Ce mercredi 28 avril, les députés européens ont débattu autour d’une résolution condamnant de manière explicite les agissements du Kremlin. Adoptée par 569 voix contre 67 (et 46 abstentions), celle-ci revient longuement sur les récents regains de tensions entre la Russie et l’UE de ces dernières semaines. Le déploiement de troupes russes à la frontière ukrainienne. L’expulsion de diplomates européens suite aux accusations du gouvernement tchèque quant à la responsabilité des services secrets russes dans l’explosion d’un entrepôt de munitions en 2014. L’état de santé de l’opposant russe Alexeï NAVALNY sont autant de sujets qui ont concentré l’attention des parlementaires européens.
Haut représentant de l’UE pour la politique extérieure et vice-président de la Commission européenne, Josep BORRELL a introduit le débat en faisant le constat de la dégradation des relations avec Moscou. “La Russie doit cesser ses provocations”, a une nouvelle fois averti le chef de la diplomatie européenne, qui en avait personnellement fait l’expérience lors de sa visite à Moscou au mois de février. S’il se dit pessimiste quant à une éventuelle amélioration de leurs relations, l’Espagnol refuse de couper tout contact avec le Kremlin et insiste pour “laisser ouverts les canaux de communication avec Moscou”, se disant prêt à travailler “sur des domaines d’intérêt communs”, comme les questions climatiques.
Solidarité et fermeté
Diplomates, les députés, eux, l’ont un peu moins été. Prenant la parole pour le groupe PPE, la lettonne Sandra KALNIETE n’a pas mâché ses mots, en qualifiant les pratiques du Kremlin de “retour à des pratiques de l’époque soviétique”, “d’assassinats politiques” ou encore “d’actes terroristes”. Dans leur immense majorité, les députés européens ont martelé leur message de solidarité envers la République tchèque. “On doit pouvoir se tenir ensemble quand un État membre est attaqué”, a déclaré Vladimír BILČÍK, eurodéputé slovaque du PPE. “Il nous faut faire preuve de principe et de cohérence dans notre engagement diplomatique face à la Russie et envers nos partenaires quand ils sont dans le besoin”, a insisté le social-démocrate estonien Sven MIKSER.
Bien que minoritaires, certains élus ont toutefois profité de leur tribune pour faire part de leurs suspicions. Membre du groupe de gauche radicale, l’Irlandais Mick WALLACE s’est dit étonné que l’explosion de l’entrepôt tchèque il y a sept ans ne refasse surface que “seulement maintenant”. Il y voit l’opportunisme du Premier ministre alors que des élections législatives sont à venir. De son côté, le slovaque Miroslav RADAČOVSKÝ (non inscrit), attend lui aussi du gouvernement tchèque “des preuves de ses accusations” et dénonce une manoeuvre de “lynchage” et de “russophobie” au détriment du dialogue. “Nous sommes pro-russes car nous pensons à tous les hommes et femmes russes et pas seulement les riches qui ont accès au pétrole”, s’est défendu le Vert allemand Sergey LAGODINSKY.
Aller au-delà des paroles
Face à ces agressions, les députés ont exhorté les dirigeants européens à faire preuve de fermeté. Pour Sergey LAGODINSKY, une telle attitude est nécessaire car l’escalade des tensions à la frontière ukrainienne met en danger la stabilité du continent. “On le doit aux Ukrainiens car certains sont morts pour avoir eu une vision européenne”, s’est-il ému. Les députés du groupe PPE insistent de leur côté pour soutenir l’Ukraine en “renforçant ses capacités militaires” pour lui donner des moyens de se défendre, et lui donner de vraies perspectives d’intégration à l’OTAN.
“Les résolutions et les débats c’est bien, mais si ça ne se traduit pas par des actes unifiés, ça reste des feuilles de papier et cela n’a pas plus de valeur”, a ainsi objecté Beata SZYDŁO, députée polonaise du groupe ECR. Des sanctions financières à l’encontre des oligarques russes seraient nécessaires, estiment les parlementaires. Une autre action envisagée par la droite (PPE, ECR) est l’exclusion de la Russie du système financier Swift. Mais c’est surtout sur le projet de gazoduc entre la Russie et l’Allemagne, Nord Stream 2, que les élus ont fait pression, le jugeant “géopolitique” plus qu’économique dans la situation actuelle. Dans leurs interventions, les eurodéputés ont largement appelé à son abandon. “L’éléphant dans la pièce c’est Nord Stream 2 : il n’est pas achevé mais il paralyse la politique extérieure de l’UE en la rendant impotente”. Ce constat du député polonais Jacek SARYUSZ-WOLSKI (ECR) est partagé à travers l’hémicycle.
C’est au final, l’intervention de l’Allemand Reinhard BÜTIKOFER (Verts/EFA) qui permet de résumer au mieux les heures de débat au sein du Parlement européen. “La résolution d’aujourd’hui montre la force de notre union sur la défense des valeurs européennes et de nos intérêts. Pourquoi les Etats ne peuvent-ils pas faire preuve d’un même niveau d’accord ?”, s’interroge l’écologiste, qui estime qu’en matière de politique étrangère “la bataille se gagnera ou se perdra dans les capitales nationales [et qu’] on devrait arrêter de dire que l’UE échoue là où les capitales échouent”. Avant de finir sur la véritable question soulevée par les parlementaires : “comment continuer de soutenir Nord Stream 2 ?”.
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