Histoire et héritage des Pays-Bas espagnols
Ce tour d’Europe des festivités s’ouvre avec Lille, capitale des Flandres, où l’on ne manque jamais de célébrations et qui accueille cette année l’Université des Jeunes européens. Au détour d’une balade sur le boulevard de la Liberté en une belle journée de printemps, vous aurez peut-être la chance de tomber sur l’une des nombreuses parades qui animent la ville tout au long de l’année. Ne prenez pas peur à la vue des gigantesques mannequins humains et animaux faits d’osier, de bois ou de métal. Restez admirer ce somptueux défilé des “Géants”, patrimoine immatériel de l’humanité auprès de l’Unesco. Ancrés dans la culture folklorique du Nord de la France et de la Belgique, ces Goliath peuvent atteindre 10 mètres de haut et peser jusqu’à 300 kilogrammes. Ils ont été introduits par l’Espagne, qui a régné entre le XVe au XVIIIe siècles sur les Pays-Bas espagnols (le nord de la France, la Belgique et les Pays-Bas actuels). D’abord présents dans les processions religieuses, les Géants, représentaient des êtres réels et fictifs issus de la bible et des chansons relatant les exploits guerriers. Trop païens pour l’Église, trop religieux pour les dirigeants européens, symboles d’intolérance pour les révolutionnaires français, les Géants ont su s’adapter et s’imposer partout en Europe. Emblèmes d’histoire, de savoir-faire artisanaux et d’identité locale, vous pourrez les admirer, lors de carnavals et autres défilés, en Europe du Nord mais aussi au Sud, à l’Ouest et l’Est.
Continuons notre voyage un peu plus au Nord et arrêtons-nous aux Pays-Bas. Tout comme les Flandres, cette ancienne province espagnole a vu sa culture être grandement influencée par la péninsule ibérique. En marchant le long des canaux qu’abrite la charmante ville de Leyde les 2 et 3 octobre, vous serez surpris par ce que vous y découvrirez. Vous aurez le plaisir d’admirer un défilé et sa fanfare, de faire un tour de manège, de déguster du hareng et du pain blanc, de contempler un feu d’artifice, ainsi que de boire une bière sur le canal, aménagé pour l’occasion en véritable piste de danse. Au travers des performances plus farfelues les unes que les autres, ce jour férié depuis 1886, commémore et célèbre aux couleurs rouge et blanche de la ville, la résistance des hollandais face à plus de cinq mois de siège menés par les troupes espagnoles. À l’époque, les provinces septentrionales, converties au protestantisme et soutenues par la reine d’Angleterre Elisabeth I, se sont soulevées contre l’autorité espagnole et les Pays-Bas méridionaux, restés catholiques et loyalistes. Ainsi, comme le veut la tradition, durant cette journée, l’on mange du hareng et du pain blanc en souvenir de la libération d’une ville et de ses habitants affamés. Événement pourtant douloureux, il donne aujourd’hui lieu à l’une des plus grandes fêtes du pays.
L’Espagne et la religion catholique ont ainsi grandement influencé cette partie nord de l’Europe. Pourtant, bien des célébrations rattachées au catholicisme possèdent des origines plus complexes, et ont par ailleurs laissé place à des fêtes profanes. Coutume commune à tous les pays européens, la célébration des Saint-patrons, modèles de vie chrétienne, illustre mieux que tout ce mélange entre histoire, religion, tradition et folklore.
