La « Merkel norvégienne » rate son troisième essai

, par Alexis Vannier

La « Merkel norvégienne » rate son troisième essai
Storting, parlement de Norvège Source Pxfuel

La rentrée électorale part sur les chapeaux de roues dès le mois de septembre en Europe ! Avant les Russes, les Gagaouzes, les Islandais, les Allemands, les Portugais, les Suisses et les Saint-Marinais, les Norvégiens sont appelés aux urnes afin de renouveler les 169 sièges de leur Parlement, le Storting. Le Pays des fjords a été terrifié il y a dix ans lors des terribles attentats d’Oslo et d’Utøya en 2011. Si la démocratie et l’union nationale ont été la réponse des Norvégiens, l’entrée deux ans plus tard, en 2013, de membres du Parti du progrès, national-conservateur, au sein du gouvernement est le symptôme d’une douleur et d’une colère populaire peut-être trop rapidement mises sous silence.

Un bloc de droite sortant sous tensions

En 2017, le scrutin législatif a, une nouvelle fois, vu la victoire du Parti travailliste (Arbeiderpartiet), comme tous les scrutins depuis… 1924 ! On a vu pire premier de la classe ! Néanmoins, cette première place (27,3% des voix, en baisse de 3,5 points et 49 sièges, 6 de moins que lors de la précédente législature) n’a pas suffi, pas plus qu’en 2013, à lui garantir la constitution d’un gouvernement stable. Erna Solberg, Première ministre sortante, parvient à renouveler son équipe. En effet, malgré quelques effritements, le bloc de droite conserve une majorité stable : le Parti conservateur (Høyre) recueille tout juste un quart des voix et 45 strapontins, contre 48 en 2013, le Parti du progrès (Fremskrittspartiet) subit le même recul perdant 2 de ses 29 sièges avec tout juste 15% des voix. Suivent ensuite le Parti du centre qui double quasiment son score, avec 10,32% des voix et 19 députés obtenus (+9 par rapport à 2013), le Parti socialiste de gauche (6% des voix et 11 sièges) et les deux autres partenaires gouvernementaux d’Erna Solberg : libéraux et chrétiens-démocrates obtiennent tous les deux 8 sièges. Avec 88 sièges obtenus, le bloc de droite devait donc logiquement poursuivre son aventure gouvernementale. Mais c’était sans compter sur le Parti populaire chrétien qui refuse finalement la coalition, ne souhaitant pas s’associer avec le Parti du progrès. Avec 80 députés, l’équipe d’Erna Solberg doit donc suivre la tradition de compromis des gouvernements minoritaires.

Un durcissement de la législation relative à l’avortement a néanmoins persuadé les chrétiens démocrates de remonter à bord. Une basse manœuvre politique qui aura un impact certain sur l’électorat. Nouveau bouleversement au sein du gouvernement en janvier 2020 quand la droite radicale claque la porte pour protester contre le rapatriement d’une femme de djihadiste et de ses deux enfants de Syrie, pour des raisons humanitaires. En perte de vitesse dans les sondages, le Parti du progrès n’aurait pu espérer mieux pour refaire parler de lui et de ses thèmes de prédilection.

La fatale usure du pouvoir

La Norvège a toujours été un phare de la démocratie dans les nuits troublées de certains États : c’est elle qui organise des pourparlers au Mexique entre opposition et pouvoir vénézuéliens. Malgré son éclatante santé économique, un niveau de vie au summum et des engagements notables dans certains enjeux internationaux, huit ans c’est long, surtout pour un gouvernement. Ainsi, en organisant une soirée pour son anniversaire, en mars 2021, Erna Solberg n’a pas respecté les règles sanitaires en termes de nombre d’invités ; elle a alors écopé d’une amende de 2 000€. Stupéfiant ! Un argument qui ajoute à la lassitude d’une partie de l’électorat.

Parmi les thèmes de campagne, outre la santé - logique en temps de pandémie - la réduction des coûts des services publics, la réduction des écarts entre milieux urbains et ruraux dominent les débats. Les Démocrates norvégiens, petite formation d’extrême droite, ont réussi, aidés par les récents événements en Afghanistan, à imposer le thème de l’immigration, dans une campagne qui penche sérieusement à droite. Leur opposition à l’Union européenne, à l’Espace économique européen et aux accords Schengen, n’a rien d’une surprise dans un pays encore majoritairement réticent à la communauté continentale, et cela malgré la plus europhile des politiciennes norvégiennes à la tête du gouvernement. Les 50 ans, cet été, de l’ouverture du premier champ pétrolier dans les eaux norvégiennes n’auront cependant pas réussi à faire surgir l’écologie dans les débats.

Comme les sondages l’annonçaient, le bloc de droite continue sa dégringolade : les conservateurs d’Høyre perdent 4,6 points en recueillant tout juste un cinquième des voix, le Parti du progrès perd 6 des 27 sièges qu’il détenait quand les chrétiens populaires préservent 3 de leurs 8 députés et les libéraux stagnent à 8 sièges. À l’inverse, profitant de pertes à droite, le Parti du centre progresse et totalise 13,6% des voix et engrange 9 sièges supplémentaires pour culminer à 28. Pour le 24ème scrutin consécutif, les travaillistes remportent la plus grande part des voix malgré un léger recul : 26,3% des voix et 48 sièges. Les socialistes de gauche et les écologistes gagnent chacun 2 sièges quand les communistes de Rouge doublent leur score : leur seul représentant sera rejoint par 7 autres collègues.

À l’issue de ce scrutin, le bloc de gauche, grâce notamment aux performances des centristes et des communistes, l’emporte sur le “bloc bourgeois” de droite. Les négociations devraient voire la “petite Merkel norvégienne” se retirer au profit du leader des Travaillistes Jonas Gahr Støre. La Norvège rejoint ses voisins dirigés par des partis de gauche.

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