée permet d’emprisonner jusqu’à cinq ans toute personne qui publiera des informations considérées comme « fausses » par les autorités, ce qui risque de pénaliser les journalistes indépendants, comme l’a par exemple critiqué le représentant de l’OSCE pour la liberté des médias, Harlem Désir.
En Pologne, le président Duda refuse de reporter les élections présidentielles (10.05.2020), tandis que l’opposition ne peut pas mettre en place une campagne électorale avec la pandémie en cours. Compte tenu de la diffusion du coronavirus, le président Duda est constamment présent dans les médias et, dans l’urgence sanitaire, la participation démocratique aux élections ne peut être assurée.
Contexte général
Après que Viktor Orbán et son parti Fidesz aient obtenu une majorité absolue au Parlement hongrois en 2010, ceux-ci ont fait passer une série de changements constitutionnels et juridiques pour prendre le contrôle des institutions du pays et renforcer la position du parti face à l’opposition. Le Fidesz a également mis en œuvre une loi restrictive sur les médias au début des années 2010 et a adopté une loi sur le financement étranger de la société civile en 2017, affaiblissant la liberté d’expression et la société civile et limitant la liberté académique. Cette année-là, la Commission européenne a saisi la Cour de justice de l’UE sur la validité des lois hongroises de 2017, sur l’enseignement supérieur et sur les ONG financées par l’étranger. En 2018, la CE a de nouveau saisi la Cour, au sujet de la loi de 2017 sur l’asile.
En outre, le gouvernement d’Orbán a adopté en 2018 les lois dites « Stop Soros » visant à criminaliser les ONG qui aident les migrants et les réfugiés. En septembre de la même année, le Parlement européen a déclenché l’article 7, paragraphe 1, du TUE, lançant la procédure pour demander au Conseil européen de déterminer s’il y avait un risque de violation grave des valeurs fondatrices de l’UE.
En 2019, Freedom House a classé le pays pour la première fois dans la catégorie « partiellement libre », après cinq années consécutives de déclin et 13 années sans amélioration.
En décembre 2019, le gouvernement hongrois a adopté une nouvelle loi visant à accroître le contrôle sur les théâtres du pays, réduisant encore l’espace civique, ainsi qu’une autre, menaçant l’indépendance de la justice.
Qu’est-ce qu’on appelle l’Article 7 ?
La procédure de l’article 7 du TUE permet aux institutions de l’UE de signaler un risque clair de violation grave (article 7, paragraphe 1, du TUE) et l’existence d’une violation grave et persistante des valeurs de l’UE (article 7, paragraphe 2, du TUE). Dans ce dernier cas, le Conseil, c’est-à-dire les États membres de l’UE, peut décider de suspendre certains droits de l’État membre, par exemple le droit de vote au Conseil.
Le processus de traitement de la situation en Pologne au titre de l’article 7, paragraphe 2, du TUE est le suivant : le Conseil peut décider de suspendre certains droits de l’État membre, par exemple le droit de vote au Conseil. Le processus visant à traiter la situation en Hongrie au titre de l’article 7(1) a été déclenché en décembre 2017. Ce même alinéa a été déclenché pour la Pologne, en septembre 2018. À ce jour, les deux processus sont toujours bloqués au Conseil européen.
Retrouvez le communiqué de presse des Jeunes Européens - Fédéralistes ici (en anglais)
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