L’indéniable besoin de renforcer la zone Euro

Mini-série sur la réforme de la Zone euro : épisode 1 : « Une véritable architecture institutionnelle »

, par Antoine Granier

L'indéniable besoin de renforcer la zone Euro

Si la conjoncture économique actuelle est de nouveau favorable, l’union monétaire n’est pas pour autant à l’abri de nouvelles crises. L’eurozone ne souffre pas actuellement d’un manque de gouvernance, mais réellement d’un manque de gouvernement. Pour ce faire, l’Euro a besoin de deux choses : de véritables institutions ainsi que de nouveaux mécanismes permettant sa consolidation.

Pour sortir définitivement de la crise de l’Euro, il nous faut encore travailler sur deux éléments : la mobilité intra-européenne des travailleurs et une véritable union économique solide. Le couple franco-allemand est d’accord sur ce dernier point. « Il est temps de mettre en place des réformes » dans la zone euro, a insisté Angela Merkel, parce que les pays partageant la monnaie unique sont à présent dans une situation plus facile que durant la crise de la dette. Les dirigeants européens demanderont donc à leurs ministres des Finances respectif de préparer « un sommet formel sur la zone euro », en mars, qui jettera les bases d’une « discussion politique stratégique » visant l’adoption de réformes « dans les cinq à dix ans à venir », a expliqué Emmanuel Macron. L’eurozone ne souffre pas actuellement d’un manque de gouvernance, mais réellement d’un manque de gouvernement. Il ne faut pas chercher à administrer cette zone euro mais réellement la gouverner pour lui assurer enfin une gestion solide.

Pour un gouvernement de la zone euro

Ce gouvernement de la zone euro remplacerait les réunions du Conseil et de l’Eurogroupe peu efficaces, ett serait compétent dans les domaines suivants : la stabilité de la monnaie en lien avec la Banque centrale européenne, la croissance de l’économie et la prospérité. Au sein des objectifs de ce dernier domaine, il pourrait parfaitement y être intégré un volet social avec une instauration de minimas concernant le régime de retraite viable et garantissant des allocations décentes, une fiscalité non-discriminatoire, un marché du travail mobile et des soins de santé de qualité, accessibles à tous.

Ce gouvernement serait placé sous la direction d’un ministre européen des finances et serait composé des membres de la Commission européenne compétents pour les portefeuilles directement liés à la zone euro. Ce gouvernement fixerait la feuille de route pour la convergence des économies des États membres de la zone euro, mais chaque pays déciderait souverainement de la manière de faire pour atteindre les objectifs fixés. Ce gouvernement gérerait les dépenses inscrites au budget européen qui viserait la croissance et la convergence des économies de l’union monétaire. Ensuite, il devrait rapidement, en parallèle du pacte de solidarité et de croissance, promulguer une sorte de « Code de convergence pour l’euro ». Ce code fixerait des objectifs de politique économique et énoncerait des minimas essentiels à la compétitivité de l’économie et à la santé de l’euro, c’est-à-dire dans les domaines suivants : le marché de l’emploi ; la fiscalité ; le régime des retraites ; l’innovation ; la recherche scientifique.

Le gouvernement de la zone euro devrait également faire respecter les règles du pacte de solidarité et de croissance et les critères du « code de convergence ». Actuellement ses règles du pacte de stabilité sont jugées trop contraignantes et ne sont donc pas respectées par la très grande majorité des États. Cependant, aucune amende n’a jamais été prononcée contre les « mauvais élèves ». Évidemment, le système actuel est loin d’être un exemple d’efficacité. Les États eux-mêmes doivent « s’autocontrôler » et au cours de la procédure menant à la sanction, il faut obtenir l’accord des autres États membres... eux-mêmes ne respectant pas les règles du pacte de stabilité. Et puis… « on ne sanctionne pas un souverain ». On comprend donc aisément que les États se sont mis tacitement d’accord pour ne sanctionner personne, de peur d’être à leur tour sanctionnés. Ce pacte est donc actuellement un gendarme qui ne sanctionne pas. Il faut ainsi faire de la pédagogie avec ce code de convergence. En somme, préférer l’âne et la carotte plutôt que la menace constante du bâton.

