Les ambitions indo-pacifiques des Britanniques
En écho au slogan « Global Britain », le Royaume-Uni ambitionne de devenir une force stratégique, économique et militaire dans la zone indo-pacifique d’ici 2030. C’est ce que préconise sa dernière Revue intégrée. Sur le volet économique, ce plan d’action recommande au gouvernement britannique de renforcer les liens commerciaux avec les pays à fort potentiel économique, dont l’Inde, qui devrait connaître une croissance économique de 11% en 2021-2022. Quant à ses futures relations avec la Chine, bien qu’elle soit toujours présentée comme un marché à fort potentiel, la Revue émet toutefois des réserves quant à la politique expansionniste de l’Empire du Milieu dans la région indo-pacifique.
Pour freiner les ambitions régionales de Pékin, il est prévu que Londres renforce ses relations stratégiques avec les pays du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, qui comprend l’Australie, le Japon et l’Inde. Elle entend également renforcer ses capacités militaires dans la région - une présence permanente du porte-avions britannique HMS Queen Elizabeth est anticipée dans les années à venir.
Avec la volonté affichée du gouvernement britannique de redéfinir une partie importante des intérêts du Royaume-Uni vers l’Asie, que reste-t-il en termes de coopération stratégique entre les Européens et les Britanniques sur l’Iran et la Russie ?
Le nucléaire iranien
La Revue intégrée accorde une attention particulière à la prolifération nucléaire et à l’influence extérieure de l’Iran. En effet, il s’agit du pays du Moyen-Orient le plus cité dans la publication. Compte tenu des investissements stratégiques de l’Iran dans le monde arabe, la Revue conseille au gouvernement britannique de non seulement amener le régime iranien à respecter ses engagements nucléaires, mais aussi d’étendre l’accord international sur le nucléaire iranien au programme balistique et aux activités régionales de l’Iran. De fait, le travail diplomatique pourrait se poursuivre entre le Royaume-Uni et les deux autres signataires européens à cette fin. En effet, depuis que Donald Trump a retiré les États-Unis du JCPOA, le trio franco-germano-anglais a travaillé sans relâche pour ramener Washington dans l’accord ; proposant même un nouvel accord contenant non seulement le programme nucléaire de l’Iran, mais aussi la réglementation de son programme balistique et de ses activités régionales. Pour contrer les sanctions américaines, ils avaient également créé un instrument européen de commerce avec l’Iran, afin de ramener Téhéran à ses engagements nucléaires.
Après l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, les parties du dossier nucléaire iranien avaient pourtant espéré un petit pas en avant - compte tenu de la présence dans son administration de conseillers qui avaient joué un rôle clé dans la concrétisation de l’accord en 2015. Cependant, après quatre mois de tâtonnements, les sanctions américaines restent toujours en place et le régime iranien est à 6 mois de la production d’une arme nucléaire. Dans ce contexte d’urgence, une première avancée avait au moins été réalisée par Washington ces derniers jours, avec une délégation américaine engageant des discussions indirectes avec leurs homologues iraniens à Vienne – révélant la volonté des deux parties de résoudre leur différend. Il revient maintenant à l’E3 de proposer aux Américains et aux Iraniens de se parler directement pour établir une feuille de route incluant la date de la levée des sanctions américaines et le retour de l’Iran au respect des termes du JCPOA.
La Russie de Poutine
La Revue adopte une ligne ferme contre la Russie - évoquant la possibilité pour les Européens et les Britanniques de travailler ensemble dans l’espoir de contrecarrer les activités malicieuses de Vladimir Poutine sur le continent européen. Au cours de la dernière décennie, le Royaume-Uni et les Européens ont été durement touchés par les actions du Kremlin, sur leur propre territoire. En mars 2018, le gouvernement britannique avait été pris de court par la tentative d’assassinat d’un ex-agent double soviétique, Sergueï Skripal, à Salisbury - une ville de 4500 habitants dans le comté de Wiltshire - par deux agents du renseignement militaire russe. Quant aux Européens, en août 2019, la capitale allemande Berlin, avait été frappée par le meurtre de Zelimkhan Khangoshvili, (ancien commandant de la République tchétchène d’Itchkérie), commandité par les services de sécurité russes (FSB).
Aujourd’hui, les points de tension entre l’Occident et la Russie se sont multipliés : le soutien ouvert du président Poutine aux exactions commises par le président biélorusse Alexandre Loukachenko contre sa population et l’empoisonnement de l’opposant russe Alexeï Navalny commis par le FSB ont considérablement brouillé les relations entre le Kremlin et l’Occident. De même, l’absence de progrès concrets du président Poutine dans la mise en œuvre des Accords de Minsk visant à mettre fin au conflit dans le Donbass continue d’entraver les relations entre l’UE et la Russie.
