Le 9 mai dernier, anticipant le vote britannique, nous, personnalités de toutes sensibilités et de tous horizons, nous avons mis sur la table une feuille de route pour une Renaissance du projet européen*. Le 5 juillet dernier le Parlement européen a voté une résolution reprenant nos orientations. Le Conseil européen du 26 juin s’est, comme nous le recommandions, accordé sur la nécessité d’une nouvelle impulsion, à conduire indépendamment du calendrier du Brexit.
Nous souhaitons aujourd’hui que nos propositions, en matière de démocratie, de sécurité des citoyens de l’Union, de croissance économique, de migrations et de jeunesse, nourrissent la réunion préparatoire entre François Hollande, Angela Merkel et Matteo Renzi qui se tiendra ce 22 août à Ventotene. Nos propositions sont concrètes et remettent l’homme au cœur du projet européen : qu’elles soient la base un nouveau consensus européen ; et nous invitons la chancelière allemande, le président français et le président du Conseil italien à mettre les jeunes au cœur de cette relance.
Les nouvelles générations sont la clef de la cohésion de l’Europe et de son succès futur. Elles sont les principaux soutiens du projet européen ; mais elles doutent de ce que l’Union européenne peut leur apporter et se sentent négligées. Elles demandent une union puissante, servant les intérêts concrets des Européens dans un monde que nous ne dominons plus.
La jeunesse européenne est en quête d’idéaux. En leur absence, elle peut être tentée par les radicalismes, comme le fanatisme religieux ou les courants populistes. Si quatre jeunes européens sur cinq croient encore en l’Union européenne, ils veulent une Union qui leur offre un horizon où se projeter et construire leur avenir. Loin d’opposer appartenance nationale et européenne, ils souhaitent les combiner.
Comment faire de l’Europe un projet d’avenir pour les jeunes ? Comment faire en sorte que les jeunes se pensent européens ? Voilà deux questions indissociables auxquelles nos dirigeants doivent maintenant répondre.
Nous distinguons trois priorités : faire connaître l’Europe, faire vivre une vraie expérience européenne aux jeunes et inventer les métiers de demain.
Faire connaître l’Europe
Comment se penser européen sans un minimum de culture et d’éducation communes ? Or l’Europe n’est pas enseignée partout de la même façon. Nous proposons d’instaurer un socle d’enseignement commun de notre culture européenne. Les enseignements civiques, historiques et culturels seront privilégiés.
Donnons également à nos jeunes la fierté d’être européens, en leur faisant découvrir les grandes réalisations de leurs concitoyens. Mettons en avant la créativité artistique et scientifique de notre continent. Proposons aux historiens des sciences et aux savants d’écrire une histoire européenne des sciences. Dans le domaine des arts, suggérons aux artistes et aux chercheurs d’illustrer les rencontres et la coexistence des civilisations au sein du continent. Faisons des anciens Erasmus des ambassadeurs de l’Europe auprès de leur communauté.
Quant aux médias, leur rôle est primordial : il s’agit de promouvoir toutes formes de coproduction. L’Union doit par exemple investir dans la coproduction de séries européennes, mettant en scène des récits dans lesquels les jeunes pourront s’identifier et associer leur imaginaire à la géographie et à la diversité de notre continent.
Faire vivre une vraie expérience européenne aux jeunes
Pour apprendre, il faut expérimenter et sortir de son cocon. La mobilité est indispensable. C’est un vecteur majeur d’intégration sociale et de réussite professionnelle, mais aussi d’apprentissage de l’autre. Depuis sa création en 1987, le programme Erasmus a permis à plus de 3 millions de jeunes d’aller étudier dans un autre pays. Cette expérience doit se faire plus tôt encore, et sur une base plus large et moins élitiste. Faisons davantage voyager nos jeunes. Démocratisons vraiment Erasmus : chaque jeune sans exception doit avoir, avant ses trente ans, l’opportunité d’une mobilité européenne. Saisissons l’occasion de la prochaine révision du cadre financier pluriannuel de l’Union pour mobiliser de nouveaux moyens. Doubler la mise implique de dégager un demi-milliard d’euros supplémentaires sur un budget annuel de l’Union de 145 milliards. Renforçons le rôle de la Banque européenne d’investissement pour garantir des prêts à taux 0. Mobilisons des consortiums d’entreprises pour compléter les financements. En développant d’une part Erasmus, et en soutenant d’autre part le Service volontaire européen, nous dessinons l’avenir de notre identité collective.
En outre, rappelons que pour dépasser les frontières nationales, réelles et virtuelles, il est fondamental de maîtriser les langues. L’immense culture européenne est sous-utilisée car elle n’est que trop peu traduite et diffusée. L’Europe doit renforcer les moyens d’apprentissage des langues, former ses professeurs, privilégier le sous-titrage au doublage dans les médias, et investir dans des programmes de traduction, notamment automatiques. C’est ainsi que les jeunes pourront maîtriser les langues et les cultures de leurs voisins, et se sentir vraiment européens.
