La question chypriote est au coeur des négociations avec la Turquie

Interview avec Takis Hadjigeorgiou

, par Alexandra Volou

La question chypriote est au coeur des négociations avec la Turquie
Interview avec Takis Hadjigeorgiou, vice-président de la commission parlementaire mixte UE-Turquie. - WePromise EU (Youtube)

Entre la crise migratoire que traverse l’Union européenne, sa faiblesse diplomatique dans le monde et l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, de nombreuses questions se posent sur l’avenir de l’Union et les solutions à apporter à ces problématiques. Takis Hadjigeorgiou, eurodéputé chypriote du groupe de la Gauche unitaire européenne, investi d’une mission de vice-président de la commission parlementaire mixte UE-Turquie, répond à nos questions.

Cette incapacité de parvenir à élaborer une politique migratoire commune afin de résoudre la crise inédite à laquelle est confrontée l’Europe, démontre que la crise, est non pas uniquement migratoire, mais, selon certains, existentielle. Les plans de répartition successifs ne sont que peu appliqués et l’Union européenne a signé un accord très controversé avec la Turquie. Cette crise est sans doute un tournant dans l’histoire de l’Union européenne. Quel regard portez-vous sur cette situation ?

Cette crise va indubitablement marquer l’avenir de l’Europe. Si on dépasse le cadre de la problématique de la crise migratoire, et nous regardons la situation au-delà de ce problème, nous ne pouvons que constater des problèmes : possibilité de Brexit – qui finalement importe peu si finalement le Royaume-Uni se retire ou non -, un état économique qui empire, la dette grecque… Tout cela démontre que nous sommes entrés dans une époque différente, même si la solution à ces conséquences concrètes ne sera apportée que dans un avenir lointain.

Déjà, ce sujet a révélé les différences concernant les agendas politiques de chaque Etat membre, le manque de solidarité entre nous, et notamment, le très faible soutien aux pays qui sont en guerre, comme l’Irak ou l’Afghanistan.

Selon le règlement Dublin III, qui est toujours en vigueur, les pays qui se trouvent aux confins de l’Union doivent supporter tout le fardeau de la responsabilité de l’accueil des migrants et de l’examen de leurs demandes d’asile. Ce règlement, ne se heurte-t-il pas aux valeurs fondatrices de l’Union, et à la solidarité entre Etats ?

Je suis tout à fait d’accord, il est vrai et connu que des discussions vives ont commencé parce que le règlement a permis aux Etats de renvoyer les migrants à l’Etat de première entrée. La solution la plus logique et la plus juste est la répartition des migrants/demandeurs d’asile par analogie (selon la richesse, la population de l’Etat, etc.). Toutefois, il y a des pays qui n’acceptent pas une telle politique : il s’agit d’une absence de vision commune européenne.

Selon Amnesty International, qui dénonce déjà les dérives du gouvernement turc en matière de droits de l’Homme, de liberté d’expression et des minorités, la Turquie enfreindrait les conventions internationales en renvoyant des réfugiés syriens en Syrie. Si ces informations se confirment, l’Union européenne peut-elle encore renvoyer des migrants en Turquie ?

Ces retours n’ont pas encore été constatés officiellement, et si c’est le cas, ils sont minoritaires. Ce qui est connu en ce moment, est que les bateaux turcs jettent de l’eau aux bateaux transportant des migrants afin de les empêcher de rentrer en Europe. Les flux de migrants en Grèce après la signature de l’accord ont diminué, non seulement en raison du fait que les migrants sont désormais découragés de s’y déplacer, empruntant d’autres routes, mais aussi en raison de ces pratiques turques.

L’accord constitue-t-il une solution viable ? Existe-il des solutions alternatives ?

La seule solution viable est la solution à long-terme. Cette solution ne peut être que la solution permettant le retour de ces personnes chez eux. Plus précisément, la seule solution est la construction d’une ou deux villes au sein de la Syrie, qui seront mises en sécurité par les Etats-Unis et la Russie, ainsi que par l’ONU, de sorte que ces personnes pourront progressivement rentrer dans leurs pays.

L’accord entre l’Union européenne et la Turquie implique la réouverture des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Cependant, la Turquie refuse toujours de normaliser ses relations avec la République de Chypre et de la reconnaître officiellement. Quelles lignes rouges posez-vous à de telles négociations ? Croyez-vous que vos partenaires européens ont ignoré l’importance que la question chypriote revêt ?

Ils ne peuvent dans aucun cas ignoré la question chypriote. Elle est « l’éléphant dans la salle ». Nos partenaires européens essayent simplement en discutant avec la Turquie ou à propos du cas turc d’éviter d’évoquer le fait que toute discussion et négociation avec la Turquie concerne directement Chypre. Inévitablement, il existe toujours un lien étroit. Par exemple, en ce qui concerne l’exemption de visas pour les ressortissants turcs, pour que cette décision soit adoptée, l’unanimité n’est pas exigée. Donc, il sera possible de l’adopter, même sans le consentement de Chypre.

En définitive, comment voyez-vous l’avenir des relations entre l’Union européenne et la Turquie ?

Il existe des pays qui ne soutiendront jamais l’adhésion de la Turquie à l’Union. Certains Etats se moquent de la Turquie, et la Turquie fait semblant d’y croire. Pourquoi ? Parce qu’il est au profit des deux côtés de laisser le chemin libre : la Turquie, d’un côté profite du soutien financier de l’Union, et se prétend être le pont entre l’Orient et l’Union européenne. De l’autre côté, l’Union « contrôle » la Turquie, en évitant qu’elle plonge dans l’islamisme. Cette situation durera pendant au moins une décennie. Personne ne pourra prévoir ce qui se passera dans dix ans. D’ailleurs, lorsque les politiciens font des prévisions, ils sont qualifiés d’alarmistes, tandis que les religieux qui le font sont considérés comme des prophètes.

Propos recueillis par Alexandra Volou.
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