L’Europe libérale dans le flou

, par Bastian De Monte, Traduit par Aliénor Thouvenot

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L'Europe libérale dans le flou
Lancement de la campagne du parti ALDE à Bruxelles le 21 mars et présentation de la « Team Europe » pour les élections européennes. Photo : Flickr - ALDE Party - CC BY-NC-ND 2.0

Quelques mois après que les autres partis européens aient présenté leurs Spitzenkandidaten – leurs têtes de liste dans la course pour la présidence de la Commission européenne – les libéraux européens ont à leur tour présenté (le 21 mars) une liste de candidats pour conduire les élections de cette année. Au cours du lancement de la campagne de l’ALDE à Bruxelles, la « Team Europe » a officiellement été approuvée par les délégués du parti. Cette décision reflète non seulement la diversité du groupe ALDE mais également la division des partis libéraux.

Les libéraux européens ont finalement décidé ce que les autres partis avaient réglé il y a déjà quelques mois : qui les représentera pour les élections de 2019. Au lancement de la campagne de l’ALDE, le parti a validé sa « Team Europe », composée de poids-lourds du mouvement libéral et de nouveaux venus. Les libéraux espèrent ré-émerger en tant que troisième force au Parlement européen, ce qui dépendra de la capacité des eurosceptiques à former un groupe global et de l’unisson du président Macron avec l’Alliance des Libéraux et Démocrates pour l’Europe.

La « Team Europe »

L’équipe des principaux candidats, géographiquement équilibrée, est composée de cinq femmes et deux hommes. Les figures les plus notables sont sans aucun doute l’ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt, chef du groupe ALDE au Parlement européen et négociateur du Brexit pour les institutions, et la commissaire européenne à la concurrence Margrethe Vestager, célèbre pour avoir défié les géants du numérique Apple et Google. En dépit de sa grande popularité dans la bulle bruxelloise, la Danoise fait face à un vent politique hostile dans son pays, le parti de centre-gauche auquel elle appartient – Radikale Venstre – appartenant à l’opposition. Bien que le parti du Premier ministre de centre-droit Rasmussen – Venstre – fasse aussi partie du groupe ALDE au Parlement européen, aucun signe indiquant qu’il soutiendrait Margrethe Vestager pour un autre mandat n’a été lancé.

Une autre figure majeure est l’ancienne commissaire Emma Bonino, qui a occupé plusieurs fonctions gouvernementales, qui travaille actuellement en tant que sénatrice de Rome et a récemment fondé le parti fédéraliste européen Più Europa. Ce n’est pas le seul jeune parti qui a été intégré à l’équipe : le mouvement hongrois Momentum a propulsé son co-fondateur Katalin Cseh, gynécologue de formation, à Bruxelles. Les nouveaux états membres sont davantage représentés par la Commissaire des transports slovène Violeta Bulc, qui soutient le parti politique de l’ancien Premier ministre slovène Cerar, Stranka modernega centra (Parti du centre moderne).

D’une manière générale, les parlementaires libéraux proviennent en plus grand nombre d’Allemagne, d’Espagne et de République tchèque. Il n’est donc pas étonnant que le chef du Parti libéral-démocrate allemand Nicola Beer et le professeur d’économie Luis Garicano du parti Ciudadanos aient rejoint la « Team Europe ». Cependant, l’une des grandes absentes est la commissaire pour la justice Věra Jourová, qui se concentre sur sa campagne nationale (en République Tchèque).

Nouvelles alliances et le facteur Macron

Bien qu’on ne s’attende pas à voir Più Europa et Momentum remporter des sièges, leur affiliation à la « Team Europe » peut être perçue comme un signe d’encouragement. C’est la confirmation d’une nouvelle vague libérale progressive qui s’étend dans les pays où l’euroscepticisme gagne du terrain. Ce dimanche 31 mars par exemple, Zuzana Čaputová a remporté l’élection présidentielle slovaque, une semaine après que son parti Slovaquie progressive (Progressive Slovakia) ait obtenu près de 40% des voix au premier tour.

Le grand point d’interrogation sur le futur de l’ALDE reste le facteur Macron. Une alliance avec La République en Marche renforcerait non seulement le groupe parlementaire de 22 députés européens, mais réaffirmerait également la voix des libéraux au Conseil européen, l’institution européenne la plus puissante dans les faits. Toutefois, les plans du président français – au-delà de perturber le système traditionnel des partis – restent flous. A priori en attente des résultats des élections, il pourrait choisir de former un tout nouveau groupe et proposer à l’ALDE ainsi qu’à d’autres groupes pro-européens de le rejoindre.

Emmanuel Macron a récemment appelé à une « renaissance européenne », qui a été accueillie à bras ouverts (bien qu’elle n’ait pas été d’accord sur tous les points) par la coalition polonaise pro-Europe, une alliance constituée de partis de l’ensemble du spectre politique et dont le seul but est de renverser le parti Droit et Justice (PiS) actuellement au pouvoir. Le nouveau mouvement Wiosna (Printemps), à l’inverse, n’a pas souhaité rejoindre le mouvement. Avec son agenda pro-gressif, il a pu être perçu comme un allié naturel du président français, mais une partie de l’ALDE le considère trop loin de la gauche. Une seule chose reste donc certaine : l’incertitude.

Quo vadis ergo, Europe libérale ?

En refusant de proposer un unique chef de file, l’ALDE s’agenouille devant Emmanuel Macron, qui est connu pour s’opposer au système du Spitzenkandidaten. Or, en 2014, alors que Guy Verhofstadt était à la tête de la campagne électorale, le parti apparaissait comme un défenseur majeur de ce système. Un autre point mérite cependant d’être pris en compte : les vanités personnelles. Il est évident que Guy Verhofstadt n’aurait pas pu sur le champ laisser place à la populaire Commissaire Vestager, d’autant qu’elle n’a pas le soutien du gouvernement de son propre pays.

Bien que l’on puisse avancer que la liste des candidats reflète la diversité du groupe ALDE, qui s’étend des libéraux du marché aux social-libéraux progressistes en passant par les centristes, et inclut les nouvelles formations politiques de nouveaux États membres, l’incapacité à désigner un unique Spitzenkandidat illustre à quel point les libéraux sont divisés, aussi bien à l’échelle nationale qu’au niveau européen : différentes visions des priorités politiques et de la direction même qui doit être prise par l’UE. Certains membres de l’ALDE sont des fédéralistes convaincus, d’autres se méfient de tout ce qui engendre des transferts financiers et se posent en faveur d’un intergouvernementalisme renforcé ; et Emmanuel Macron se situe quelque part entre les deux.

On retient du lancement de la campagne les souvenirs d’un cadre raffiné. Mais en raison du faible élan programmatique, un élément-clé manque encore : une véritable vision libérale pour l’Europe.

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