Les fonctions du ministre européen des finances

Comme le souligne Pierre Moscovici, la Commission propose de créer un poste de ministre des Finances de la zone euro. « Ce qu’il manque [à la zone euro] est un exécutif et un contrôle de l’exécutif. C’est la raison pour laquelle la Commission a proposé qu’il y ait un ministre des Finances de la zone euro, qui soit à la fois président de l’Eurogroupe et vice-président de la Commission en charge des questions économiques et financières […]. Je souhaite que mon successeur soit dans cette position-là et puisse rendre des comptes sur les décisions de l’Eurogroupe devant le Parlement européen. » En l’absence d’un budget conséquent pour la zone euro, des personnalités de haut niveau, dont le vice-président de la BCE, Vítor Constâncio, se sont interrogées sur le bien-fondé de la création d’un poste de « superministre » de l’Économie et des Finances pour l’UE. Dans une communication également publiée le 6 décembre 2017, la Commission a fait valoir que ce superministre pourrait être chargé de la surveillance budgétaire et macroéconomique des États membres, de la mise en œuvre des outils financiers existants et de nouveaux instruments, comme le système de protection des investissements.

Le ministre européen représenterait enfin l’euro au sein des forums internationaux (FMI ; la Banque Mondiale ; le G7 et le G20) et des comités informels (Comité de Bâle ; le Conseil de stabilité financière ; le Bureau des normes comptables). Malheureusement, à l’heure actuelle, l’euro, qui est la deuxième monnaie mondiale derrière le dollar qui est la monnaie de réserve, n’a pas un seul et unique représentant faute du flou institutionnel caractérisant notre Union européenne.

Pour un parlement de la zone euro contrôlant un « Fonds Monétaire Européen »

Le président français Emmanuel Macron ainsi que l’actuel président espagnol Mariano Rajoy, l’ancien ministre des Finances et actuel président du Bundestag Wolfang Schäuble et l’ancien président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem, sont favorables à la mise en place d’un Parlement de la zone euro, qui pourrait avoir un pouvoir consultatif pour faire évoluer le Mécanisme européen de stabilité (MES).

À terme, ce MES devrait devenir un « Fonds monétaire européen », naissant d’une évolution du statut du MES qui remplacerait le FMI pour tous les futurs plans de sauvetage des pays de la zone euro en difficulté. En effet, auprès de ce nouveau fonds, les pays en crise pourraient obtenir un prêt en échange de réformes. L’actuel commissaire aux affaires économiques, monétaires et financières, Pierre Moscovici, est favorable à ce FME. Le président du Conseil Donald Tusk a, quant à lui, affirmé qu’il existait un « large consensus » quant à la création de ce fonds.

Néanmoins, « cette idée est un projet allemand à l’origine, défendu de longue date par l’ancien ministre des Finances Wolfgang Schäuble. Il entend jusqu’ici confier à ce FME la tâche de faire entre autres la police sur les déficits dans les pays de la zone euro et de supplanter par ce biais la Commission européenne jugée trop laxiste. Ce n’est pas la vision française, qui soutient un Fonds monétaire européen, mais entend lui donner un pilotage »politique« , comme l’a indiqué le ministre de l’Économie Bruno Le Maire […] autrement dit un rôle pas seulement cantonné à la surveillance de l’application des règles ». [1]

Pour d’autres comme Stéphanie Hennette, Thomas Piketty, Guillaume Sacriste et Antoine Vauchez, cette Assemblée pourrait être bien plus qu’une simple chambre d’enregistrement, en exerçant des pouvoirs effectifs en particulier avec le vote du budget de la zone euro et d’un impôt commun sur les bénéfices des sociétés alimentant ce budget. Pour eux, « cette Assemblée fournit un cadre démocratique permettant de placer l’austérité en minorité, ou tout du moins de modifier très substantiellement les rapports de force actuels, et de faire enfin prévaloir une logique de délibération publique, pluraliste et démocratique sur le culte du huis-clos et de l’opacité » des décisions prises au Conseil.

Dans le camp défavorable à une Europe à plusieurs vitesses, comme par exemple l’actuel président de la Commission européenne Jean Claude Juncker, les partisans qui préfèrent aller doucement plutôt que diviser l’Union européenne n’ont « pas de sympathie pour l’idée d’un Parlement spécifique de la zone euro. Le Parlement de la zone euro est le Parlement européen ». [2] Cette déclaration n’est pas en contradiction avec les objectifs qui seraient fixés au Parlement de la zone euro. Nous avons déjà des parlementaires et une assemblée. Pourquoi ne pas faire voter les textes relatifs à la zone euro uniquement par les députés européens des États membres de cette même zone ?

En bref, le débat sur le Parlement de la zone euro reste entier. « En gros, deux conceptions du Parlement de la zone euro s’affrontent. Si l’on souhaite pour cette organisation une vraie impulsion et un vrai contrôle politique, il faut une assemblée, soit issue et sous-ensemble du Parlement européen tel qu’il existe aujourd’hui, soit majoritairement composée des représentants des Parlements nationaux. Chacune des solutions a ses avantages et ses inconvénients ». [3] Le débat sur ce Parlement portera aussi vraisemblablement sur ses compétences. Sera-t-elle une simple chambre d’enregistrement ou aura-t-elle de véritables pouvoirs ?

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