Un panel pro-européen face une salle largement convaincue de l’utilité du projet européen, si l’on s’en tient à la teneur des questions qui furent posées à la fin, je me demande si nous ne persévérons pas à nous enfermer dans une bulle « euro-phorique » ou « euro-béate ». Il est vrai qu’il est très agréable d’entendre un débat remettant l’Union au cœur des préoccupations et des enjeux politiques de notre temps, alors qu’elle est très souvent accusée de tous les maux et prise comme bouc émissaire pour un grand nombre de responsables politiques. Néanmoins, même si cela est réconfortant, il semble que nous ne soyons qu’une minorité à partager ce sentiment et que nous devrions plutôt mettre tout en œuvre pour garantir plus de visibilité à l’UE et à ce qu’elle fait de bien.
À force d’essayer, on se décourage et on accepte de rester dans sa bulle, bien au chaud, bien protégé, à rêver d’une « Union toujours plus étroite » qui fonctionne mieux et qui est aimée de ses citoyens. Utopique me direz-vous ? Il semble que ce soit en effet naïf et utopique de rêver cette Europe, mais pourquoi ne pas tenter quand même de redresser la barre et de proposer aux Européens un nouveau projet, car après tout notre passeport est estampillé Union Européenne. Un projet innovant et ambitieux pour redonner espoir en cette Union fissurée et fracturée de part en part. Entre la montée des mouvements populistes et nationalistes et leurs succès électoraux, on ne cesse d’entendre depuis des mois qu’il y a de quoi s’inquiéter, et c’est vrai. Le risque est présent avec Marine le Pen (Front National) en tête des sondages pour la présidentielle 2017. Mais à quoi bon répéter cela encore et encore si ce n’est pour proposer un changement profond, un réel renouveau de l’idéal européen. Agir plutôt que dénoncer.
La majorité des candidats « modérés », appelons-les ainsi, sont pro-européens mais leurs programmes restent flous quant à ce qu’ils proposent pour l’Union. En ce sens, je rejoins l’analyse faite par Antoine Vauchez lors de cette conférence selon laquelle l’Union est bien présente pour répondre aux crises actuelles car nous utilisons des mécanismes européens (Frontex, le système d’information Schengen, etc.), mais l’Union n’est pas traitée en tant qu’objet politique mais plutôt comme un instrument. Or, aucun candidat ne fait apparaître dans son programme une véritable méthode européenne, c’est-à-dire une méthode de gouvernance européenne, une façon de conduire la prise de décision à l’échelle de l’Union. Comment ferez-vous de la politique européenne ? Comment avez-vous prévu de réorienter le projet européen et comment comptez-vous faire pour y arriver ? Comment repensez-vous la dynamique du tandem franco-allemand ? Voici quelques questions que je souhaiterais poser aux candidats français à l’élection présidentielle.
En effet, n’oublions pas que les chefs d’État et de gouvernement ont une responsabilité européenne. Il serait naïf de croire que l’élection présidentielle française n’a qu’une dimension exclusivement nationale. En effet, notre future président(e), une fois élu(e), siégera au Conseil Européen qui se réunit au moins une fois par semestre et est en charge de fixer les grandes orientations et objectifs de l’Union. Les ministres et secrétaires d’État du futur gouvernement sont directement impliqués dans la prise de décision européenne car ils siègent au Conseil de l’UE, organe en charge d’adopter les actes législatifs européens avec le Parlement européen.
Le constat dressé par les intervenants, et que je partage, est que l’Union s’est construite autour de principes et de mécanismes économiques (le Marché unique, l’Euro) qui montrent aujourd’hui leurs limites et leurs faiblesses. En laissant à l’arrière-plan le projet politique les élites européennes contribuent au désamour des citoyens envers leur Europe. Or, à en croire l’histoire, l’UE a su se renouveler par les crises qu’elle a traversées et surmontées. Alors pourquoi un tel immobilisme aujourd’hui ? Nous sommes légitimement en droit de nous demander à quand un renouveau du projet politique européen.
C’est pour cette raison que je fus surprise de ne pas entendre prononcé une seule fois pendant cette conférence le mot « constitution », alors que les différents invités ont successivement évoqués la question d’un président de l’Union, voire d’une fédération européenne. Or, impossible de comprendre ces deux concepts si ce n’est dans le cadre d’une réelle constitution européenne chargée d’organiser et de répartir les pouvoirs et les compétences entre le gouvernement fédéral et les États fédérés.
Heureusement pour nous, les Jeunes Européens – France convoquent du 9 au 12 mars prochain une Convention Européenne de la Jeunesse. Composée de 150 jeunes venus de toute l’Europe, cette assemblée aura la lourde, mais si excitante tâche, d’écrire une constitution citoyenne pour l’Europe. Nous y sommes : à choisir entre agir et dénoncer, je choisi d’agir.
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