La question du réchauffement climatique examinée par la CEDH

, par Marie Estève

La question du réchauffement climatique examinée par la CEDH
Les incendies se produisent également en Europe. Image : European Wilderness Society

La Cour européenne des droits de l’homme a annoncé, fin novembre 2020, la poursuite de l’examen d’une requête présentée par six ressortissants portugais. Ils attaquent 33 États européens pour leur inaction contre le changement climatique.

Qu’est-ce que la Cour Européenne des droits de l’Homme

La Cour (CEDH) a été créée par la Convention européenne des droits de l’homme (1950) et elle fut mise en place en 1959. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la CEDH n’est pas une juridiction de l’Union Européenne mais bien une juridiction du Conseil de l’Europe. Elle est chargée de veiller au respect de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

47 États ont ratifié la convention dont la plupart des États européens et même la Russie. Le siège de la Cour est à Strasbourg et elle se compose de 47 juges (un juge par État membre) élus pour un mandat de 9 ans non renouvelable par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Tout individu peut saisir la CEDH d’une requête sous réserve d’avoir épuisé les voies de recours internes et que l’affaire relève du champ d’application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (Conv EDH). L’article 47 du Règlement de la Cour explique comment valablement saisir la Cour d’une requête : il suffit d’envoyer le formulaire de requête à la Cour par voie postale.

Les questions soulevées par les requérants portugais

Les requérants, quatre enfants et deux jeunes adultes du Portugal, reprochent aux Etats incriminés de ne pas respecter les engagements pris en 2015 lors de l’Accord de Paris. De plus, ils soutiennent qu’une action climatique plus dure est nécessaire pour préserver leur futur bien-être physique et mental. Ils considèrent que les États incriminés ont violé, par leur inaction, plusieurs dispositions de la Convention Européenne des Droits de l’Homme dont l’article 2, relatif au droit à la vie, et l’article 3 qui protège le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants.

« C’est la première fois que la Cour est confrontée à une requête d’une telle ampleur », explique à l’AFP Thomas Manrique, de l’Université Toulouse 1 Capitole, qui écrit une thèse sur les questions sociétales dans la jurisprudence. La requête a été faite en septembre 2020 alors que le Portugal venait d’enregistrer le mois de juillet le plus chaud depuis 90 ans.

Cette affaire pourrait amener les juges de Strasbourg à reconnaître « l’écocide » comme étant un crime violant la Convention. En effet, les requérants sont représentés par des barristers anglais qui sont des experts en matière du droit environnemental et ils sont soutenus par l’ONG Global Legal Action Network (GLAN). Ces derniers pourraient utiliser cette affaire pour demander à la Cour de pénaliser la destruction des écosystèmes.

Selon un juriste de GLAN, « ces jeunes courageux ont franchi un obstacle majeur dans leur poursuite d’un jugement qui oblige les gouvernements européens à accélérer leurs efforts d’atténuation du changement climatique ».

Qu’est-ce que l’écocide ?

Par exemple, en 2019, le Sénat français avait examiné une proposition de loi visant à reconnaître l’écocide. Les sénateurs socialistes avaient proposé de le définir comme « le fait, en exécution d’une action concertée tendant à la destruction ou dégradation totale ou partielle d’un écosystème, en temps de paix comme en temps de guerre, de porter atteinte de façon grave et durable à l’environnement et aux conditions d’existence d’une population ». Malheureusement, cette loi n’avait pas été adoptée.

La Cour européenne des droits de l’Homme pourrait devenir la première Cour supranationale à reconnaître un tel crime et potentiellement donner une première définition juridique de l’écocide. La reconnaissance de l’écocide pourrait pousser les États membres du Conseil de l’Europe voire des États tiers à faire de même.

Une affaire à suivre

L’impact des juges pourrait être d’autant plus important dans cette affaire car 33 pays sont invités à expliquer leur incapacité à lutter contre le changement climatique. Cette affaire pourrait ouvrir la voie à d’autres requêtes relatives au réchauffement climatique. Fin d’octobre 2020, l’association suisse « Les Aînées pour la protection du climat » avait annoncé son intention de poursuivre la Suisse devant la CEDH.

Sujet initialement publié dans la revue lyonnaise du Taurillon, le TauriLyon !

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