Mentionné une première fois par le Président français Emmanuel Macron devant le Parlement européen à l’occasion de la Conférence sur l’avenir de l’Europe le 9 mai 2022, l’expression « Communauté politique européenne » a été cette fois-ci reprise par Ursula Von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, à l’occasion du traditionnel Discours sur l’État de l’Union, le 14 septembre. D’une formule innovante comme en a l’habitude Emmanuel Macron, l’idée de « Communauté politique européenne » se voit confirmer toute sa pertinence par la cheffe de l’exécutif européen au point d’en faire un projet de réflexion concret de l’année européenne à venir, via son discours de politique générale de rentrée.
La « Communauté politique européenne » (CPE), kesako ?
La Communauté politique européenne a été présentée le 9 mai 2022 par Emmanuel Macron comme une nouvelle structure européenne destinée aux pays qui souhaitent se rapprocher de l’UE. Le Président français entendait bâtir avec cette proposition une nouvelle forme de coopération avec les pays européens non-membres de l’UE. Il a par ailleurs affirmé que cette communauté ne s’adresserait pas seulement aux pays candidats à l’adhésion à l’UE, mais également aux Etats européens qui ne souhaitent pas, pour le moment, adhérer au projet européen (Suisse, Norvège, Islande) et à ceux qui l’ont “récemment quitté” comme l’avait mentionné Emmanuel Macron, faisant implicitement référence au Royaume-Uni.
La structure et les objectifs concrets de cette Communauté politique européenne (CPE) restent encore relativement flous. Le locataire de l’Elysée a déclaré qu’il s’agirait de créer un nouvel espace de coopération pour discuter avec tous les Etats européens des questions démocratiques, économiques, énergétiques ou encore géopolitiques. Dans son adresse annuelle au Parlement européen, Ursula von der Leyen a soutenu explicitement la proposition du Président français. Selon ses propos, il suffirait de “partager les valeurs de l’UE” et d’être une “nation européenne” pour participer à la CPE. Enfin, elle a indiqué que la Commission présentera ses “idées” sur le sujet lors du prochain Conseil européen.
Un nouveau terme pour une idée pas si moderne
L’expression n’est pourtant pas totalement nouvelle au sein du vocabulaire européen. Emmanuel Macron a été influencé par la proposition d’un de ses prédécesseurs, François Mitterrand, qui proposait d’instaurer en 1989 une « Confédération européenne » afin de créer un espace politique européen au-delà de l’UE. Une idée justifiée à l’époque où l’Europe était coupée entre le bloc occidental et le bloc oriental, sous l’influence de l’URSS. Mais l’idée de Confédération européenne ne verra finalement jamais le jour.
Plus récemment, Enrico Letta, chef de file du parti démocrate italien, avait appelé les décideurs européens à “construire tout de suite une confédération européenne, qui sera un lieu institutionnel pour donner à l’Ukraine [..] l’occasion d’intégrer la famille européenne” dans une tribune pour le journal italien Corriere della Sera le 19 avril 2022.
Des réactions contrastées des États invitées à la première réunion
La première réunion de la CPE a eu lieu à Prague le 6 octobre dernier, la veille d’un sommet européen au même endroit. Selon l’agenda de l’événement publié sur le site du Conseil européen, ont été convié à cette réunion : les 27 Etats membres, l’Albanie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, l’Islande, le Kosovo, le Liechtenstein, la Moldavie, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Norvège, la Serbie, la Suisse, la Turquie, l’Ukraine et le Royaume-Uni.
Les réactions des pays concernés par la CPE sont relativement contrastées. Le Royaume-Uni s’est montré, par l’intermédiaire de son chef de gouvernement Boris Johnson puis Liz Truss, très enthousiaste à l’idée de rejoindre cette nouvelle architecture institutionnelle. Liz Truss a annoncé publiquement qu’elle se rendra à la première réunion CPE et a même proposé d’accueillir la suivante. Les pays candidats des Balkans sont restés assez réservés à l’annonce de la CPE, et semblent attendre plus de précisions de l’UE sur les modalités et objectifs concrets du projet. D’un côté, la CPE permettrait de constituer un premier « sas d’entrée » progressif vers l’adhésion à l’UE. De l’autre, ils craignent que la CPE devienne un « cadeau empoisonné de substitution » à l’adhésion européenne.
Par ailleurs, un réel débat s’est ouvert sur la présence ou non de la Turquie au sein de la Communauté politique européenne Ankara n’a finalement confirmé sa venue que 5 jours avant la première réunion de la CPE. On peut toutefois s’interroger de la cohérence d’inviter le régime de Erdogan, qui ne semble pas être en phase avec les valeurs européennes comme condition fondamentale de participation à la Communauté politique européenne exigée par Ursula von der Leyen.
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