Inventer les métiers de demain
L’éducation et la recherche jouent un rôle majeur dans l’invention des métiers de demain. Investissons massivement dans les technologies d’avenir (Future Emerging Technologies), qui transforment nos industries et créeront des emplois au niveau local. Sensibilisons à la créativité et aux technologies du numérique. Ce sont ces investissements qui favoriseront la naissance de nouveaux métiers intégrant les enjeux du développement durable, du numérique et des nouveaux matériaux et affirmeront le leadership industriel de nos entreprises.
Investir dans la jeunesse et valoriser ses compétences impliquent d’assurer aux jeunes une entrée sur le marché du travail plus sereine, via une meilleure coopération entre les établissements d’enseignement et de formation, les services pour l’emploi des jeunes et les employeurs. Renforçons ainsi la « Garantie pour la jeunesse » et pérennisons son financement dans l’ensemble de l’Union.
Ces mesures sont concrètes. Elles dessinent l’avenir de l’Europe, encouragent la créativité et l’ouverture d’esprit, et préparent l’épanouissement d’une nouvelle génération d’Européens pleinement intégrés professionnellement et à l’aise dans un monde en mouvement. Il faut les mettre en œuvre.
Rejoignez-nous et signez la feuille de route sur www.m9m.eu.
Guillaume Klossa (FR), auteur, initiateur de la feuille de route, fondateur d’EuropaNova, ancien sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) ;
László Andor (HU), économiste, ancien commissaire européen ;
Lionel Baier (CH), réalisateur ;
Michel Barnier (FR), ancien ministre des Affaires étrangères, ancien vice-président de la Commission européenne, Parti Populaire européen ;
Mercedes Bresso (IT), parlementaire européenne, ancienne présidente du Comité des Régions ;
Elmar Brok (DE), président de la Commission des Affaires étrangères, Parti Populaire européen Parlement européen ;
Daniel Cohn-Bendit (FR-DE), ancien président du groupe « Les Verts », Parlement européen ;
Philippe de Buck (BE), ancien directeur général de BusinessEurope, membre du Comité économique et social européen ;
Georges Dassis (GR), syndicaliste, président du Comité économique et social européen ;
Paul Dujardin (BE), directeur général du Palais des Beaux-arts (BOZAR) de Bruxelles ;
Cynthia Fleury (FR), philosophe ;
Felipe Gonzalez (ES), ancien premier ministre, ancien président du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) ;
Danuta Huebner (PL), ancienne commissaire européenne, présidente de la commission des affaires constitutionnelles, Parti Populaire Européen, Parlement Européen ;
Kirsten van den Hul (NL), écrivaine et éditorialiste ;
Christophe Leclerq (FR), entrepreneur dans le monde des média et fondateur d’EurActiv ;
Jo Leinen (DE), président du Mouvement européen, député, Parlement européen ;
Cristiano Leone (IT), Responsable de la communication et de la coordination des résidences et manifestations culturelles à l’Académie de France – Villa Médicis ; René van der Linden (NL), ancien Ministre des affaires européennes, ancien Président de l’Assemblée du Conseil de l’Europe, ancien Président du Sénat néerlandais ;
Robert Menasse (AT), écrivain ;
Sofi Oksanen (FI), écrivaine ;
Maria João Rodrigues (PT), membre d’équipes de présidence européenne, ancienne ministre, vice-présidente du groupe « Socialistes et démocrates », Parlement européen ;
Jochen Sandig (DE), directeur artistique de la compagnie de danse Sasha Waltz and Guests ;
Roberto Saviano (IT), écrivain ;
Nicolas Schmit (LU), Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du Luxembourg ;
Gesine Schwan (DE), présidente de la plateforme de gouvernance HumboldtViadrina ;
Philippe van Parijs (BE), philosophe, professeur à l’université d’Oxford, l’Université Catholique de Louvain (UCL) et la Katholieke Universiteit Leuven (KUL) et ancien professeur invité à l’Université de Harvard ;
David van Reybrouck (BE), écrivain, fondateur du collectif Brussels Poetry et du sommet G1000 (plateforme pour l’innovation démocratique) ;
Guy Verhofstadt (BE), ancien premier ministre, président du groupe « ADLE », Parlement européen ;
Cédric Villani (FR), mathématicien, Médaille Fields ;
Sasha Waltz (DE), chorégraphe, danseuse et fondatrice de la compagnie de danse Sasha Waltz and Guests ;
Wim Wenders (DE), réalisateur, producteur, scénariste de cinéma (un des représentants majeurs du Nouveau cinéma allemande des années 1960-70) et photographe.
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