Une mission aux proportions historiques
Marcel Wollscheid - rédacteur en chef du magazine treffpunkteuropa.de
« Le commissaire européen à l’immigration, M. Avramopoulos, qualifie l’afflux actuel de migrants de « plus grande crise de réfugiés depuis 1945 ». 60 millions de personnes fuient leur patrie de par le monde. 800 000 demandeurs d’asile sont attendus en Allemagne cette année seulement. Selon la Commission européenne, pour la première fois plus de 100 000 personnes ont franchi les frontières européennes pour trouver l’asile en juillet 2015. Ces chiffres ne peuvent décemment refléter les défis auxquels tous les échelons politiques de l’Union européenne sont confrontés. Les communautés locales sont contraintes à trouver des solutions rapides et pragmatiques pour accueillir de façon appropriée les réfugiés. En outre, elles sont chargées d’intégrer les nouveaux résidents, ce qui ne se fera pas sans tumultes. Les États membres devraient mettre au point des approches cohérentes pour harmoniser leurs politiques en matière d’asile et de réfugiés. Sans bases législatives partagées face aux États non membres de l’Union, la libre circulation au sein de l’espace Schengen ne sera pas viable à long terme. Parallèlement, la Commission dépend du bon vouloir des États membres pour renforcer son programme sur la migration. De même, la Commission est dépendante du bon vouloir des Etats membres pour planifier son agenda en termes de politique migratoire. Nous avons dernièrement pu constater que le système de Dublin, sous sa forme actuelle, n’a pas d’avenir. C’est pourquoi un système de répartition de demandeurs d’asile honnête est politiquement nécessaire en Europe. Il s’agira d’une épreuve décisive ouvrant la voie sur une approche paneuropéenne pour faire face à la crise des réfugiés. »
L’accueil des migrants, l’unique solution
Hervé Moritz - rédacteur en chef du magazine Le Taurillon
« Les migrants, qui s’échouent sur nos côtes ou arrivent par l’Europe de l’Est, sont principalement des réfugiés de Syrie ou d’Irak, d’Afghanistan ou d’Erythrée, qui fuit la guerre et les persécutions, le terrorisme et la misère des conflits. Depuis janvier 2015, 350 000 migrants sont arrivés sur le territoire de l’Union européenne. Les conflits s’aggravent dans les régions périphériques, le nombre de réfugiés s’accroît. Ils n’ont rien à perdre. N’imaginez pas un mur honteux en Hongrie, une classification des migrants selon leur religion, leur ethnie ou leur origine, une surveillance intensifiée, des cordons de police aux frontières ou dans les gares, nous ne pouvons pas arrêter ces êtres humains, qui luttent pour leur survie. Ne financez pas des agences de sécurité, financez des organisations pour leur accueil et leur aide. Nous devons créer des voies légales d’immigration depuis les pays voisins des zones instables, administrer ensemble les demandes d’asile dans des centres d’accueil européen sur les continent et dans les ambassades de l’Union européenne à l’étranger. Nous avons besoin de ces solutions pour mettre fin aux naufrages et briser le trafic de migrants et le commerce humaine. Après leur transit et l’obtention de leur statut de réfugié, nous devons organiser avec les associations leur accueil, leur logement, leur intégration dans nos sociétés, et les répartir entre les Etats membres selon des critères justes et équitables. C’est un devoir, c’est aussi une chance. C’est un devoir, parce que les droits de l’Homme, la dignité humaine et la vie humaine sont l’essence de l’Union européenne. Si nous échouons face à ce défi humanitaire, l’Europe ne sera jamais plus l’Europe. C’est aussi une chance du fait du déclin démographique en Europe. Nous avons besoin de populations jeunes pour préserver nos systèmes de société. C’est une opportunité de relever un important défi ensemble pour l’avenir de l’Europe. »
La passivité face à cette crise humanitaire
Simone Corvatta - rédacteur en chef du magazine El Nuevo Federalista
« Ce drame humanitaire se transforme progressivement en thématique politique et en sujet de confrontations politiques internes. En somme, la question de l’immigration a toujours été centrale et l’élément capital des forces extrémistes et nationalistes. Depuis la nuit des temps, les forces destructives locales qualifient les masses d’étrangers « d’essaims d’abeilles », d’envahisseurs de la patrie ; pour elles, il s’agit de voleurs d’emplois, de ressources et de droits dont jouissent ceux qui sont déjà là. L’immigration est aujourd’hui toujours perçue de la sorte en psychologie sociale et cela porte à conséquences. En effet, celui qui se présente comme défenseur contre l’invasion des désespérés gagne facilement un poids politique à l’échelle nationale, mais aussi à l’échelle européenne. D’autre part, les forces modérées sont réticentes à l’idée de prendre une position ferme sur ces thématiques, car elles ne peuvent se permettre de les aborder par le prisme national. La mise au point une solution qui rende possible une véritable politique d’intégration alimente les craintes liées à une supposée perte de souveraineté nationale à cause de décisions impopulaires qui feraient perdre une certaine influence politique. Par conséquent, c’est l’inaction qui l’emporte tandis que la tragédie humaine réclame toujours plus de vies. Cette situation prend la forme d’un jeu de forces extrémistes qui se présentent comme étant à la fois les remparts des frontières nationales et salvatrices de milliers de vies. Mais dans ce jeu, le statut d’être humain est relégué au second plan. Le réfugié n’est plus considéré comme un homme, une femme ou un enfant à la recherche d’une vie « digne », mais simplement comme un outil de propagande – utilisé à outrance. »
La lutte pour le populisme
Christopher Powers - rédacteur en chef du magazine The New Federalist
« L’Europe a encore une fois démontré que le racisme et le nationalisme sont des forces pernicieuses qui persistent, telle une tumeur, au cœur de la société du XXIe siècle. De terribles crises – inimaginables pour la plupart des Européens – ont frappé nos voisins, de Mourmansk à la mer Rouge, en passant par la côte atlantique. Nous n’avons pas réagi en portant notre soutien à la défense des droits fondamentaux, mais plutôt en réaffirmant agressivement notre étroitesse d’esprit ainsi que notre égoïsme national. La Pologne, un pays qui a envoyé des milliers de migrants aux quatre coins de l’Union lors de son adhésion tourne le dos au partage des responsabilités. Le Royaume-Uni a réagi aux mauvaises conditions à Calais en construisant des clôtures plus solides et en se mettant à parler de l’usage de la force. Viktor Órban a promis de construire un mur plutôt que des ponts entre les peuples de cette région qui pourtant en a crucialement besoin. De plus petits pays (membres ou non de l’Union européenne), comme la Grèce, la Macédoine et la Serbie, ne peuvent gérer cet afflux seuls. En somme, nous sommes face à une pagaille, mais les choses pourraient facilement rentrer dans l’ordre si nous avions la volonté de résoudre cette crise de façon fédéraliste. Il ne faut pas oublier que même dans les moments les plus sombres, il y a des gens de bonne volonté qui agissent sur le terrain. Au Royaume-Uni, le groupe Folkestone United a adopté une approche locale pour faciliter la traversée de la Manche. En Hongrie, des gens comme vous et moi mènent une judicieuse « bataille de pancartes » contre les messages anti-immigration du gouvernement. Il n’y a pas que les gens mal intentionnés qui ont la possibilité d’éveiller les consciences. Nous espérons, en tant que rédacteurs en chef, que nous aurons l’occasion de couvrir cette thématique de façon plus positive au fil des semaines et des mois à venir. »
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