La démocratie européenne commence (aussi) dans les communes !

, par Théo Boucart

La démocratie européenne commence (aussi) dans les communes !
La pandémie de Covid-19 n’a pas eu raison du premier tour des élections municipales, même si l’abstention risque de battre un record. Source : Wikimédia commons

OPINION. Le premier tour des élections municipales se tient aujourd’hui. Durant toute la campagne, les associations pro-européennes ont donné de la voix pour promouvoir l’enjeu européen de ce scrutin, ainsi que le rôle des communes dans l’intégration européenne.

L’épidémie naissante de COVID-19 n’aura finalement pas eu raison de la tenue de ce premier tour. Alors que les pays européens optent pour des solutions différentes afin de contenir la progression de ce coronavirus, allant jusqu’au confinement total en Italie, ou partiel comme en Belgique, la France, désormais en stade 3 du plan de lutte contre les épidémies, privilégie pour le moment la fermeture des établissements d’enseignement et de nombreux commerces mais l’organisation, comme prévue, des élections municipales.

Cette inquiétude, légitime, ne doit pas pour autant nous faire oublier les enjeux cruciaux de ces élections. 34841 communes vont ainsi élire leur maire et leurs conseillers municipaux. Les communes françaises représentent ainsi presque 40% du nombre total de communes dans l’Union européenne, une commune en France accueille en moyenne 1800 habitants, contre 5500 à l’échelle communautaire. L’enjeu de proximité avec les citoyens est ici évident.

Malgré une « crise de la vocation », les communes et leurs maires disposent encore d’une marge de manœuvre appréciable, puisque c’est le seul échelon territorial en France qui dispose d’une « clause générale de compétence », lui permettant de se saisir librement de certains dossiers qui ne relèvent pas de prime abord de ses compétences classiques, selon une adaptation pragmatique du principe de subsidiarité.

Oui mais voilà : les dotations financières sont en baisse et l’échelon de l’intercommunalité encadre de plus en plus l’action municipale. La totalité des communes françaises sont regroupées dans des communautés de communes rurales, des communautés d’agglomération ou des métropoles. Si certains maires tirent leur épingle du jeu, d’autres semblent noyés dans ces nouvelles arènes décisionnelles, moins en contact avec le terrain.

Toutes ces difficultés ne doivent aucunement occulter une dimension fondamentale : l’élection municipale est la quintessence de la démocratie locale, et les enjeux européens ont une place essentielle !

Promouvoir l’Europe au plus près des citoyens

Le hasard du cycle électoral a fait que ce scrutin municipal a lieu seulement 10 mois après les élections européennes. Or, ces deux élections sont les seules où les citoyens des 27 pays de l’Union européenne et résidants en France peuvent voter. La campagne électorale aura également vu le tout premier effet concret du Brexit en France : plus de 750 conseillers municipaux originaires d’Outre-Manche élus en Bretagne, en Dordogne, ou ailleurs, n’ont pas pu se représenter, sauf s’ils avaient acquis la nationalité française. Une situation amère pour ces Britanniques engagés depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies dans la vie locale.

La dimension européenne concrète est donc réelle : l’UE finance de nombreux projets locaux grâce à une myriade de fonds, elle favorise la circulation des citoyens grâce aux jumelages municipaux. Dans une tribune publiée par la Gazette des communes, Marie Caillaud, présidente des Jeunes Européens – France, Ophélie Omnes, présidente de l’Union des Fédéralistes Européens – France et Yves Bertoncini, président du Mouvement Européen – France, ont rappelé ces faits discrets mais réels de l’action européenne au niveau le plus local.

Alors comment valoriser l’engagement européen des élus locaux ? Nos trois associations ont développé ces derniers mois un « Label Ville européenne » 100% citoyen et transpartisan, censé récompenser cet engagement. Comme un label « ville fleurie », cette distinction se décline en plusieurs niveaux (de 1 à 5) pour favoriser des actions concrètes dans la sensibilisation pédagogique, la coopération européenne, la citoyenneté et la culture. Ce label est une première ébauche d’un projet qui durera plusieurs années, aussi ces élections municipales seront-elles l’occasion d’apprécier son application concrète.

Actuellement, 118 candidats se présentant dans 84 communes ont signé la charte du Label Ville européenne, dont Martine Aubry à Lille, Anne Hidalgo, Agnès Buzyn et David Belliard à Paris, mais également de nombreux autres candidat.e.s à travers toute la France. Cette charte les engage (de manière non-contraignante) à valoriser les symboles européens, à faire la communication sur les projets co-financés par l’UE et à organiser des évènements sensibilisant aux questions européennes. Bien sûr, les signataires s’engagent aussi à faire le maximum pour atteindre le niveau le plus élevé, la motivation et la valorisation des actions étant à la base de notre démarche.

« Une Europe pour tous, pas uniquement pour les politiciens »

Jetons un pavé dans la mare : les communes ont un rôle à jouer dans la démocratie et le fédéralisme européen. Quel est le rapport ? Comme le rappelait François Coutin, secrétaire général de l’UEF Auvergne Rhône-Alpes, lors d’un débat organisé lundi dernier, le fédéralisme repose sur deux concepts principaux : le principe de subsidiarité et l’organisation du bas vers le haut du processus de décisions politiques. Autrement dit, les citoyens doivent être au cœur du processus démocratique, en France comme en Europe.

« Une Europe pour tous, pas uniquement pour les politiciens », était l’un des slogans des Jeunes Européens Fédéralistes, le niveau continental de notre association. Il insiste sur l’appropriation du projet européen par l’ensemble des citoyens, peu importe leur situation sociale et géographique. Une démocratie solidement ancrée au niveau local, c’est un prérequis à l’établissement d’une démocratie européenne digne de ce nom.

Même si le rôle des États nationaux est prépondérant dans la direction actuelle de l’Union, les communes françaises et européennes doivent prendre conscience du fait qu’elles font face aux mêmes défis : dégradation de l’environnement, pollution atmosphérique et lumineuses, inégalités sociales dans les différents territoires communaux. Les citoyens des communes françaises, irlandaises, lituaniennes, maltaises ou slovènes ont des préoccupations semblables, peu importe la situation dans leur pays d’origine. Ces réseaux de citoyens, engagés dans la vie de leurs communes, pourraient être un acteur d’un renouveau du fédéralisme et de la démocratie en Europe.

Les mois qui suivront donneront plus d’indications sur l’attachement des citoyens à leur(s) municipalité(s), et sur la dimension européenne que l’action municipal doit revêtir.

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