Célébrer les Saints au-delà de la religion
Si l’on vous parle de Saints, vous allez immédiatement penser à la Saint-Patrick ou à la Saint-Jean. En Estonie, cette dernière, nommée Jaapipäev, littéralement “Jour de Jean”, donne lieu à une célébration toute particulière. Si vous vous rendez à Tallinn les 23 et 24 juin, vous serez étonnés par le calme et feriez mieux de vous rendre à la campagne. Autour de bûchers gigantesques, animés par des musiques folkloriques entraînantes, des danses folles et des chants polkas et patriotiques, vous assisterez à toute la beauté de la culture estonienne. Des feux de joie reconstituent la chute de la météorite Kaali sur l’île de Saaremaa il y a 4 000 ans. Les jeunes filles portent des couronnes de marguerites en souvenir d’anciennes prières païennes à la fertilité. Dans ce pays, où le culte de la nature est encore important, le solstice, jour où le soleil est le plus haut dans les cieux, est également célébré. Période des amoureux, c’est aussi l’opportunité de rencontrer sa moitié, avec qui l’on va cueillir des fougères au petit matin. La Jaapipäev, c’est aussi un événement sacré pour la nation estonienne. Correspondant à la première indépendance du pays, en 1918, contre les Allemands, ce jour, férié depuis 1991 lors de sa seconde indépendance, célèbre ainsi la victoire de la liberté contre l’autoritarisme.
La célébration des Saints a parfois été tournée en dérision, comme en Autriche avec le Saint-Gambrinu, assis au sommet d’un tonneau de bière sur un chariot tiré par des chevaux lors de la parade du Gauderfest. Héritage culturel immatériel de l’Unesco depuis 2014, cette “Fête des bons vivants’’ se tient chaque premier week-end de mai dans le petit bourg de Zell am Ziller, célébrant l’arrivée du printemps. Ce qui est aujourd’hui le plus grand festival de bière du pays remonte à plus de 600 ans. À l’époque, les Autrichiens quittaient la montagne pour se rendre dans la vallée et assister à la messe et aux Kirchtage, des foires paroissiales. Aujourd’hui, ce sont des milliers de visiteurs qui participent à des animations toutes plus originales les unes que les autres. Courses de tonneaux, lancers de troncs, tournois de Ranggeln - lutte traditionnelle et plus ancien sport de combat germanique -, représentations théâtrales, parades avec chars et stands de bières sont au rendez-vous. Oubliez l’Oktoberfest de Munich ! Sous d’immenses tentes, les hommes et les femmes vêtus de culotte de cuir et de robe de Dirndl, costumes traditionnels tyroliens par excellence, dégustent gaiement la Gauder Bock, bière épicée la plus forte d’Autriche, concoctée spécialement pour l’occasion et à qui cette fête doit son succès et son nom.
Le Carnaval, cocktail antique et moderne
Pour finir ce tour d’Europe, rendez-vous en terres slaves pour découvrir le carnaval. La dimension spectaculaire de carnavals comme celui de Rio nous font oublier que c’est en Europe, il y a plus de 4 000 ans que naît cette tradition. En Grèce et Rome antiques, ainsi qu’en Babylone, on honorait les Dieux de la fécondité et de l’agriculture, on fêtait le renouveau de la nature, mais surtout, on reversait l’ordre social et naturel établi. Les Hommes devenaient animaux, les esclaves maîtres. Cachés derrière de grands masques, c’est aussi une critique du pouvoir que les Hommes portaient. D’abord fermement rejetée, l’Église se l’approprie au VIIIe siècle en en faisant le Mardi gras, jour de réjouissances avant le Carême, jeûne réinterprétant les 40 jours de Jésus dans le désert. Véritable institution en Europe, c’est une fête aussi bien dans les assiettes que dans les rues et cela, les Slovaques le savent ! Tantôt appelée Masopust ou Fašiangy, la période carnavalesque se déroule principalement à la campagne. Elle mélange rites antiques et modernes hérités des invasions germaniques et tartares. En plus d’extraordinaires cortèges masqués accompagnés de musique traditionnelles, vous pourrez assister à d’anciens rites visant à assurer la prospérité des cultures, des Hommes et du bétail, et à l’abattage d’un porc. N’ayez crainte, vous pourrez aussi tout simplement déguster les plats de viande, de goulasch et pour les végétariens, vous désaltérer dans toutes sortes de distillats et eaux-de-vie traditionnels. Avant d’aller danser, n’oubliez pas d’attraper votre plus belle luge pour glisser sur la neige ! Enfin, participez à l’enterrement d’une contrebasse, clôture des festivités.
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