Bien que le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, ait reconnu que les relations entre l’UE et la Russie sont au point mort, Paris et Berlin ne comptent pas couper tous les ponts avec le Kremlin – surtout pour résoudre les crises sur le flanc oriental de l’Europe. En effet, la France et l’Allemagne sont profondément préoccupées par la volonté de la Russie de se rapprocher de la Chine - tant sur le plan économique que sur le plan sécuritaire. Il convient de noter que ces dernières années, le Kremlin avait invité la Chine à participer à des grands exercices militaires conjoints - en Méditerranée en 2015 et en mer Baltique en 2017. Compte tenu des dernières tensions sino-européennes - la Chine pourrait bien participer avec la Russie à l’exercice militaire russe (Zapad) dans le district militaire Ouest de la Russie cet été.
Cela ne signifie pas que Paris et Berlin refusent de reconnaître la nature de la menace. Au contraire, les deux partenaires restent très préoccupées par les opérations malveillantes du Kremlin en Europe - c’est d’ailleurs grâce au travail diplomatique conjoint des deux parties que les États membres européens ont approuvé la nécessité d’imposer des sanctions ciblées aux auteurs de l’empoisonnement de Navalny.
Brexit et vaccins ravivent les tensions
Sur fond de résurgence de la pandémie de Covid-19 en Europe, le Brexit est de nouveau au centre des préoccupations à Bruxelles. Le protocole spécifique à l’île d’Irlande, contenu dans le traité de retrait signé fin 2019 est au cœur des tensions entre Bruxelles et Londres. En raison de la violation des règles douanières envers l’Irlande du Nord par le gouvernement britannique, la Commission européenne a de fait lancé deux procédures contre le Royaume-Uni, le 15 mars. En effet, le mois dernier, le Premier ministre Boris Johnson a décidé de prolonger de six mois l’exemption des produits agroalimentaires aux contrôles sanitaires vers l’Irlande du Nord - mettant ainsi en péril le protocole d’Irlande du Nord, censé empêcher l’établissement d’une frontière entre la province britannique d’Irlande du Nord et la République d’Irlande, État membre de l’UE.
Quatre mois seulement après sa sortie du marché commun, Londres ne peut laisser l’économie britannique devenir le bouc émissaire des tensions avec Bruxelles. L’un des grands projets politiques du mandat de Boris Johnson est de conclure un accord de libre-échange avec Washington. Or, Joe Biden, est fortement attaché à ses racines irlandaises – le président américain est très proche de sa famille qui réside dans le comté de Louth. Le président Biden est donc très préoccupé par toute tentative visant à saper la paix en Irlande, ce qui pourrait le contraindre à renoncer à un nouvel accord de libre-échange avec le Royaume-Uni.
Ajoutez à ces tensions, le récent différend entre Bruxelles et Londres sur les livraisons de vaccins contre le Covid-19 : les relations euro-britanniques n’ont jamais été aussi compliquées. Le chef de la diplomatie française, Jean Yves Le Drian, avait récemment accusé le gouvernement britannique de faire du chantage à l’UE au sujet des livraisons de vaccins d’Astrazeneca. Bien que Londres et Bruxelles aient tenté de résoudre leur contentieux, une nouvelle escalade des tensions pourrait avoir un impact significatif sur les relations futures entre le Royaume-Uni et l’Europe.
1. Le 10 avril 2021 à 15:26, par Chief Mol En réponse à : La Revue intégrée du Royaume-Uni : quelle place pour la coopération euro-britannique ?
Coopérer signifie : « travailler conjointement ». C’est justement pour ne plus avoir à le faire que le Brexit a eu lieu !
Les Anglais ont préempté les vaccins produits sur le sol européen. Et ils se sont ensuite permis d’accuser les Européens de nationalisme vaccinal ! Il faut être bouché pour ne pas comprendre que les Anglais ne veulent pas de coopération UE-GB. Ils veulent des accords qui leurs permettent d’avoir accès à ce qui les intéresse, quitte à ne respecter que la partie de l’accord qui leur convient.
Les europhiles, naïfs et stupides, continuent d’espérer que coopération il y aura. Et ils continueront à se faire rouler dans la farine jusqu’à ce que, de guerre lasse, les électeurs donnent leur voix à des eurosceptiques.
La seule façon, pour les Brexiters, de réaliser leur rêve de grandeur (redevenir un Empire), c’est de devenir une mini-superpuissance satellite des USA (joli oxymore). La politique UK est donc très simple à comprendre, il s’agit pour eux d’être d’accord avec les USA, sur tous les sujets. Tout le reste n’est qu’enfumage et billevesées.
Problème, Biden n’est pas Obama : ce n’est pas un perdreau de l’année. Et il est bien moins stupide que les dirigeants européens. Les flatteries et courbettes de BoJo ne vont pas suffire. Pas exclu que Biden accepte très poliment les gages et petites attentions sans pour autant donner grand-chose en retour. L’arroseur arrosé.
A noter le superbe Tweet de Farage qui vient de copieusement insulter Biden en disant qu’il avait mis plus de temps que Poutine à présenter ses condoléances au peuple Britannique. Ambiance. Le Clown de Downing Street n’a pas fini de ramer.
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